À André Falconet, le 14 janvier 1670, note 5.
Note [5]

« En divers temps, je me suis trouvé trois épouses : comme jeune homme, comme homme mûr, et comme vieillard. La première s’est unie à moi pour le besoin de mes fougueuses années, la seconde pour mes richesses, la troisième pour mon secours » (v. note [6], lettre 906).

Cette dernière mention de Charles Delorme (mort en 1678) dans les Lettres donne occasion de citer un extrait de ce que Bayle a écrit sur lui et incidemment, sur les mariages des vieilles gens :

« Il pratiqua dans Paris avec beaucoup de succès et il fit d’ailleurs beaucoup d’honneur à son art par sa longue vie. Chargé d’années, il se sentait encore assez de vigueur pour vouloir se remarier : nous voyons cela dans les lettres de Guy Patin. J’ai ouï dire qu’il se remaria effectivement et qu’il choisit une fille très jeune et fort jolie, et qu’on crut que cela ne servirait qu’à hâter sa mort ; mais au contraire, cela ne servit qu’à faire mourir la jeune femme. Elle gagna une phtisie auprès de ce bon vieillard et n’en put jamais guérir. »

Ibid. note E :

« Si elle s’était résolue par l’espérance d’un gros douaire à n’avoir que la condition de sunamite, {a} elle eut bien sujet de s’affliger en voyant les mauvais effets de cette fonction, et combien était contagieux pour une jeune personne le lit d’un vieillard. Plusieurs médecins soutiennent qu’il est utile à un homme décrépit de coucher avec un enfant bien gras et bien potelé ; mais qu’il est dangereux à celui-ci d’avoir un tel voisinage. Néanmoins, on voit arriver assez rarement ce qui arriva à la femme de notre Delorme ; et ainsi, l’espérance qu’elle eût pu avoir d’être bientôt une jeune veuve, fraîche et gaillarde, et bien dotée, n’eût pas été téméraire. Quant à lui, s’il ne payait pas son tribut à la vieillesse par l’affaiblissement de sa mémoire et de sa science, il le payait par une autre chose, c’est-à-dire par la folie de vouloir se remarier. Tant il est vrai que la vieillesse est un péage qui n’admet point d’exemptions pures et simples ! Il y aurait bien des raisons à rapporter de part et d’autre sur la question si les mariages tels que celui de M. Delorme sont plus mal assortis que ceux qui ressemblent à celui de Publicius et de Septicie, deux personnes fort âgées. Valère Maxime nous apprend qu’Auguste cassa le testament de Septicie, par lequel elle avait laissé tout son bien à son mari, au préjudice des enfants qu’elle avait d’un autre lit. Cet auteur élève jusques aux nues la justice de cet arrêt. […] On devrait peut-être parmi les chrétiens casser plus souvent que l’on ne fait les contrats de mariage qui joignent ensemble ou deux extrémités de même nom, ou deux extrémités opposées, deux vieillesses, ou l’âge caduc et la fleur de l’âge. »


  1. Âme sainte, chaste épouse de Jésus-Christ.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 14 janvier 1670, note 5.

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(Consulté le 19/04/2024)

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