À André Falconet, le 18 avril 1664, note 6.
Note [6]

La Gazette, ordinaire no 59 du 17 mai 1664 (pages 478‑480) :

« De Paris le 17 mai 1664. […] Cette semaine, on a ici publié l’édit vérifié au Parlement le 29 du passé, le roi y tenant son lit de justice, par lequel Sa Majesté ordonne entre autres choses que les bulles des papes Innocent x et Alexandre vii, qui condamnent les Cinq Propositions tirées du livre de Jansenius, seront publiées par tout le royaume, et enjoint à tous les ecclésiastiques, séculiers et réguliers, de signer le Formulaire qui fut dressé le 17 mars 1657 par l’assemblée générale du Clergé de France, {a} ainsi qu’il est plus amplement porté par cet édit ; < ce > qui montre combien ce grand monarque est soigneux de retrancher toutes semences de division dans l’Église et qu’aucun de ses prédécesseurs n’en porta jamais plus glorieusement le titre de fils aîné ; qu’il le soutient par cette délicatesse qu’il témoigne pour tout ce qui la regarde, comme il le fit encore voir naguère par ses défenses de représenter une pièce de théâtre intitulée l’Hypocrite, que Sa Majesté, pleinement éclairée en toutes choses, jugea absolument injurieuse à la religion et capable de produire de très dangereux effets. » {b}


  1. V. note [9], lettre 733.

  2. Joué pour la première fois à Versailles le 12 mai 1664, le Tartuffe de Molière avait été immédiatement interdit (v. note [3], lettre 950).

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome ii, pages 130‑131) a aussi laissé une relation du lit de justice du mardi 29 avril 1664 :

« M. le chancelier {a} étant monté au roi pour recevoir ses ordres et s’étant mis à genoux, puis relevé et retourné en sa place, prononça sa harangue d’une voix assez haute, mais tremblante à son ordinaire, parla sur les désordres que les divisions dans l’Église apportaient aux États, blâma la conduite des jansénistes et en sortit assez bien pour une personne de soixante-seize ans passés.

M. le premier président {b} parla ensuite fort bien et d’une voix forte, louant la piété et le zèle du roi, remontrant qu’il était important de prendre garde de ne pas donner atteinte aux libertés de l’Église gallicane. Il parla ensuite de la misère des peuples ; il supplia le roi de préférer la qualité de père de ses sujets à toutes les autres qualités ; et son discours satisfit fort toute la Compagnie.

Après, du Tillet, greffier du Parlement, lut la déclaration contre les jansénistes fort longue ; ensuite celle de la suppression des secrétaires du roi ; une autre de la suppression des quatriennaux, et une de la suppression des offices des Eaux et Forêts créés depuis 1635. La lecture achevée, M. le Chancelier ayant dit Gens du roi, M. Talon commença sa harangue par l’exemple de cet empereur romain qui, ayant trouvé les affaires de l’Empire fort en désordre, sut, par sa force et sa prudence, les rétablir, et en fit l’application au roi avec une extrême flatterie ; il passa ensuite à la déclaration des jansénistes, {c} sur laquelle il s’étendit fort, ayant appris toute l’histoire des conciles pour justifier la signature ordonnée ; dit ensuite qu’il ne fallait pas craindre que ce fût établir l’Inquisition en France, car l’on saurait toujours bien distinguer le successeur de saint Pierre de la Cour de Rome ; {d} que l’on ne changerait jamais les anciennes maximes et les libertés de l’Église de France ; que l’on tenait pour une vérité constante que le pape était autant au-dessous des conciles qu’il était élevé au-dessus des évêques ;. {e} que non seulement il n’était pas infaillible en question de fait, mais même qu’il ne l’était pas en question de droit et de doctrine. {f} Il dit encore qu’il fallait distinguer ceux qui considéraient cette déclaration comme un remède nécessaire contre un abus de ceux qui ne la désiraient que par esprit de vengeance pour insulter leurs ennemis et s’en venger, et parla contre les jésuites sans les nommer ; et après avoir été fort long, en sorte que toute la Compagnie en était fatiguée, il conclut.

[…] Il est remarquable que, dans la lanterne {g} du greffe, étaient les Pères Annat et Férier, jésuites, avec le sieur Rospigliosi, envoyé du pape, et le cardinal Maidalchini, {h} incognito, qui entendirent les maximes de M. Talon sur l’infaillibilité du pape. » {i}


  1. Pierre iv Séguier.

  2. Guillaume de Lamoignon.

  3. Les Cinq Propositions alléguées aux jansénistes, v. note [9], lettre 463.

  4. La curie pontificale (v. note [8] du Borboniana 1 manuscrit).

  5. V. note [2], lettre 741.

  6. V. notule {a}, note [16], lettre 321.

  7. Petite tribune fenêtrée d’où l’on écoutait les débats et voyait sans être vu.

  8. V. note [5], lettre 970.

  9. V. note [3], lettre 830, pour les arguments de Denis Talon contre l’infaillibilité pontificale dans son plaidoyer de juillet 1665 devant le Parlement de Paris.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 18 avril 1664, note 6.

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(Consulté le 20/04/2024)

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