Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-6, note 53.
Note [53]

Le rhéteur Musa n’est connu que par ce qu’en a écrit son contemporain, Sénèque le Rhéteur, ou l’Ancien, {a} dans la préface du livre x de ses Controverses et suasoires, dont voici un plus long extrait :

Musa rhetor, quem interdum soletis audire, licet Mela meus contrahat frontem, multum habit ingenii, nihil cordis. Omnia usque ad ultimum tumorem perducta, ut non extra sanitatem, sed extra naturam essent. Quis enim ferret hominem de siphonibus dicentem, Cælo repluunt : de sparsionibus, Odoratos imbres : et in cultum viridium, Cælatas silvas : et in pictura, Nemora surgentia ? Aut illud quod de subitis mortibus memini eum dicentem, quum vos me illo perduxissetis : Quidquid avium volitat, quidquid piscium natat, quidquid ferarum discurrit, nostris sepelitur ventribus. Quære nunc, cur subito moriamur : mortibus vivimus.

« Musa le rhéteur, que vous avez ouï quelquefois, quoiqu’en dise mon fils Méla, {b} avait beaucoup d’esprit et n’avait point de courage. Toutes ses façons de parler étaient enflées, et avaient une tumeur qui, à la vérité, était de la santé, mais non pas de la nature. {c} En effet, qui pourrait souffrir qu’en parlant des syringes, il dît qu’elles jetaient leur pluie au ciel ? Que parlant des arrosements, il dît que c’étaient des pluies de senteurs ? Que, discourant de la beauté des vergers, on ait dit que c’étaient des forêts gravées ? Et que parlant de la peinture, on ose dire qu’il y avait sur la toile des bois qui s’élevaient ? {d} Qui pourrait encore souffrir ce que je lui ai ouï dire lorsque nous fûmes ensemble chez lui, parlant des morts soudaines ? {e} Notre ventre, disait-il, est le tombeau de tout ce qui vole d’oiseaux, de tout ce qui nage de poissons et de tout ce qui marche d’animaux sur la terre. Me demandez-vous après cela pourquoi les morts sont si fréquentes et si précipitées ? N’est-ce pas parce que nous ne vivons que de morts ? » {f}


  1. Vers 54 avant J.‑C.-39 après, v. note [22] du Naudæana 4.

  2. Pour rester dans l’esprit de l’époque, cette traduction peu élégante est celle des Controverses de Sénèque, père de Sénèque le Jeune par le sieur de Lesfargues (pages 322‑323). {i} Elle atténue ici le propos, en remplaçant « bien que mon fils Méla fronce le sourcil » par « quoiqu’en dise mon fils Méla » ; ce Méla était le frère aîné de Sénèque le Jeune.

    1. Paris, Antoine de Sommaville, 1656, in‑fo de 366 pages, dédié par B. Lesfargues « à Messieurs de l’Académie française ».

  3. Pour dire : « une enflure [de discours] qui n’outrepassait pas les limites du bon sens, mais celles de la nature. »

  4. Ces ornements rhétoriques mal timbrés peuvent aussi se traduire par :

    « Qui supporterait en effet un homme disant des jets d’eau qu’ils renvoient la pluie au ciel, des ondées, d’odorantes aspersions, d’un verger bien cultivé, des forêts ciselées ? et que d’un tableau peint surgit le relief des bois ? »

  5. V. note [14], lettre 554.

  6. J’ai mis en exergue le passage cité par L’Esprit de Guy Patin, qu’on peut traduire plus simplement par :

    « Nous ensevelissons en nos ventres n’importe quel oiseau qui vole, n’importe quel poisson qui nage, n’importe quel gibier qui court. Demande-toi alors pourquoi nous mourons subitement : c’est que nous vivons de chairs mortes. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-6, note 53.

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(Consulté le 28/03/2024)

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