À Claude II Belin, le 4 juillet 1635, note 7.
Note [7]

« Le naufrage de la flotte espagnole armée contre la France, l’an 1635.

Le puissant censeur ibérique juge sans ambages qu’est hérétique quiconque établit des bornes à l’empire espagnol, ou refuse de se mettre le cou sous le joug autrichien ; et il l’ajoute au compte de ses Maures. {a} Ainsi, quand le Français empêche que l’Espagnol ne l’envahisse, alors il accuse à grands cris le Français d’hérésie. Ainsi, parce qu’il ne se met pas à son service, l’Espagnol jure que le Père Ausonius {b} présente des signes certains d’hérésie. Voilà comment Dieu a presque englouti la flotte espagnole dans les flots ; il lui reste alors à se rendre compte que Dieu est hérétique. » {c}


  1. Infidèles (musulmans, juifs, protestants) pourchassés par l’Inquisition.

  2. Pater Ausonius, le Père d’Ausonie, ancien nom poétique de l’Italie : le pape Urbain viii.

  3. V. note [18], lettre 18, pour les mouvements de la flotte espagnole en Méditerranée.

Ces vers ont été imprimés dans le Trésor chronologique et historique contenant ce qui s’est passé de plus remarquable et curieux dans l’État, tant civil qu’ecclésiastique, depuis l’an de Jésus-Christ 1200, jusqu’à l’an 1647. Par le R.P. Dom Pierre de S. Romuald, prêtre et religieux de la Congrégation de Notre-Dame de Fueillens. {a} Troisième partie, {b} avec cette surprenante explication (année 1588, page 724) :

« Cette même année, sur la fin du mois de mai, le roi d’Espagne fit démarrer de Lisbonne contre l’Angleterre cette armée de mer si puissante, qu’il préparait depuis trois ans. Elle consistait en 130 grands vaisseaux portant vingt mille hommes, outre les volontaires, et en 2 550 pièces d’artillerie, et devait être conduite par Alphonse Pérez Guzman, duc de Medina Sidonia, {c} […] On l’appelait l’Invincible, mais elle ne l’était pas car elle fut vaincue, partie par les vents et tempêtes, et partie par les Anglais et Zélandais qui, pour avoir eu beaucoup de part en la victoire, firent battre de la monnaie où étaient gravés d’un côté ces mots, Soli Deo gloria, {d} et de l’autre, Classis Hispanica, venit, vidit, fugit, pour dire que l’armée d’Espagne était venue, avait vu et s’en était fuie, {e} sans paraître plus. Quelqu’un, en suite de ce malheur arrivé aux Espagnols, fit cette épigramme pour se rire de leur orgueil naturel et de leur peu de religion, quoi qu’ils veulent faire accroire qu’ils en ont plus que tout le reste des hommes. » {f}


  1. V. note [15] du Patiniana I‑3, pour Pierre Guillebaud de Saint-Romuald ; l’abbaye cistercienne Notre-Dame des Feuillants (ici de Fueillens) était située à Labastide-Clermont près de Toulouse.

  2. Paris, Antoine de Sommaville, 1647, in‑4o de 1 011 pages.

  3. Saint-Romuald parlait de l’Invincible Armada, placée sous le commandement d’Alonso Pérez de Guzman, duc de Medina Sidonia (v. note [8] du Borboniana 10 manuscrit). Philippe ii, roi d’Espagne, attaquait la reine Élisabeth ire d’Angleterre (et ses alliés calvinistes hollandais révoltés contre l’Espagne).

  4. « Gloire à Dieu seul ».

  5. Paraphrase du célébrissime Veni, vidi, vici [Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu], attribué à Jules César revenant de sa guerre contre le roi du Pont en 47 av. J.‑C.

  6. Suivent les vers donnés par Guy Patin, avec une seule divergence, portant sur le 9e vers : morsit [a mordu] pour mersit [a englouti].

    Le point essentiel est que le mot Francus [Français] y est bien présent deux fois : il ne peut pas s’appliquer à l’Invincible Armada, qui eût exigé Anglus [Anglais] ; Saint-Romuald (qui ne cite malheureusement pas sa source) s’est donc mépris en lui attachant cette satire ; il s’agissait, comme l’entendait Patin, de l’expédition navale espagnole (royaume catholique) de 1635 contre la France (royaume très chrétien), ce qui rétablit la logique du poème. Sans en transcrire le titre, notre moine historien s’égarait ou maîtrisait mal le latin.


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 4 juillet 1635, note 7.

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(Consulté le 29/03/2024)

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