Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 9 manuscrit, note 53.
Note [53]

Histoire générale de France de Scipion Dupleix, {a} tome iii, année 1522, pages 336‑337 :

§ xix « Lautrec retourne en France. Cependant Lautrec {b} se retira sur les terres des Vénitiens avec les troupes qui lui restaient, lesquelles s’écoulaient {c} tous les jours à faute de paiement ; et la seigneurie de Venise fit entendre à Lautrec qu’elle était lasse d’entretenir ce petit nombre de gens de guerre, vu même qu’ils demeuraient inutiles. À raison de quoi, il fut contraint de quitter entièrement l’Italie et de retourner en France. »

§ xx. « Causes de la perte du Milanais. Nous avons vu que ce seigneur (qui vraiment était grandement courageux) avait fait plusieurs manquements durant son gouvernement ; mais les plus grands qu’il fit durant cette guerre (laissant à part la tyrannie qu’il exerçait en temps de paix sur les Milanais) procédaient de deux choses. L’une était son ambition et la trop bonne opinion qu’il avait de lui-même, qui était cause qu’il ne déférait en rien aux bons avis et conseils de ses capitaines, et en avait toujours de particuliers, lesquels il exécutait afin qu’il ne semblât agir que par son propre jugement ; en quoi il s’estimait autant exceller sur les autres qu’en autorité. L’autre cause de ses manquements, et des malheurs et désordres qui les accompagnèrent, était la désobéissance des gens de guerre, lesquels ayant demeuré dix-huit mois sans solde n’étaient plus capables ni d’ordre ni de discipline militaire. Or, le défaut de leur paiement ne venait pas du roi, qui avait ordonné à cet effet quatre cent mille écus (aucuns {d} n’en mettent que trois), ni de Lautrec même, qui ne les reçut pas ; mais bien de l’avarice de Louise, mère du roi, {e} mal affectionnée à Lautrec ; laquelle les retira des mains de Jacques de Beaune, seigneur de Samblançay, surintendant des finances. » {f}

§ xxi. « Excuses de Lautrec envers le roi. Ainsi donc, Lautrec (si d’ailleurs il eût fait {g} bon devoir de gouverneur et de capitaine) avait fait beaucoup d’entretenir si longuement une armée avec de seules espérances de paiement. Néanmoins, le roi n’ayant pas encore connaissance de l’interversion de ses deniers, était si fort indigné contre lui qu’il ne le voulait pas voir à son retour d’Italie. Lui, qui ne se sentait pas coupable de ce côté-là, se présenta à Sa Majesté et lui proposa hardiment ses excuses, qui tendaient toutes là, qu’à faute d’argent, tout s’était perdu ; et lui remontra particulièrement que, pour retenir ses Suisses, il avait été contraint de combattre contre sa volonté à la Bicoque, {b} et que c’était beaucoup fait d’avoir entretenu un an et demi l’armée de Sa Majesté sans solde. »

§ xxii. « Samblançay condamné à mort par la malice de Louise, mère du roi. Le roi, étonné de ce discours, répond qu’il lui avait envoyé quatre cent mille écus pour l’entretènement de son armée. Lautrec lui repart {h} qu’il n’en a rien vu ni touché. Le roi fait appeler Samblançay, qui avait reçu commandement et ordre pour les envoyer. Celui-ci se décharge sur Louise. Le roi s’en va de ce pas dans la chambre de sa mère, et lui reproche que la perte de son duché de Milan est arrivée par sa faute, à cause qu’elle a retenu la finance ordonnée pour le paiement de son armée. Elle répond que les quatre cent mille écus qu’elle a reçus de Samblançay étaient les deniers qu’elle avait faits de sa réserve durant plusieurs années ; Samblançay, au contraire. {i} Mais comme en telles affaires, le fait tombe ordinairement sur le plus faible, le Chancelier Du Prat, {j} très confident à Louise et couvert ennemi de Samblançay (avec ce que leurs charges leur donnaient de l’émulation), fit en sorte que le roi, s’intéressant en cela pour sa mère, commanda qu’on lui fît son procès ; et afin de le perdre, le chancelier lui donna des commissaires par lui choisis pour ses juges, lesquels le condamnèrent à être pendu et étranglé ; et leur jugement fut exécuté. » {k}


  1. Paris, 1630, v. note [9], lettre 12.

  2. Odet de Foix, maréchal de Lautrec (v. note [47] du Borboniana 10 manuscrit), avait perdu la bataille de la Bicoque (à Bicocca, près de Milan, le 27 avril 1522) face aux armées de Charles Quint. Gouverneur du Milanais, Lautrec avait été contraint d’abandonner ce duché aux ennemis et de se replier sur Venise.

  3. Se dispersaient, désertaient.

  4. Certains.

  5. Louise de Savoie (1476-1531), duchesse d’Angoulême, mère du roi François ier, exerçait une puissante influence sur les affaires du royaume, mais on lui reprochait de privilégier ses intérêts politiques et personnels.

  6. Jacques de Beaune-Samblançay (Tours vers 1465-Paris 1527) avait été nommé surintendant des finances en 1518.

  7. Quand bien même il aurait fait.

  8. Réplique.

  9. Nie.

  10. V. supra note [47].

  11. L’affaire ne se résolut pas de manière si expéditive : Samblançay ne fut démis de ses fonctions qu’en 1524, après d’autres accusations de malversations ; embastillé en 1526, il fut pendu en 1527. Le récit raccourci de Dupleix explique pourquoi le Borboniana a donné 1522 pour année de la mort de Samblançay.

Fils de Guillaume de Beaune, qui fut maire de Tours, Renaud, archevêque de Bourges de 1581 à 1594 (v. note [46] du Borboniana 5 manuscrit), était petit-fils de Jacques, le surintendant des finances.

Charlotte de Sauve (1551-1617) n’était pas la « propre sœur » de Renaud, mais sa nièce, fille de son frère, Jacques de Beaune-Semblançay, second de ce nom. Marquise de Noirmoutier et l’une des dames d’honneur de Catherine de Médicis, Charlotte anima maintes intrigues de cour et eut plusieurs amants de haut rang, dont le plus célèbre a été (de 1572 à 1577) le roi Henri iii de Navarre (Henri iv de France en 1589).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 9 manuscrit, note 53.

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(Consulté le 28/03/2024)

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