À Claude II Belin, le 14 mai 1630, note 6.
Note [6]

Congrès (Furetière) :

« terme obscène ; action du coït qui se faisait il n’y a pas longtemps par ordonnance d’un juge ecclésiastique, en présence de chirurgiens et de matrones, pour éprouver si un homme était impuissant, aux fins de dissoudre un mariage. On a reconnu que les plus vigoureux et les plus effrontés n’ont pu soutenir la honte du congrès. On a enfin abrogé l’usage du congrès par un sage arrêt du Parlement du 18 février 1677 inséré dans le Journal des Audiences. {a} On tient qu’il n’avait été pratiqué en France que depuis 120 ans ou environ ».


  1. V. note [2], lettre de François Linant, datée du 31 mai 1659.

Guy Patin se souvenait de la thèse quodlibétaire que le bachelier Hugues Chasles (v. note [25], lettre 417) avait disputée le 17 décembre 1626, sous la présidence de Pierre de Beaurains (v. note [15], lettre 336), sur la question An Congressus publicus virilitatis virginitatisque examen ? [Le congrès en public peut-il juger de la virilité et de la virginité ?]. Il s’agit d’une fort belle dissertation qui se conclut par la négative :

Qui ad venerem est inermis, suæque impotentiæ conscius coniugine coniungatur : qui dubius an sit impos, Medicum accersat sagacem, cuius oraculo lis de dubia imbecillitate dirimatur : qui fœcunditer hortum muliebrem irrigat, congressu illo publico abstineat. Nulla viro victoria speranda est, ubi inuita mulier, hospitem nunquam admittit priapum, quæ quasi Thracia Baccha, Orpheum verbis unguibusque dilacerat ; in quo veritas potius obtenebratur, quam elucescit : non quod protervis non sint multi inepti fœminis, sed quod immatura et præcox iuvenum venus, et quod nutanti, vagoque pulsant meretricum diobolarium ariete portas, viros victos, et exsuccos facit, mulieres vero nulla libidine satiatas lassat. Sed quid moror ? amor non imperatur, ubi non est consensus animorum, non potest fieri copula corporum. Ergo solus amor perturbationum maxima, coniugalem sollicitat, et conciliat venerem, non satyrion, non ulla ars, aut ullum medicamen, quod naturæ irritandæ natiuum creditur, non congressus palam nefandus, hominum ignarorum, aut nefarie curiosorum inventum, dedecus sæculi, sexus utriusque infamia, quo testibus testes adhibentur, et dum Naturæ arcana inspiciuntur, despiciuntur.

Non ergo Congressus publicus virilitatis virginitatisque examen.

[Que s’abstiennent de ce congrès public : celui qui n’est pas armé pour l’acte vénérien, mais a épousé une femme, tout en connaissant son impuissance ; celui qui, doutant de sa capacité, consulte un médecin clairvoyant, dont le diagnostic tranchera la question d’une éventuelle faiblesse érectile ; tout comme celui qui est capable d’arroser le jardin féminin pour le féconder. L’homme ne doit espérer aucun triomphe quand la femme ne consent pas : elle n’autorise jamais l’accès à un priape qui lui est étranger et, comme la Bacchante de Thrace, elle met alors Orphée en pièces à l’aide de ses paroles et de ses ongles. {a} En quoi, la vérité s’obscurcit plutôt qu’elle ne s’illumine : ce n’est pas que les femmes impudiques coupent leurs effets à de nombreux hommes, mais que les jouvenceaux sont mal disposés à l’amour, faute d’expérience et de maturité, et que c’est en chancelant que de leur bélier incertain ils enfoncent les portes des putains à deux sols ; {b} et voilà des hommes défaits et épuisés, face à des femmes lasses qu’aucune jouissance ne les ait jamais rassasiées. Mais pourquoi s’y attarder ? L’amour ne se commande pas : quand il n’y a pas d’accord entre les esprits, les corps ne peuvent s’unir charnellement. L’amour seul, qui est la plus grande des passions, incite au coït et dispose à l’acte vénérien. Nul satyrion, {c} nul artifice ou remède, qu’on croit capable de stimuler la nature, nul abominable congrès accompli en public ne sauraient pourtant servir de preuves aux examinateurs. Déshonneur de notre siècle, le congrès est une infamie pour les deux sexes, une invention d’hommes ignorants ou ignoblement voyeurs : on y méprise les secrets de la Nature en les voulant examiner.

Le congrès en public ne peut donc pas juger de la virilité et de la virginité].


  1. Dans le mythe, Orphée, prince de Thrace, célèbre pour ses talents de poète et de musicien, descendit sur les rives du Styx pour obtenir la résurrection de sa très chère Eurydice ; les dieux infernaux lui accordèrent cette faveur à condition qu’il ne regardât pas sa femme avant d’avoir regagné le monde des vivants ; il ne put résister à l’envie de la voir et elle retomba à tout jamais dans les Ombres. « Depuis cette perte, insensible aux douceurs de l’amour, il vit punir ses dédains par les Bacchantes, qui dispersèrent ses membres dans les campagnes et jetèrent sa tête dans l’Hèbre » (Fr. Noël).

    La Bacchante de Thrace (v. note [23], lettre 197, pour cette contrée antique) était un surnom de Cotytis ou Cotytto, « déesse de la débauche, dont les mystères étaient si licencieux qu’on prenait grand soin de les cacher aux yeux du public. Ses ministres passaient pour les plus infâmes de tous les hommes » (ibid.).

  2. Imitation de Silius Italicus (v. note [7], lettre 445) Les Guerres Puniques, livre xii, vers 40 (sur le siège infructueux de Naples par Annibal) : Pulsavit quatiens obstructas ariete portas [Il a vainement tenté de briser les portes par les coups redoublés de ses béliers].

    Toutes ces pudiques allusions font bien comprendre que le jeune homme accusé de ne pas satisfaire son épouse était dénudé et soumis publiquement aux avances d’une prostituée suffisamment fanée pour accepter un tel office.

  3. Plante aphrodisiaque, v. note [4] du mémorandum 7.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 14 mai 1630, note 6.

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(Consulté le 20/04/2024)

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