À Charles Spon, le 16 novembre 1643, note 6.
Note [6]

« mais de la vive et verte vieillesse d’un homme » (Virgile, Énéide, chant vi, vers 304, parlant de Charon, le nautonier des enfers [v. note [3], lettre 975] ; où Guy Patin a remplacé deo [d’un dieu] par viro).

Le théologien protestant Pierre i Du Moulin (v. note [9], lettre 29) était alors âgé de 75 ans ; v. note [14], lettre 96, pour les éditions française et latine de sa Philosophie.

Pierre Guénault le jeune, était le neveu de François Guénault l’ancien (avec qui les biographes l’ont en partie confondu, v. note [21], lettre 80). Natif d’Orléans (vers 1605), Pierre avait été reçu second de la licence (sur neuf admis) de 1628, sous le décanat de Nicolas Piètre, c’est-à-dire dans la promotion qui suivit celle de Patin. L’éloge de Gabriel Naudé (De Antiquitate et dignitate Scholæ Medicæ Parisiensis Panegyris, pages 109‑114 ; v. note [9], lettre 3), dans le style habituel des paranymphes, éclaire les ascendances de Pierre Guénault et de son oncle, François :

Parum tibi fortasse videretur, Doctissime Guenalde, veræ laudis amorem, et ardentissimum erga Medicinam studium hæreditarium, ac veluti per manus accepisse ; parum inter præstantissimos Asclepiadas, patrem, avos, et fratres velut inter Cimelia fulgentes lapillos recensere ; parum Henrici Magni Archiatrorum principem Antonium Petiteum, ex parentibus tuis unum obtinuisse ; nisi et hæreditariæ virtutis cumulum egregiis tuis moribus auctiorem fecisses, et amoris paterni votum incredibili studiorum conatu longe prævertisses ; et quod majoris miraculi speciem obtinet, concitatæ ex tot stimulis ad gloriam, et incentivis ad laborem de te opinioni, hoc primo, hoc ineunte, hoc novo ætatis tuæ vere, cumulatissime satisfecisses. At mihi, si quidquam aliud, hoc certe magnum videtur, ex ea gente nasci, in qua tot viri celebres alter alterum æmulatus, unus post alium floruere ; majus tamen Archiatrorum Maximi Regis Comites, in avorum censu numerare ; maximum autem, quod perraro ætate provectis vix contingit, ut optimorum Medicorum nomen mereantur, id in ipso ætatis flore assecutum esse. Quamobrem hoc me tibi gratulari convenit, quod patrem istius saluberrimæ celeberrimæque Facultatis symmistam dignissimum habueris : nam si pullulantium arborum, et patulis hinc et inde comis in avito fundo luxuriantium, cum senescere eas videmus, usque adeo traduces et propagines desideramus, atque per oculationes, et incisionis fœdera, velut de novo succrescentes, diligenter colimus ; quo studio, qua tandem animi propensione hos omnes meritissimos purpuratosque Senatus jatrici principes in te esse oportet, in quo non solum vident expressam effigiem integritatis, doctrinæ et sapientiæ tui parentis ; sed extemporaneam illam dicendi vim, eloquentiæ copiam, summamque Philosophiæ cognitionem, et maturum in medendo judicium : quæ ut pridem ipsi in duobus tuis avunculis Guenaldo et Blacvodeo serenissimorum Principum Archiatris mirati sunt ; ita etiam summopere gaudent, in te velut uberiori cultu denuo renasci, et florere.

[Peut-être ne te semble-t-il pas suffisant, très docte Guénault, d’avoir reçu, comme de mains en mains, l’amour de la véritable gloire et une très ardente passion héréditaire pour la médecine ; pas suffisant d’avoir un père, des aïeuls et leurs frères parmi les plus éminents asclépiades {a}, comme autant de diamants brillant dans un trésor ; pas suffisant d’y compter Antoine Petit, premier médecin de Henri le Grand. {b} Et quand tu n’aurais pas enrichi ton atavique vertu par la bonté de tes mœurs, ni rempli le vœu d’un père aimant, tu devancerais de loin tous les autres par ton incroyable ardeur à étudier. Voici maintenant qu’en ce premier, cet initial, ce nouveau printemps de ton âge, tu as pleinement satisfait à l’estime que tu as de toi : tant de stimulations la poussent à la gloire et tant d’incitations l’excitent au travail que c’en est une espèce de grand émerveillement. Outre tout le reste, il me semble remarquable que tu sois issu d’une famille où tant d’hommes célèbres ont fleuri l’un après l’autre, l’un ayant rivalisé avec l’autre ; et par-dessus tout, des archiatres du très Grand roi se comptent parmi tes ancêtres ; {c} surtout aussi, ce qui arrive très rarement à ceux qui sont à peine sortis de l’enfance, ils se sont acharnés à mériter le nom d’excellents médecins une fois arrivés à l’âge mûr. Il convient donc de te complimenter d’avoir eu un père parfaitement digne d’être compagnon de cette très salubre et très célèbre Faculté : {d} quand la sénescence frappe les arbres féconds, dont les frondaisons luxuriantes ont couvert le fonds de nos ancêtres, si nous désirons des boutures et des rejetons, alors nous les cultivons avec soin, en les greffant et les croisant, de manière qu’il en repousse de nouveaux. Par cette même application et par ce penchant de l’esprit tous ces princes et hauts dignitaires grandement méritants du sénat médical doivent revivre en toi, de manière que s’y retrouve l’image de ton père : non seulement son intégrité, sa science et sa sagesse, mais aussi sa capacité à enseigner sur le vif, sa riche éloquence, sa profonde connaissance de la philosophie et la maturité de son discernement en l’art de remédier, telles qu’on les admire depuis longtemps déjà chez tes deux oncles, Guénault et Blacvod, premiers médecins de princes sérénissimes ; {d} aussi se réjouissent-ils déjà de te voir être régénéré et refleurir par le culte ancestral]. {e}


  1. Fils d’Esculape (Asklêpios, v. note [5], lettre 551).

  2. Antoine Petit exerçait à Gien quand, en 1609, Henri iv le choisit pour remplacer le défunt André i Du Laurens (v. note [3], lettre 13) dans la charge de premier médecin ; peu enclin à se plier aux mœurs de la cour, Petit démissionna au bout de six semaines, cédant la place à son ami Pierre Milon, et s’en retourna dans sa patrie bien-aimée ; mais il n’en continua pas moins à partager avec son successeur le titre et les gages d’archiatre (Achille Chéreau, L’Union médicale, no 50, 26 avril 1864, page 181).

    Le grand-père paternel de Pierre Guénault, prénommé Thomas, aurait été apothicaire et distillateur de Henri iv quand il était roi de Navarre, ayant son trône à Pau) ; il avait épousé Anne Petit, fille d’Antoine. Sans doute était-il originaire de Gien.

  3. Le pluriel de Gabriel Naudé (Archiatrorum Comites) mène à croire que plusieurs premiers médecins de Henri iv (Maximus Rex) ont figuré parmi les ancêtres de Pierre Guénault, mais je n’en ai trouvé qu’un, l’éphémère Antoine Petit, sauf à tenir l’apothicaire Thomas Guénault pour un archiatre.

  4. Le père de Pierre Guénault (de prénom inconnu, frère de François) devait donc être médecin, mais gradué d’une autre faculté que celle de Paris.

  5. François Guénault était alors médecin du prince Henri ii de Condé. V. note [29], lettre 390, pour Henri ii Blacvod, qui avait quitté sa chaire royale de médecine (ou de chirurgie, selon les sources) en 1627 pour s’en aller à Rome auprès du pape Urbain viii, Maffeo Barberini, que son père (Henri i Blacvod) avait soigné pendant sa nonciature à Paris (en 1601, au moment de la naissance de Louis xiii). Je n’ai pas élucidé le lien de parenté exact entre Blacvod et les Guénault, mais estime Naudé digne de confiance.

  6. Je me suis échiné à traduire ces louanges assez absconses de Naudé parce qu’elles jettent un rai de lumière sur les origines et la famille de François Guénault, l’un des personnages importants de la Correspondance de Guy Patin : sa naissance à Pau, plutôt qu’à Gien, semble s’expliquer par les fonctions que son père, Thomas Guénault, occupait auprès du roi de Navarre.

Docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en janvier 1629, Pierre Guénault mourut en octobre ou novembre 1648 et Patin, qui l’aimait bien, a accusé son oncle de l’avoir poussé dans la tombe avec son antimoine (v. note [13], lettre 164). Dans ses Historiettes, Tallemant des Réaux parle à plusieurs reprises d’un « petit (ou jeune) Guénault », son propre médecin.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 16 novembre 1643, note 6.

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(Consulté le 29/03/2024)

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