À André Falconet, le 27 août 1648, note 6.
Note [6]

Le sanctuaire est « le lieu le plus saint et le plus retiré du Temple de Jérusalem, où on conservait l’Arche de l’Alliance, et où il n’était permis d’entrer qu’au Grand Prêtre. Quelques-uns croient que tout le Temple était appelé Sanctuaire et que l’Arche était dans le secret Oratoire » (Furetière). « En parlant du Conseil secret des rois et des souverains, on dit figurément qu’il ne faut pas vouloir pénétrer dans le sanctuaire pour dire qu’il ne faut pas vouloir pénétrer dans les secrets des princes » (Académie).

Furetière mentionne un autre sens dérivé : « On dit examiner quelque chose au poids du sanctuaire, pour dire à un poids juste et exact, parce que chez les juifs c’étaient les prêtres qui gardaient des poids de pierre qui servaient d’un original et d’un étalon pour régler et étalonner tous les autres, mais qui n’était point différent du poids royal ou profane. » Faute de disposer de la lettre originale, on peut concevoir que « jusque fort près du sanctuaire » soit une transcription fautive de « juger au poids du sanctuaire ».

Quoi qu’il en soit, ce passage, lourd de conséquences pour les avis philosophiques et religieux qu’on a portés sur Guy Patin, a été repris dans le recueil consacré à son Esprit : v. note [42] du Faux Patiniana II‑1. Jacques Prévot et Laure Jestaz ont eu la sagesse (à mon avis) de ne pas insérer cette lettre (non autographe, mais figurant la dans la toute première édition des Lettres) parmi celles de Patin qu’ils ont publiées dans le tome ii des Libertins du xviie siècle (Paris, La Pléiade, 2004).

En effet, tout ce propos, souvent cité, évoque irrésistiblement le « libertinage érudit » (v. note [9], lettre 60) de l’académie putéane (v. note [5], lettre 181), que fréquentaient Gabriel Naudé, Gassendi et Patin. Comme bien d’autres, Charles Labitte (Écrivains précurseurs du Siècle de Louis xiv. i. Gabriel Naudé, Revue des deux mondes, tome 7, 4e série, Paris, 1836, pages 457‑458) a brodé sur les « débauches » de Gentilly, mais sans craindre de leur donner une dizaine d’années d’avance sur la date réelle de leur tenue :

« Les soirées de Gentilly devaient être fort amusantes, lorsque la conversation était ainsi tenue par des esprits aussi indépendants, par des types aussi bien caractérisés. La gaieté, la folle joie même n’étaient pas interdites chez les admirateurs de Rabelais ; et après une lecture du catalogue de la prochaine foire de Francfort, entre une échappée contre Richelieu {a} et quelques bruits de la ville sur les commencements de Marion Delorme, toute jeune encore, {b} s’il venait à être question du grand Vossius et de sa nombreuse famille, on ne manquait pas à se demander avec Grotius : Scriberetne accuratius an gigneret facilius ? {c} À quoi Guy Patin se hâtait de répondre qu’il s’acquittait aussi bien de l’un que de l’autre. L’érudition littéraire, philosophique et médicale faisait donc à peu près tout le fonds des interminables causeries. On se tenait à l’écart de la foule qu’on dédaignait et pour qui on n’écrivait guère. » {d}


  1. Mort en décembre 1642.

  2. Née en 1611.

  3. Emprunt à la Vita Gerardi Ioannis Vossii [Vie de Gerardus Johannes Vossius (v. note [3], lettre 53)] qui est en tête de ses Epistolæ [Lettres] éditées par Petrus Colomesius (Augsbourg, 1691, v. note [9], lettre latine 78), mais avec facilius [plus de facilité] pour felicius [plus de bonheur] :

    Ita liberis non minus, quam libris ornavit seculum, Francisco nimirum, Gerardo, Matthæo, Dionysio, et Isaaco ; ut dubium effecerit, scriberetne accuratius, an gigneret felicius, quemadmodum alicubi loquitur illustris Grotius.

    [Il a si bien enrichi notre siècle, tant de livres que d’enfants, à savoir Franciscus, Gerardus, Matthæus, Dionysius et Isaacus qu’on ne sait plus décider, comme l’illustre Grotius l’a dit quelque part, s’il a montré plus de talent à écrire ou plus de bonheur à faire des enfants].

    V. notes [2], lettre 53, pour Hugo Grotius, et [13], [14] et [15], lettre non datée (début 1651) de Samuel Sorbière, pour trois des fils Vossius.

  4. V. note [4], lettre latine 19, pour le témoignage plus direct et nettement moins endiablé de Guillaume Colletet sur la propriété de Gentilly.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 27 août 1648, note 6.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0159&cln=6

(Consulté le 25/04/2024)

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