Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 2, note 52.
Note [52]

« Voyez Vossius de Historicis Latinis, 2e édition, 1651, page 659, où il a rapporté les paroles de Jovius, qui disent peu de louanges, mais beaucoup d’âpretés contre Galeotus. Voyez au même endroit la plaisante réponse de Galeotus au gentilhomme vénitien qui le traitait de gros porc : je préfère être un gros porc qu’un bouc ; ce qu’il disait parce que l’épouse de ce noble était fort débauchée ; et depuis, les Italiens appellent boucs, c’est-à-dire porteurs de cornes, les maris de telles femmes. »

De Historicis Latinis Libri iii [Trois livres sur les Historiens latins] de Gerardus Johannes Vossius (Leyde, 1651, v. note [6], lettre 162), livre iii, pages 659‑660 :

Galeotus Martius Narniæ genitus fuit […]. Primum in Italia Bononiæ bonas literas docuit ; hinc in Pannoniæ privatis scholis idem egit. Post Matthiæ Corvini, Hungariæ regis, domesticus factus, atque epistolarum magister : idemque, ut videtur, præfuit studiis filii ejus, Johannis Corvini. Præfectus etiam fuit bibliothecæ Budensi. Acrius in eum stylum strinxit Franciscus Philippus : sed Joa. Pannonio, Quinque-ecclesiarum episcopo, carissimus erat, jam ab eo tempore, quo in Italia eadem studia sequebantur. […] Leander in Italia sua vocat excellentem oratorem, et philosophum : sed hoc in eo culpat, quod, dum plura, quam par est, scire laborat, a fide Orthodoxa in quibusdam declinarit.

Nempe (ut Pauli Jovii de eo verba retineam) scripsit etiam, et malo quidem infortunio, quædam in sacra, moralique philosophia. Nam ex ea lectione, cum omnibus gentibus integre, et puriter, veluti ex justa naturæ lege, viventibus, æternos cælestis auræ fructus paratos diceret : a cucullatis sacerdotibus accusatus, damnatusque est. Sed eum periculo celeriter exemit Xystus pontifex, qui in minori Fortuna ejus fuerat auditor, non sine gravi tamen contumelia. Nam in fero Veneto ad geminas columnas ad tribunal perductus est, ut, impetrata venia, se falsa scripsisse fateretur. Sed accidit, ut id judicium exortus in turba risus everteret, falso ac repentino Galeoti dicterio excitatus. Nam cum forte non ignobilis Venetus, e turba proximus, strigosa proceritate, et impudicæ uxoris probro insignis, traductum ludibrio præpinguem porcum appellasset : extemplo Galeotus, renidentique ore, Pinguis, ait, porcus, quam macer hircus, esse malo. Erat enim Galeotus usque adeo tumenti abdomine, ut cum sub vasto obesi corporis pondere, vel prægrandia jumenta fatiscerent ; rheda curuli veheretur : ac demum senex, ad montem Annianum circa Ateste, arvina suffocatus interiret.

[Galeotus Martius est né à Narnia (…). Il a d’abord enseigné les belles-lettres à Bologne, puis en a fait de même dans les écoles privées de Hongrie. Ensuite, il est entré à la cour de Matthias Corvin, roi de Hongrie, comme son premier secrétaire et, semble-t-il, comme précepteur de son fils, Jean Corvin, et bibliothécaire de Buda. Franciscus Philelphus a rudement attaqué son style, mais il était très cher à Janus Pannonius, évêque de Pécs, depuis qu’ils avaient étudié ensemble en Italie. (…) Leander, en son Italia, {a} l’a dit être un excellent orateur et philosophe, mais avoir fauté car, en travaillant, comme il devait, à savoir quantité de choses, il s’est parfois écarté de la foi orthodoxe.

De fait, (pour citer les mots de Paul Jove) {b} il a aussi la mauvaise fortune d’écrire parfois contre la philosophie morale et sacrée. Des moines l’ont accusé et condamné pour avoir dit que, selon lui, tous les peuples qui menaient une vie intègre et pure, conforme à la juste loi de la nature, se disposent à jouir éternellement du souffle céleste. Le pape Sixte, {c} qui avait été son auditeur quand il jouissait d’une moindre célébrité, le tira promptement de ce péril, mais non sans sévère réprimande : il fut conduit au tribunal de la farouche Venise, en vue de passer entre les deux colonnes ; {d} on l’amnistia sous condition qu’il reconnût avoir écrit des contrevérités. Il advint néanmoins que cette sentence tourna en un grand éclat de rire de la foule, provoqué par un sarcasme inopiné et improvisé de Galeotus : au premier rang se tenait un Vénitien de bonne naissance, grand et efflanqué, bien connu pour la conduite scandaleuse de son épouse débauchée, qui se moqua de lui en le traitant de gros porc ; sur-le-champ, Galeotus lui répondit dans un grand rire, « Je préfère être un gros porc qu’un bouc maigre ». Le fait était que Galeotus avait l’abdomen si proéminent que même les plus solides chevaux ployaient sous le poids d’une si énorme obésité, et qu’il devait se déplacer en carrosse. Devenu fort vieux, il serait mort, suffoqué par sa graisse, à Montagnana près d’Este]. {e}


  1. Descrittione di tutta Italia di F. Leandro Alberti Bolognese… [Description de toute l’Italie, par le F. Leandro Alberti natif de Bologne (historien et théologien dominicain, 1479-1552)…] (Venise, Giovanni Maria Leni, 1577, in‑8o).

  2. In Elogiis doctorum virorum [en ses Éloges de savants hommes] (note de l’imprimeur) ; fo 28 vo‑29 ro, édition de Venise, 1546 (v. note [18] du Traité de la Conservation de santé, chapitre  iii).

  3. Sixte iv (1471-1484, v. supra note [39]).

  4. L’Inquisition de Venise, réunie dans le palais des Doges, faisait exécuter ses condamnés à mort entre les deux colonnes monumentales de la Piazetta San Marco (petite place Saint-Marc). Ce procès suivit la rédaction du livre de Vulgo incognitis (v. supra notule {e}, note [50]) et eut lieu en 1477-1478.

  5. Montagnana, où résidait Galeotus, se situe à une quinzaine de kilomètres à l’ouest d’Este ; ce sont deux petites villes de la province de Padoue en Vénétie. Tout cela situe la mort de Galeotus loin de Lyon et longtemps après 1476 (v. supra notule {k}, note [50]) ; d’autres historiens disent qu’elle survint en Bohême au début des années 1490.


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 192‑ 193 :

« Pierius Valerianus est le seul auteur du temps qui ait rapporté ces circonstances de la mort de Galeotus Martius ; {a} en quoi même il est contredit par Paul Jove, qui assure que ce Martius, étant devenu si gros sur la fin de ses jours qu’il lui fallut une chaise pour le porter, fut enfin étouffé de sa graisse, et qu’il mourut à Montagnana dans le Padouan, aux environs d’Este. Puisqu’on a inséré dans cet article la réponse qu’il fit à un homme qui se moquait de son énorme grosseur, on pouvait ajouter que cette repartie interrompit la triste cérémonie, qu’on lui faisait faire dans la place publique de Venise, de se dédire de ce qu’il avait avancé en faveur de la loi naturelle dans ses livres de sacra et morali Philosophia, {b} et d’en demander pardon. »


  1. « In libro de litterat. Infelicit. » (note de Vitry) : v. note [23], lettre 164, pour Pierius Valerianus (Giampietro Valeriano Bolzani) et ses deux « livres sur l’Infortune des écrivains » (Venise, 1620). La mort de Galeotus Martius y est racontée à la page 30 du livre i :

    Is quidem suis clarior lucubrationibus, et magnorum Principum familiaritate magis celebris, quam nostro possit clarescere testimonio, cum a Francorum Rege Ludovico eius nominis undecimo accercitus ex Pannoniis, ubi Matthi Regis liberalite deliciabatur, Lugdunum ad salutandum Gallum Regem se conferret, forte illi factus ex intinere ante urbis potas obviam, dum magna vir corporis habitudine, pinguedineque et obesi ventris mole gravis ab equo se demittere ad terram vellet, id scilicet honoris Principi habiturus, suo ipsius tractus pondere ita corruit, ut adliso terræ capite, fractoque gutture statim expirarit.

    [Les fruits de ses veilles studieuses et sa familiarité avec les plus grands princes l’ont rendu fort célèbre, ce dont notre témoignage peut ainsi brillamment rendre compte : revenant de Hongrie, où il avait joui des libéralités du roi Matthias, il se rendit à Lyon pour saluer le roi de France, Louis xi ; il vint à le croiser par hasard devant les portes de la ville ; mais quand il voulut descendre de cheval pour faire honneur au souverain, l’énorme embonpoint de cet homme, sa gigantesque obésité et l’énormité de son ventre le firent rouler à terre où, emportée par son poids, sa tête heurta le sol, et il mourut sur-le-champ en se rompant le cou].

  2. Reprise du propos de Paul Jove « sur la philosophie morale et sacrée », transcrit et traduit ci-dessus.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 2, note 52.

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(Consulté le 29/03/2024)

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