Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 10 manuscrit, note 56.
Note [56]

L’année (1638) a été ajoutée dans la marge du manuscrit.

Outre quelques chroniqueurs du règne de Louis xiii, Hugo Grotius, {a} alors ambassadeur de Suède à Paris, a aussi relaté cette affaire politique et criminelle dans sa lettre datée de Paris, le 2 avril 1638 (lettre 188), page 459 des :

Rikskansleren Axel Oxenstiernas skrifter och brefvexling.

Écrits et correspondance d’Axel Oxenstierna, {b} chancelier du royaume. {c}

cardinalis Deo non percursorie gratias egit ob vitatum periculum. Gallus quidam, rerum capitalum militaris quæsitor, schedam dejecerat in cubiculum uxoris Lotharingi ducis Caroli ad ipsius libertatem maritumque multis eximendum malis rationem se expeditam habere profitens, si decem millibus florenorum ad socios parandos juvaretur. Lotharinga dubitans, an fides sua tentaretur, cardinali schedam ostendit ; is eam jubet scribere non esse sibi tantum pecuniæ, sed si mille quingentis scutatis juvari posset, se vel rebus suis venditis id contracturam ; sed velle se scire, quænam essent ejus consilia, ut de eis judicare possit. Id responsum perfertur ad locum quendam in agro non longe a Dionysio oppido, quem locum pollicitator ille in scheda designaverat. Is alia iterum scheda in idem illud cubiculum demissa significat, si illa pecunia ad designatum illum locum deferatur se rem confecturum conducto conclavi ex adverso ejus domus in hac urbe, quam cardinalis habitat ; inde se, ubi cardinalis cum carruca procederet, duo crepitacula, quæ petardos aut bombos vocant, dejecturum in carrucam. cardinalis ubi id cognovit, dat negotium octo validis hominibus, ut illum illo in loco, ubi pecuniam erat subter lapides positam sublaturus, comprehenderent. Sed ille id agi videns tres eorum pugione ad mortem vulneravit ; a cæteris vulneratus captusque, priusquam e vulneribus moreretur, judices accepit delegatos, cardinali fidos. Ab iis auditus, cum diceret se quod fecisset eo tantum fecisse animo, ut Lotharingam pecunia emungeret ac proposuisse ea, quæ fieri nequirent, damnatus eodemque die, in lectulo portatus ad supplicium undecim ictibus ex intervallo repetitis in rota fractus est. Ea pœnæ atrocitate effecturum se sperat cardinalis, ne quis posthac talia moliri aut etiam fingere audeat.

[Le cardinal {d} n’a pas fort diligemment remercié Dieu de l’avoir mis à l’abri du péril. Un certain Français, enquêteur militaire des affaires criminelles, {e} avait jeté un billet dans la chambre de l’épouse du duc Charles de Lorraine, lui proposant de leur rendre la liberté en les délivrant, elle et son mari, des multiples tourments qu’ils enduraient, {f} si elle voulait bien donner dix mille florins {g} afin de préparer ses complices. La Lorraine, se demandant si on abusait de sa confiance, montre le billet au cardinal : il l’invite à écrire qu’elle ne dispose pas d’une telle somme, mais que, si on ne lui demande que mille cinq cents écus, {h} elle pourra les réunir en vendant ses affaires, tout en voulant savoir quels sont exactement les desseins de son correspondant, afin qu’elle puisse en décider. Elle fait porter cette réponse en quelque champ proche de Saint-Denis, {i} à l’endroit indiqué par ce prometteur ; lequel lui signifie, dans un autre billet à nouveau déposé dans sa dite chambre, que, si elle lui fait porter l’argent au même endroit convenu, il entreprendra de se loger en cette ville, en face du Palais-cardinal, et que quand le ministre sortira, il jettera dans son carrosse des explosifs, qu’on appelle grenades ou bombes. Aussitôt qu’il apprend cela, le cardinal ordonne à huit robustes hommes d’aller se cacher près de l’endroit où l’argent doit être déposé sous des pierres ; mais voyant les gardes ainsi manœuvrer, l’homme en frappe mortellement trois avec son poignard. Les autres le blessent et le capturent ; et avant qu’il ne meure, il comparaît devant trois commissaires affidés au cardinal. Ils l’entendent et, bien qu’il dise n’avoir agi que pour soutirer de l’argent à la duchesse, sans intention de faire ce qu’il lui avait promis, ils le condamnent ; et le même jour, transporté au lieu du supplice dans une civière, il est brisé sur la roue de onze coups vifs, portés consécutivement. {j} Par l’atrocité de cette condamnation, le cardinal espère avoir fait en sorte afin que dorénavant nul n’ose ourdir ni même imaginer tels attentats].


  1. V. note [2], lettre 53.

  2. V. note [3], lettre 16.

  3. Stockholm, P.A. Nordstedt et fils, 1889, in‑8o, tome premier (678 pages), Hugonis Grotii Epistolæ ad Axelium Oxenstierna Regni Sueciæ Cancellarium [Lettres de Hugo Grotius à Axel Oxenstierna, chancelier du royaume de Suède] (1633-1639) ; lettre transcrite dans la digitale bibliotheek voor de Nederlandse lettreren.

  4. Richelieu.

  5. Grotius attribuait à François Sorbesse une charge bien différente de celle que lui donnait le Borboniana. V. notes [6], lettre 39, pour Nérac, sa ville natale, en Gascogne, et [12], lettre 76, pour Jean-Louis Nogaret de La Valette, duc d’Épernon, dont Sorbesse avait été le valet de chambre.

  6. La duchesse Nicole de Lorraine (v. note [31], lettre 335) était alors assignée à résidence à Fontainebleau, pour punir et entraver les intrigues du duc Charles iv de Lorraine, son époux (qui l’avait répudiée l’année précédente) : ce duc rebelle et fantasque menait une politique antifrançaise et, surtout, était l’allié de Gaston d’Orléans dans ses intrigues contre son frère, le roi Louis xiii, et contre Richelieu, son principal ministre (v. note [37], lettre 6).

  7. Soit à peu près 11 000 livres tournois.

  8. Soit 4 500 livres.

  9. V. note [27], lettre 166, pour Saint-Denis. Plus précis, le Borboniana situe ce champ à la Chapelle : alors un petit bourg situé sur le chemin de Saint-Denis à Paris, c’est aujourd’hui un quartier du nord de la capitale.

  10. V. note [7], lettre 39.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 10 manuscrit, note 56.

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(Consulté le 29/03/2024)

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