Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑2 (1701), note 58.
Note [58]

« Ô Drake, tu fais écrire “ Plus oultre ” sur les colonnes d’Hercule [v. note [19], lettre 901], et tu proclames “ Je serai plus grand que le grand Hercule ” !  Tu as parcouru le monde et ses bornes te connaissent : les deux pôles t’ont vu. Si les hommes taisaient ton renom, les étoiles le feraient connaître. Le Soleil ne saurait oublier celui qui est son émule. »

Ces vers figurent dans les Annales rerum Anglicarum et Hibernicarum regnante Elizabetha [Annales des affaires anglaises et irlandaises sous le règne d’Élisabeth] de William Camden (Londres, 1615, v. note [18], lettre 642), avec ce distique supplémentaire (première partie, année 1580, pages 308‑309) :

Digna ratis quæ stet radiantibus inclyta stellis ;
Supremo cœli vertice digna ratis
.

[Navire digne d’être à jamais illuminé par les astres rayonnants, de se tenir à jamais au plus haut du firmament].

Le poème est encadré par la narration du retour de Drake :

Regina benigne excepit, opes ut præsto essent, si Hispanus repeteret sequestrando seposuit, navem in monumentum orbis tam fœliciter circumnavigati, subduci iuxta Depsordiam ad Tamisum jussit (ubi ejus cadaver adhuc cernitur) et in ea insigni ceremonia memoriæ sacrata, epulata, Dracum equestri dignitate ornavit. Quo tempore pons contabulatus, quo in navem ascendebatur multitudini cessit, et simul cum c. hominibus cecidit, qui omnes tamen illæsi, ut vanis illa salutari syderum conspiratione constructa videatur. In Draci vero laudem hi die illo inter alios affixi erant malo versiculi, à Wintoniensis Scholæ alumnis conscripti […].

Sed hæc puerilia et ex vano hausta videantur, nec pro Historiæ gravitate. Nihil vero Dracum iam reversum magis solicitum habuit, quam quod primarij aliquot in Aula vri oblatum ab eo aurum respuerint quasi scelere piratico quæsitum. Vulgus hominum nihilominus admiratione et laudibus celebrarunt, qui non minus gloriosum existimarunt Anglicæ laudis terminos, quam Imperij promovisse.

Traduction de Paul de Bellegent (Paris, 1627, 2e partie, pages 463‑465) :

« La reine le reçut bénignement, fit requêter ces richesses pour les tenir prêtes si le roi d’Espagne les réclamait ; {a} commanda que, pour mémorial d’avoir heureusement contourné la terre, son navire fût tiré et mis à part près de Deptford sur la Tamise, où l’on en voit encore le corps. {b} Et après y avoir elle-même pris son repas et fait bonne chère, le consacra à la mémoire avec une grande et magnifique cérémonie, et honora Drac de la dignité de chevalier. Comme cela se faisait, un pont de planches, par lequel on montait dans le navire, fut écrasé par la multitude et tomba avec cent hommes qui, néanmoins, ne reçurent aucun mal, tellement qu’il semble avoir été bâti par une salutaire conspiration des astres. On afficha ce jour-là, contre le mât, entre autres vers faits à la louange de Drac, ceux-ci, qui furent écrits par les nourrissons de l’École de Winchester. {c} […]

Mais ces choses puériles semblent être puisées de la vanité, et indignes de la gravité de l’histoire. Au reste, rien ne travailla tant Drac que le refus, qui lui fut fait par les principaux de la cour, de prendre l’or et l’argent qu’il leur présenta, comme étant acquis de piraterie. Le vulgaire néanmoins le célébra avec admiration et louange, estimant qu’il n’y avait pas moins de gloire d’avoir avancé les bornes de la louange des Anglais, que ceux {d} de leur Empire. »


  1. La reine Élisabeth ire d’Angleterre et le roi Philippe ii d’Espagne.

  2. Golden Hind [La Biche dorée] était le nom du vaisseau de Drake. Il resta ancré pendant une centaine d’années à Deptford, arsenal militaire royal implanté sur la rive droite de la Tamise, qui fait aujourd’hui partie de Londres (district de Lewisham).

  3. Le toujours prestigieux Winchester College, fondé en 1382 par l’évêque de Winchester (dans le comté d’Hampshire), n’avait pas eu l’honneur de compter Drake parmi ses écoliers (« nourrissons »). Suit une traduction fort enjolivée des huit glorieux vers qu’ils avaient composés.

  4. Sic pour « celles ».

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑2 (1701), note 58.

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(Consulté le 29/03/2024)

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