À Jan van Beverwijk, le 19 juillet 1640, note 5.
Note [5]

Dans au moins cinq de ses lettres, Érasme a parlé de la lithiase urinaire (carnifex [bourreau]) qui le torturait ; la note 3 (page 6) de Charles Nisard m’a procuré les deux premiers extraits. Les liens renvoient au 31 livres de l’édition de Londres, 1642 (v. note [14], lettre 71).

  1. Livre xviii, lettre 20, colonne 785, repères B‑C, sans lieu ni date, au pape Adrien vi (v. notes [26] et [27] du Borboniana 7 manuscrit) :

    Sed cogor edictis tyranni sævisismi parere. Cujus, inquies ? Longæ Mezentio et Phalaride crudelioris, calulus illi nomen est.

    [Mais je suis contraint d’obéir aux édits du plus cruel des tyrans. Qui est-ce donc, me demanderez-vous ? Il est plus cruel que Mézence et Phalaris, {a} et porte le nom de calcul].


    1. Dans l’Énéide de Virgile, Mézence est un roi légendaire des Étrusques et ennemi d’Énée ; on lui donnait le surnom de blasphémateur.

      Dans la Politique d’Aristote, Phalaris, tyran d’Acragas, en Sicile, au vie s. av. J.‑C., était réputé faire rôtir ses victimes dans un taureau d’airain (v. notule {a}, note [37], lettre 291).


  2. Livre xviii, lettre 30, colonne 798, repère C, de Bâle, le lendemain des Innocents (29 décembre) 1524, à Leonardus, official de l’archevêque de Besançon :

    Ubi sum factus paulo firmior, aperuit se calculus, qui latuerat insidiis. Eum ejeci, sed cum summa vitæ desperatione.

    [Quand je fus un peu plus solide, un calcul se fit jour, qui se tenait en embuscade. Je l’ai expulsé dans des douleurs qui m’ont plongé dans l’absolu désespoir de la vie].

  3. Livre xxiii, lettre 5, colonne 1208, repère C, de Bâle, à Jodocus Gaverus, le 1er mars 1523 (déjà citée dans la note [6], lettre 579), parlant du supplice de la crucifixion :

    Tum quam multi morbi sunt, qui vincunt virgas, ungulas, secures et cruces ? Quot annis multos discruciat podagra ? Quot excoriatio renum ac vesicæ ? Quot calculus meus carnifex : Quæ crux conferenda cum pleuritidis cruciatu ?

    [Alors, pourquoi y a-t-il tant de maladies qui surpassent les verges, les crocs, les haches, les croix ? Pourquoi la podagre {a} torture-t-elle tant de gens pendant tant d’années ? Pourquoi cette déchirure des reins et de la vessie ? Pourquoi ce calcul, mon bourreau, cette croix qui n’a d’égale que le supplice de la pleurésie ?]


    1. Goutte du pied (v. note [30], lettre 99), en lien fréquent avec la lithiase urinaire.

  4. Livre xxi, lettre 12, colonne 1083, repère D, de Bâle, à Joannes Carondiletus, archevêque de Palerme, le mercredi suivant Pâques de l’an 1524 :

    Hoc anno crebro quidem, sed præcipue mensibus Iulio et Decembre, sic me tractavit meus carnifex calculus, ut mors fuerit in votis, vita in desperatione. Nulla enim mors potest esse calculo crudelior.

    [Bien souvent cette année, mais surtout aux mois de juillet et décembre, mon bourreau, le calcul, m’a si maltraité que j’ai souhaité mourir, ma vie étant transformée en désespoir. C’est que nulle mort ne peut être plus cruelle que le calcul].

  5. La lettre 11 le livre xxii, colonnes 1138‑1139, au médecin Franciscus, sans lieu ni date, est entièrement consacrée aux manifestations de la lithiase d’Érasme, avec ce début :

    Quod sacerdos est animis nostris, hoc medicus est corpusculis. Celare suum malum non debet, qui remedium expectat. Nec dubito quin tua prudentia soleat eam silentii fidem præstare, quam Hippocrates magna religione exigit ab ejus artis professoribus. Jam annis aliquot me crudeliter tractavit calculus renum, nec erat parturiendi, pariendi, concipiendi finis, ut mirer hoc copusculum tot cruciatibus successisse. Cruciatus frequenter extorquebat vomitum : postea stomachus sedecim totos dies, nullum omnino cibum recipiebat, præter sorbitiunculas. Et in dies ingravascebat malum, tandem adeo exacerbatum, ut desponderem animum, tam acerbi fuerunt nixus. Deinde mutato vino, quod tenue quidem, sed levius, quam hæc sunt vernacula, ad hæc dilutum aqua ex glycirrhiza cocta, bibere cœperam, idque modice, menses aliquot eo cruciatu carui.

    [Le prêtre est à nos âmes ce qu’est le médecin à nos misérables corps. Qui attend remède ne doit point celer son mal, et je ne doute pas que votre coutumière sagesse ne respecte la fidélité au silence que la grande dévotion à Hippocrate exige de ceux qui professent son art. Un calcul des reins m’a cruellement affligé depuis déjà quelques années, sans cesser d’en souffrir pour m’en délivrer et en apercevoir le terme, et je m’émerveille que ce petit corps ait surmonté tant de tortures. Elles m’ont fréquemment fait vomir ; après quoi, seize jours durant, mon estomac n’admettait aucune nourriture autre que de maigres bouillons ; et le mal allait empirant de jour en jour, jusqu’à s’exacerber au point d’en perdre courage, tant le travail d’expulsion était âpre. Enfin, je me suis mis à boire du vin clair, mais en petite quantité et plus léger que celui qu’on produit ici, que je diluais dans une décoction de réglisse, et j’ai été libéré de ce supplice durant quelques mois].

Quant à lui, Jan van Beverwijk a parlé d’Érasme en au moins deux endroits de son traité de Calculo Renum et Vesicæ… (v. supra note [3]).

  1. Page 141 :

    Hinc eleganter Aretæus, Calculorum, inquit, procreationem e fœcunda sterilem reddere nemo potest. Facilius est enim uterum a pariendo prohibere, quam calculosos renes calculis vacuare. Urbane, ut solet, Erasmus noster lib. Epist. xxi. ad Christophorum, Episc. Basileensem : Fœminæ sterilescunt ætate : me senectus reddit fœcundiorem : aut enim concipio, aut pario, aut parturio. Sed partus est viperinus, et vereor ne quando parentem interimat. Certe semel atque iterum gravi periculo sum enixus. Quod si parum favente Iunone et Lucina niti cœpero, vixerit Erasmus.

    [Là-dessus, Arétée dit avec élégance, Chez qui en est fécond, personne ne peut stériliser la production de calculs ; car il est plus facile d’empêcher l’utérus de procréer que de vider des reins pierreux de leurs calculs. {a} Avec sa grâce coutumière, notre Érasme, au livre xxi de ses Épîtres, écrit à Christophorus, évêque de Bâle : {b} Les femmes deviennent stériles avec l’âge ; moi, la vieillesse me rend plus fécond, ou je conçois, ou je couve, ou j’accouche ; mais mon fruit est vipérin, et j’appréhende qu’alors il ne tue son père. À plusieurs reprises, j’ai lutté pour échapper à un grave danger ; car si je commence à compter sur la défaveur de Junon et sur Lucine, {c} c’en sera fait d’Érasme].


    1. Aretæi Cappadocis Ætiologica, Simeiotica et Therapeutica morborum acutorum et diuturnorum… [Étiologie, Sémiologie et Thérapeutique des maladies aiguës et chroniques, d’Arétée de Capadoce (v. note [3], lettre 407)] (édition gréco-latine d’Augsbourg, 1603, v. note [15], lettre 841), livre ii, De diuturnorum morborum curatione [Le traitement des maladies chroniques], début du chapitre iii (page 260), De calculi renum atque ulceris curatione [Traitement du calcul et de l’ulcèration des reins], dans un latin de syntaxe différente, mais de même sens :

      Nempe ut innata calculorum fæcunditas ad sterilitatem commutetur, fieri non potest. Facilius enim uterum concipiendo fætui inhabilem quis reddat, quam calculis generandis aptos renes, a calculorum generatione prohibeat.

      [Il est impossible de stériliser la propension innée à fabriquer des calculs. Il est en effet plus facile de rendre fécond un utérus inapte à engendrer, que d’empêcher des reins à produire des calculs quand ils y sont prédisposés].

    2. Livre xxi, lettre 15, colonne 1085, repères B‑C.

    3. Dans la mythologie romaine, Junon présidait aux cycles lunaires (à la fécondité) et Lucine (ou Hécate) aux accouchements.

  2. Pages 147‑148 :

    Leges, quum maxime sæviunt, dissecant vivum in quatuor partes, priusquam attingant vitalia. At ego crediderim minus sensurum cruciatus, si cui membratim corpus dissecetur, quam qui sentit calculum sub imis costis, ac circa venarum, quas meseraicas appellant medici, (eas non tangit calculus, ureteres debuit dicere) angustias sævientem. Quanquam medici veteres inter extremos cruciatus, qui subitam mortem adferunt, primas tribuunt calculo vesicæ. Qui fortassis hoc est acerbior, quod fere sit immedicabilis, nisi velis remedium morte crudelius, atque ipsam plerunque mortem. Certe huic proximum malum est renum calculus, quum sævit acerbius. Me vero tamen subinde repetit, tamque capitaliter adoritur, ut, si quis odit Erasmum, merito jam inimicus esse desinere debeat, nimirum odio tot malis saturato. Porro cruciatum tam immitem secum affert calculus, ut quamvis validum ac robustum corpus, intra triduum nonnunquam interimat, et si se remittat dolor, in hoc remittit, ut mox atrocius sæviat. Quid hos est aliud, quam frequenter regustare mortem ? Quis autem cuperet reviviscere, paullo post iterum moriturus ? Erasmus lib. xxiii. Epist. ad Iod. Gaverum.

    [Dans leur plus extrême rigueur, les lois coupent le condamné tout vif en quatre morceaux, avant d’attaquer ses parties vitales. Pour moi, si on me tranchait le corps membre à membre, je croirais éprouver un moindre supplice que celui de sentir le calcul s’acharner avec fureur sous les basses côtes et autour des resserrements des veines que les médecins appellent mésaraïques (mais le calcul ne les touche pas, il aurait donc dû dire les uretères). {a} Les anciens médecins classaient parmi les extrêmes tortures celles qui provoquent une mort subite, {b} mais les rangeaient après la pierre vésicale. Peut-être est-elle plus cruelle parce qu’elle est incurable, à moins de vouloir un remède plus cruel que la mort, et lui-même mortel la plupart du temps. {c} Le calcul des reins est sans doute un mal approchant, quand il sévit très cruellement. Il me reprend pourtant souvent et m’assaille avec tant d’acharnement que, si quelqu’un hait Érasme, il devrait bien cesser à tout jamais de lui être hostile, car voilà sa haine repue par tant de maux. De plus, le calcul procure un supplice si affreux qu’il tue parfois en l’espace de trois jours, même quand le corps est sain et robuste ; et si la douleur se relâche, elle ne le fait que pour bientôt sévir plus atrocement. Cela est-il autre chose que regoûter fréquemment à la mort ? Qui donc désirerait revivre la mort, quand il remourra peu après ? Érasme, livre xxiii des Épîtres, à Iodocus Gaverus]. {d}


    1. Les veines mésaraïques sont celles qui drainent le mésentère ; la parenthèse corrective est de Jan van Beverwijk.

    2. V. note [15], lettre 554.

    3. La taille de la vessie (cystotomie ou lithotomie) pour en extraire le calcul.

    4. Lettre datée de Bâle, le 1er mars 1524 (3e citée supra).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Jan van Beverwijk, le 19 juillet 1640, note 5.

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(Consulté le 26/04/2024)

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