Annexe : Les deux Vies latines de Jean Héroard,
premier médecin de Louis xiii, note 60.
Note [60]

J’ai corrigé l’erreur du Genius Pantoulidamas, qui donne 1594 (m. d. xciv) au lieu de 1584 (m. d. lxxxiv) pour année de l’ambassade en Italie d’Anne de Joyeuse. Abraham de Wicquefort {a} en a donné le motif et décrit le fiasco dans la seconde partie de L’Ambassadeur et ses fonctions, {b} livre second, section vi, page 63 :

« En 1583, le duc de Joyeuse, l’un des favoris de Henri iii, ayant dessein de faire un établissement proportionné à sa fortune, jeta les yeux sur le gouvernement de Languedoc ; et ne pouvant obliger le duc de Montmorency {c} à s’en défaire, il tâcha de l’en faire déposséder par des voies indirectes, en faisant accroire au pape {d} que ce seigneur était ami et partisan du roi de Navarre et du prince de Condé, {e} ennemis de la religion catholique romaine.

Le roi et la reine mère, {f} qui n’aimaient point la Maison de Montmorency et qui voulaient faire paraître le duc de Joyeuse en Italie avec des marques éclatantes de sa faveur, secondaient ses desseins et lui donnèrent des lettres de recommandation pour le pape et pour les autres potentats de ces quartiers-là. Le duc, en parlant au pape, lui dit que le roi son maître veillait continuellement à la conservation de la religion catholique et de l’autorité du Saint-Siège, mais que ses bonnes intentions étaient toujours traversées ou éludées, principalement par le duc de Montmorency, qui souffrait que la religion huguenote s’établît dans son gouvernement avec plus de liberté qu’à Genève ; qu’il y avait longtemps que le roi songeait au ressentiment qu’il en devait témoigner, et qu’il n’avait rien voulu résoudre sur ce sujet sans la participation du pape et sans avoir pris son avis touchant la conduite qu’il y devait tenir. Le pape, qui avait été averti du sujet de l’ambassade et de l’intention de l’ambassadeur, lui dit, après quelques paroles de civilité, qu’il croyait que le roi n’était pas bien informé de l’affaire du duc de Montmorency ; qu’on n’en pouvait pas faire accroire à lui, {g} qui avait une parfaite connaissance de la piété du duc et qui avait les preuves de son zèle : ainsi, qu’il joindrait ses prières à celles de tous les gens de bien afin que le roi, continuant d’honorer le duc de l’affection que ses services et ceux de ses prédécesseurs méritaient, ne le réduisît point à la nécessité de se jeter entre les bras des ennemis de la religion et d’y chercher son salut. Le pape en dit tant à Joyeuse que ce jeune seigneur, voyant que la cour de Rome n’avait pas pour lui la même considération ni les mêmes sentiments qu’on avait en France, demeura sans réplique et se retira avec confusion. Il avait la qualité d’ambassadeur, mais le sujet de son ambassade ne fut pas fort honnête, ni sa manière d’agir fort prudente. »


  1. V. note [19], lettre 402.

  2. Cologne, Pierre Marteau, 1689, in‑4o en deux parties de 219 et 266 pages.

  3. Le duc et futur connétable Henri ier de Montmorency (v. note [12], lettre 655) était un des plus solides soutiens du parti royal catholique.

  4. Grégoire xiii (1572-1585, v. note [2], lettre 430).

  5. Le roi Henri iii de Navarre (roi Henri iv de France en 1589) et son cousin Henri ier de Bourbon prince de Condé (v. note [18] du Borboniana 4 manuscrit).

  6. Catherine de Médicis.

  7. Lui raconter n’importe quoi.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Annexe : Les deux Vies latines de Jean Héroard,
premier médecin de Louis xiii, note 60.

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(Consulté le 28/03/2024)

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