Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑1 (1701), note 60.
Note [60]

« Il a beaucoup écrit. Nicolo Franco, natif de Bénévent, fin connaisseur en littérature grecque et latine, aida l’Arétin, qui ne savait pas le latin, mais le quitta parce que son salaire ne répondait pas à son travail ; puis il écrivit contre lui. Initié au ministère de l’Église, il retomba dans la maladie de médire et fut soumis au supplice. Il a écrit des lettres, des dialogues et des épigrammes latines. »

V. note [19], lettre 488, pour Teofilo Folengo, dit Merlin Coccaye (Merlinus Cocaius). Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (pages 21‑22).

Nicolo ou Niccolo Franco (Nicolaus Francus, Bénévent, Campanie 1515-Rome 1570), écrivain italien, a parcouru l’Italie pour mettre sa plume au service de divers maîtres. Le plus célèbre fut l’Arétin, {a} dont il devint le secrétaire en 1537 ; mais ils se querellèrent et se séparèrent en 1539. Franco provoqua le scandale en publiant en 1541 les Rime contro Pietro Aretino [Vers contre Pietro Aretino] et la Priapea [Priapée], recueil anonyme de sonnets licencieux et satiriques. {b} Condamné par l’Inquisition en 1558, il fut incarcéré quelques mois, et rédigea un virulent pamphlet contre le pape Paul iv : {c} Commento sopra la vita et costumi di Giovan Pietro Carafa che fu Paolo iv chiamato, et sopra le qualita de tutti i suoi et di coloro che con lui governaro il pontificato [Commentaire sur la vie et les mœurs de Giovanni Pietro Carafa, qui a pris le nom de Paul iv, et sur la qualité de tous ceux qui ont gouverné avec lui pendant son pontificat] (j’ai corrigé le Patiniana qui donnait Pie v pour cible de ce pamphlet). Pie iv {d} n’en prit pas gravement ombrage, mais son successeur, Pie v {e} traduisit Franco devant l’Inquisition, qui le condamna à être pendu sur le pont Saint-Ange. Sa biographie donnée par l’Encyclopédie Treccani conteste la rumeur selon laquelle il aurait été ordonné prêtre.

Les Dialogi piacevoli (1554) ont été mis en français :

Dix plaisants Dialogues du S. Nicolo Franco, contenant 1. Le Débat de Sannio et des dieux. 2. La Harangue d’un pédant en enfer ; 3. Les Alchimies et chimères pour acquérir renom. 4. L’Examen d’aucunes armes par Caron. 5. L’Œconomie d’un serviteur qui reprend son maître et la manière de faire argent. 6. Le Récit d’aucunes requêtes envoyées au ciel. 7. La Condamnation des âmes des poètes en enfer. 8. La Fontaine Caballine enseignant toutes sciences. 9. Le Débat du philosophe et du poète. 10. Le Poète qui se préfère au prince. Traduits de l’italien en français. {a}


  1. V. note [26], lettre 405.

  2. V. note [20], lettre 345.

  3. Mort en 1559, v. note [9], lettre 317.

  4. Pape de 1559 à 1565, v. note [5], lettre 965.

  5. Pape de 1566 à 1572, v. note [3], lettre 61.

  6. Lyon, Jean Béraud, 1579, in‑8o de 522 pages

C’est l’ouvrage qui a pu faire dire à Guy Patin (car il ne lisait pas l’italien) que Franco a été le « Rabelais d’Italie ». Un bon échantillon de son style se lit dans ce passage où Sannio blâme l’arrogance d’Esculape parvenu au faîte de sa gloire (premier dialogue, pages 57 ro‑58 ro) :

« Quand les mécaniques {a} parviennent à quelque degré, ils haïssent l’art qu’ils ont exercé. Devant que tu fusses dieu, tu ne faisais autre chose que médiciner, jusques aux chevaux mêmes qui passaient par tes mains ; et maintenant que tu es adoré, tu ne te soucies plus de médecine : tu ne veux plus faire ce métier puisque tu es devenu riche, de manière que tu as honte d’être médecin. Quand tu étais en terre, la médecine ne te semblait pas vile, comme elle est. À cette heure-là, tu n’avais mal au cœur des fistules, des chancres, de la vérole. Par Dieu, c’est une grande faute de donner matière de se faire grand à qui est excellent en son art, pource que quand on vient à celui-là on n’ose parler à lui. Les forfants {b} de poètes ont grand tort de t’avoir appelé le dieu épidaurien, le dieu asclépien, le dieu coronide, {c} pource que tu en es devenu fier et arrogant. Quand Minos te mit en prison, te contraignant de lui faire revivre son fils, qui était suffoqué en du miel, tu n’usas point de prééminence, mais, et par paroles et par la vertu des herbes, tu fis miracles ; {d} et maintenant, au besoin, {e} tu me veux tourner le dos. Ô la grande poltronnerie, vraiment naturelle à tous les médecins, qui veulent avoir les mains dorées ! Autrement, si n’est par force, ne daigneraient pas faire un pas pour un patient, mais je te connais Esculape. Ce n’est pas à dire que de mille lieues tu volasses aux étoupes et aux emplâtres, {f} car il est force que quiconque naît escarbot {g} se vautre et fouille toujours en la merde ; mais il y a bien un point, c’est qu’il y a à craindre que Jupiter ne te foudroie une autre fois, {h} te voyant à toute heure rendre la vie aux morts, de manière qu’étant ôté et effacé des lettres rouges du calendrier, {i} il te convienne retourner à tes Recipe pillularum fœtidarum, etc. {j} et faire la médecine comme autrefois. Tu es un sot (ne te déplaise) car tu devrais faire dresser tous les jours la tête aux défunts, pour être journellement foudroyé, et journellement canonisé pour un dieu, pource qu’au bout d’un an, tu deviendrais patriarche de ce ciel, de manière que le moindre de tes ferrements à médiciner {k} serait plus que le sceptre de Jupiter. » {l}


  1. Artisans.

  2. Coquins.

  3. Esculape était réputé fils de Coronis et d’Apollon.

  4. Ovide (Fastes, livre vi, vers 746‑754) a attribué à Coronides [le fils de Coronis] (Esculape) ce qu’Apollodore d’Athènes (douteux grammairien grec du iiie s. av. J.‑C.) a dit du devin Polyidos (Polyide) dans la fable de Glaucos (Glaucon), fils de Minos, roi de Crète (Bibliothèque, livre iii, chapitre 3, § 1) :

    « Glaucos, encore enfant, alors qu’il pourchassait un rat, tomba dans une jarre de miel, et mourut. Après sa disparition, Minos le chercha partout ; finalement, pour le retrouver, il recourut à la divination. Les Curètes {i} lui dirent que dans ses troupeaux se trouvait une génisse à trois couleurs ; que celui qui saurait comparer, de la manière la plus exacte, cette couleur à quelque chose d’autre, celui-là serait capable de lui ramener son fils vivant. Tous les devins furent convoqués. Polyidos, le fils de Coréanos, compara la couleur de la génisse au fruit de la mûre. On lui ordonna de rechercher l’enfant ; il le trouva, en suivant quelques signes divinatoires ; mais Minos lui répliqua qu’il devait lui remettre l’enfant encore vivant ; il enferma donc Polyidos avec le cadavre de Glaucos. Le devin ne savait vraiment pas quoi faire. C’est alors qu’il vit un serpent s’approcher du cadavre ; il se saisit d’un caillou et le tua, craignant pour sa propre vie s’il l’épargnait ; mais voilà qu’un deuxième serpent s’approche, il regarde le serpent mort, puis s’en retourne ; mais, peu après, il revient avec une herbe qu’il applique sur le corps du serpent mort. Comme cette herbe l’effleurait, le serpent revint à la vie. Polyidos resta stupéfait de tout ce à quoi il avait assisté. Aussitôt il prit cette herbe et la posa sur le cadavre de Glaucos, et l’enfant ressuscita. Minos eut à nouveau son fils, mais il ne voulut pas laisser partir Polyidos pour Argos, tant qu’il n’aurait pas enseigné à Glaucos l’art de la mancie. {ii} Contre son gré, Polyidos la lui enseigna ; mais au moment d’embarquer pour Argos, le devin demanda à Glaucos de lui cracher dans la bouche ; l’enfant obéit et, sur-le-champ, il oublia l’art de la divination. »

    1. Prêtres de Cybèle (Vesta, v. note [8], lettre latine 103).

    2. Magie divinatoire.

  5. Quand j’ai besoin de toi.

  6. V. note [69], du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii, pour les emplâtres. L’étoupe, autrement nommée charpie, était faite de « filets de vieille toile » et servait à panser les plaies.

  7. Scarabée, autrement nommé fouille-merde.

  8. V. la légende d’Esculape relatée par Fr. Noël dans la note [5], lettre 551.

  9. C’est-à-dire des saints du calendrier catholique.

  10. « ordonnances de pilules fétides, etc. »

  11. Instruments de chirurgie.

  12. Jolie diatribe qui n’a rien perdu de son actualité et qui put plaire à Patin, dont l’idéal médical était l’humble pratique de l’art, loin des honneurs, des prouesses et des fumeuses théories, juste bonnes à tromper les malades.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑1 (1701), note 60.

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(Consulté le 20/04/2024)

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