À Charles Spon, le 30 janvier 1652, note 51.
Note [51]

Basile Fouquet (Paris 1622-ibid. 1680), abbé de Barbeau (en 1652, abbaye cistercienne aujourd’hui détruite, qui était située à Fontaine-le-Port, près de Melun), était frère cadet de Nicolas. Après des études chez les jésuites, Basile s’était voué à l’Église, mais n’accéda jamais à la prêtrise. Il avait obtenu fort jeune les bénéfices ecclésiastiques de la trésorerie de Saint-Martin de Tours et une charge de conseiller aumônier du roi. En 1649, Mazarin l’avait employé à négocier la soumission de la duchesse de Chevreuse, puis en avait fait une sorte de chef de ses services secrets pendant le temps de la Fronde. C’est l’abbé Fouquet qui allait soudoyer les émeutiers parisiens œuvrant pour Mazarin après le combat du faubourg Saint-Antoine (2 juillet 1652) ; lui aussi qui allait réussir à éventer le complot de Mme de Châtillon contre le cardinal.

Dans le tome premier de ses Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet, Chéruel a décrit au long ces menées de Basile, en étroite alliance avec son frère Nicolas, alors avocat général du Parlement de Paris, qui ne ménageait aucune peine et ne négligeait aucun subterfuge pour en rallier les conseillers à la cause royale, contre celle des princes frondeurs et du cardinal de Retz. Ce fut le puissant levier qui permit l’ascension de Nicolas à la surintendance des finances en février 1653 (charge qu’il partagea jusqu’en 1659 avec Abel Servien) ; mais l’évêché de Poitiers, que Basile avait espéré pour récompense des services rendus, ne lui revint pas ; le cardinal Antonio Barberini en reçut les bulles papales le 16 août 1652. En compensation, l’abbé Fouquet fut établi conseiller d’État en 1653 et put acquérir, moyennant 400 000 livres, la charge de chancelier des Ordres du roi qu’il conserva jusqu’en 1659. Sa bonne entente avec son frère Nicolas pâlit en 1657 pour aboutir à une querelle publique en janvier 1661. La condamnation du surintendant n’en obligea pas moins Basile à la relégation, d’abord à Tulle puis à Bazas, en 1676 à Mâcon et deux ans plus tard, dans son abbaye de Barbeau (Seine-et-Marne). Malade, il revint à Paris terminer ses jours dans sa maison de la rue des Saints-Pères (Dessert b).

À la fin du livre 1er de son Histoire amoureuse des Gaules, Bussy-Rabutin (v. note [9], lettre 822) a laissé ce portrait de Basile :

« Il avait les yeux bleus et vifs, le nez bien fait, le front grand, le menton plus avancé, la forme du visage plate, les cheveux d’un châtain clair, la taille médiocre et la mine basse ; il avait un air honteux et embarrassé ; il avait la conduite du monde la plus éloignée de sa profession ; il était agissant, ambitieux et fier avec des gens qu’il n’aimait pas, mais le plus chaud et le meilleur ami qui fût jamais. Il s’était embarqué à aimer, plus par gloire que par amour ; mais après, l’amour était demeuré le maître. La première femme qu’il avait aimée était Mme de Chevreuse, de la Maison de Lorraine, dont il avait été fort aimé ; l’autre était Mme de Châtillon qui, dans les faveurs qu’elle lui avait faites, avait plus considéré ses intérêts que ses plaisirs. »

Chéruel (tome i, pages 19‑20) a décrit la situation de l’abbé au début de 1651 :

« Basile Fouquet, que nous voyons paraître ici comme un des principaux agents de Mazarin, avait été destiné à l’état ecclésiastique ; mais il ne fut jamais prêtre, et le titre d’abbé, qui est resté attaché à son nom, indique simplement qu’il avait obtenu des bénéfices d’Église, dont il touchait le revenu, sans remplir aucune fonction sacerdotale. Activité, souplesse d’esprit, fécondité de ressources, intrépidité dans la lutte, zèle et ardeur poussés jusqu’à la témérité, telles furent les qualités que déploya d’abord l’abbé Fouquet. Après la victoire, ses vices apparurent et le rendirent odieux ; ambitieux, avide, insolent, s’abandonnant aux plaisirs avec une scandaleuse effronterie, il provoqua la haine publique et contribua à la chute de son frère. Mais nous ne sommes encore qu’à l’époque où il servit Mazarin avec un zèle ardent et s’en fit un protecteur qui, jusqu’à sa mort, couvrit les vices de l’abbé de sa toute-puissante amitié. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 30 janvier 1652, note 51.

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(Consulté le 20/04/2024)

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