À Charles Spon, le 8 mars 1644, note 63.
Note [63]

Claire-Clémence de Maillé (1628-1694) était alors duchesse d’Enghien avant de devenir princesse de Condé en 1646. Elle était la fille du maréchal Urbain de Maillé, marquis de Brézé (v. note [15], lettre 18), et de Nicole du Plessis-Richelieu, sœur du cardinal. En 1641, on l’avait mariée Louis ii de Bourbon, duc d’Enghien, depuis quatrième prince de Condé, le Grand Condé : son père, Henri ii de Bourbon, « s’était mis à genoux devant le cardinal de Richelieu pour avoir Mlle de Brézé pour M. d’Enghien » (Tallemant de Réaux, Historiettes, tome i, page 308). L’objet du procès était la légitimité du duché d’Aiguillon. Ce procès de 1644 contre le prince de Condé fut suivi d’un autre, sur le même différend, en 1645. La duchesse d’Enghien est réapparue plusieurs fois dans les lettres de Guy Patin, au cours de la Fronde, et jusqu’à l’évocation de sa folie en 1671, suivie de son exil final à Châteauroux (v. note [8], lettre 999).

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 174) :

« Le soir, {a} mon père nous dit qu’il avait rencontré M. Le Jay qui avait été à l’audience de M. le Prince, qui était, avec Mme d’Enghien sur le banc des parties […]. Gaultier avait plaidé pour M. le Prince et avait fort décrié la mémoire de M. le cardinal de Richelieu et Mme d’Aiguillon, disant que le testament était suggéré par elle, fait suivant sa passion ; et avait dit de bons mots, entre autres que M. le cardinal pouvait être comparé à Samson qui, étant le plus fort homme du monde, perdait ses forces entre les genoux d’une femme, dit le vers de Juvénal,

…Bona tota ferantur
Ad Phialen
 {b} (qui était une garce) ;

que Mme d’Aiguillon était la plus avare du monde, avait eu le duché d’Aiguillon pour cent mille écus, {c} quoiqu’il valût huit cent mille livres, avait tiré par force la quittance de Sabbathier de trois cent mille livres, quoiqu’elle n’eût donné que sa promesse payable dans dix ans, et qu’après, ayant déduit les intérêts en le payant comptant, elle n’en avait déboursé que cent mille livres ; que M. le cardinal avait fait une fausseté, ayant rempli la procuration du maréchal de Brézé, pour consentir le mariage de son fils, du nom de Claire-Clémence, sa fille ; que c’était son ordinaire puisque, pour empêcher la restitution de vingt mille écus que feu son frère avait ordonnée par testament à ses créanciers, il avait supposé un faux codicille qui révoquait le testament. Pour raison de quoi, il y avait eu procès au rapport de M. Coquelay, présent à l’audience, qui avait été évoqué et renvoyé à Dijon. Il dit quantité d’autres choses et n’acheva pas. Voilà le commencement de la division capable de perdre toute cette famille. »


  1. Du 28 avril 1644.

  2. « il légua tous ses biens à Phialé » (Satire x, vers 238), à propos d’un vieillard lubrique qui déshérite ses enfants au profit d’une courtisane, « tant a su l’appâter de son haleine cette fille qui, durant des années, s’est prostituée dans une cellule de bordel ».

  3. 300 000 livres.

Guy Patin est revenu plus tard sur ce procès (v. note [3], lettre 155).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 8 mars 1644, note 63.

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(Consulté le 28/03/2024)

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