À Charles Spon, le 5 novembre 1649, note 7.
Note [7]

Jean de Médicis, né à Florence en 1475, fils de Laurent le Magnifique, fut élu pape en 1513 sous le nom de Léon x et mourut en 1521. Sous son pontificat, en 1517, éclata l’hérésie de Luther déclenchée par l’abus des indulgences que distribuait Rome et par la munificence dans laquelle vivaient le souverain pontife et sa cour : v. notes [26] et [27] du Borboniana 7 manuscrit pour la manière dont son successeur, Adrien vi, aborda la question. Léon x fut un éminent protecteur des arts et des sciences : il a fondé l’Université Sapienza de Rome, embelli la ville, et contribué au renom de Raphaël ou au rayonnement posthume des œuvres de Dante Alighieri.

Après la censure romaine {a} de son livre De Martyrio per pestem [Le Martyre par la peste], {b} le R.P. Théophile Raynaud avait promis ses :

Erotemata de malis ac bonis libris, deque iusta aut iniusta eorumdem confixione. Cum indicibus necessariis.

[Interrogations sur les bons et les mauvais livres, et sur leur juste ou injuste condamnation. Avec des index utiles]. {c}


  1. V. notule {c}, note [30] du Naudæana 2, pour la congrégation pontificale de l’Index.

  2. Lyon, Jacques Cardon, 1630, in‑8o de 633 pages, avec ce sous-titre :

    Ad martyrium improprium ; et proprium vulgare comparato, Disquisitio Theologica, Theophili Raynaudi, Societatis Iesu Theologi. Qua monstratur, eos qui proximis pestæ contactis, ex Christiana charitate sublevandis, immoriuntur, esse non late duntaxat, sed presse ac vere Christi Martyres ; iis non dissimiles qui in fidei causa mortem oppetunt : duplicisque illius proprie dicti Martyrii decorum comparatio, ex Patrum oraculis, et doctrina Theologica instituitur.

    [Par comparaison avec le martyre dit impropre et avec celui communément dit propre, Enquête théologique de Théophile Raynaud, théologien de la Compagnie de Jésus. Il y est démontré que ceux qui, par charité chrétienne, meurent en venant au secours des pestiférés ne sont pas seulement des martyrs du Christ au sens large, mais au sens précis et véritable ; qu’il en va de même pour ceux qui vont au devant de la mort en raison de leur foi ; que dans les deux cas, la comparaison, tirée des enseignements des Pères et de la doctrine théologique, établit qu’ils partagent à proprement parler la gloire du martyre].

  3. Lyon, Jean-Antoine ii Huguetan et Marc-Antoine Ravaud, 1653, in‑4o de 378 pages.

Les Erotemata fut pareillement mis à l’index le 10 juin 1659, puis en fut retiré après corrections la même année. Il y est question de Pomponace et Cardan dans la Partitio i (pages 25‑26). {a} C’est l’occasion de fournir un échantillon du style du R.P. Raynaud, que son ami Guy Patin jugeait barbare (v. note [5], lettre 298) :

Spectare ad classem secundam nonnullis sunt visi, Pomponatius atque Cardanus, iis scriptis, quibus animæ immortalitatem sustulerunt. Quanquam prior non absolute ac simpliciter, mortalem animam censuisse videtur, sed duntaxat si ratio nuda consuleretur, ut liquet ex opere Contareni cardinalis, de Immortalitate, conscripto adversus Pomponatium, ipsius quondam Contareni in Philosophicis Magistrum. Nec aliud censuerim voluisse illos eiusdem ævi Philosophastros, damnatos a Lateranensi Concilio sub Leone x et alios longe ante a Stephano Parisiensi Episcopo, anno 1277, vel potius 1227 in rescripto quod extat tomo 5 Bibl. Margarini pag. 1319 æque damnatos, quod afferent, animam rationalem, secundum fidem esse immortalem ; at secundum Philosophiam, esse mortalem. Næ, hi non Philosophi, sed ut alia occasione dixit Valdensis, friuophili habendi fuissent, si animam simul mortalem ex Philosophia, et immortalem ex fide, pronunciassent. Quomodo enim esse, et non esse, de eodem subiecto affirmari possit, absolute, et simpliciter, etiamsi penes diversa capita ? Animam ergo absolute videntur agnouisse immortalem, quod ita aperte ferant fidei scita ; quamuis nisi de animæ rationalis perpetuatione fide doceremur, solaque naturali ratione consulta, negaturi fuissent immortalitatem.

Quod tamen, ingeniis effrænibus, ea negatio immortalitatis animæ, spectatis naturalibus principiis, aditus esse videatur ad negandam funditus immortalitatem, iure libri eo doctrinæ reprobæ fermento vitiati, suffixione digni sunt habiti : ipseque Pomponatius, mutata mente, opus suum de eo argumento improbasse dicitur, variantibus sententiis, an id amicorum precibus dederit, an famæ suæ ac nomini cauerit, an ex animo audierit Ecclesiam, et palinodiam cecinerit, ut conscientiæ faceret satis. Venetos illud opus addixisse ignibus, nec de immortalitate, sed de mortalitate animæ fuisse inscribendum, tradit Sylvester lib. 5 de Strigimagis cap. 5 expostulans quod a se approbatum eum librum dixisset Pomponatius, quod negat se unquam cogitasse. Idem Pomponatius, iudice Mirandulano lib. 6 euers. singul. certam. in opere de Incantationibus, nec Philosophum se bonum, nec Christianum bonum exhibuit, cum effectus omnes mirificos, cœlorum influxionibus adscribat, adeo ut velit, et religiones, et leges, earumque latores, ab iis dependere. Quare opus illud in Tridentino indice postscriptum est, et dilatam tamdiu fuisse proscriptionem, miratur Delrio i. Mag. cap. 3 ante q. i. In opere de fato, idem Pomponatius multus est in evertenda cooperatione Dei nobiscum, qui est exploratus error, quæ omnia suspicionem illam aliquorum, de Pomponatii clanculario Atheismo, utcunque confirmant.

[Quelques-uns considèrent que Pomponace et Cardan appartiennent à la seconde classe parce qu’ils ont nié l’immortalité de l’âme. Pourtant, le premier ne semble pas avoir absolument et nettement jugé que l’âme est mortelle, mais seulement si l’on s’en tient à la raison pure, comme le montre clairement l’ouvrage du cardinal Contarini de Immortalitate, écrit contre Pomponace qui avait jadis été son propre maître en philosophie. {b} Et je n’aurais pas jugé qu’en eussent voulu autrement ces prétendus philosophes que le concile du Latran a condamnés sous Léon x, {c} et d’autres, qu’Étienne, évêque de Paris, a également condamnés l’an 1277 ou plutôt 1227 dans la réponse qui se trouve au tome 5 de la Bibl. Margarini, page 1319, {d} parce qu’ils rapportaient que l’âme raisonnable est immortelle selon la foi, mais mortelle selon la philosophie. Ceux-là n’auraient certes pas dû être tenus pour philosophes, mais, comme a dit Valdensis à un autre propos, {e} pour frivophiles s’ils avaient proclamé que l’âme est à la fois mortelle pour la philosophie et immortelle pour la foi. Comment en effet pourrait-on affirmer du même sujet qu’il est et qu’il n’est pas, absolument et simplement, même si divers hommes l’ont cru ? Ils semblent donc avoir absolument reconnu que l’âme est immortelle parce qu’ainsi ils s’en rapportent à une foi reconnue ; bien qu’ils eussent dû nier l’immortalité en ne se fiant qu’à la raison naturelle, si la foi ne nous avait pas instruits sur la perpétuité de l’âme rationnelle.

Puisque cependant, pour les esprits débridés, cette négation de l’immortalité de l’âme paraît mener, après avoir considéré les principes naturels, à nier radicalement l’immortalité, on est en droit de tenir pour dignes de crucifixion les livres que ce ferment de doctrine malsaine a corrompus ; et dit-on, Pomponace a changé d’avis et a lui-même désapprouvé son ouvrage sur ce point en y changeant des phrases, parce qu’il aura cédé là-dessus aux prières d’amis, ou qu’il aura craint pour sa bonne réputation et son renom, ou qu’il aura écouté l’Église de bon gré et chanté la palinodie pour satisfaire sa conscience. {f} Sylvestre, au chapitre 5, livre 5, de Strigimagis, {g} rapporte que les Vénitiens ont condamné cet ouvrage aux flammes et déclaré qu’il n’avait pas été écrit sur l’immortalité, mais sur la mortalité de l’âme ; le même se plaint que Pomponace ait dit qu’il avait approuvé son livre, ce dont il nie avoir jamais eu l’idée. Au jugement de Mirandulanus, {h} le même Pomponace, dans son traité de Incantationibus, {i} ne s’est montré ni bon philosophe ni bon chrétien, parce qu’il attribue tous les effets prodigieux aux influx célestes, au point de vouloir que tant les religions et les lois que ceux qui les proposent en dépendent aussi. Delrio s’étonne que cet ouvrage ait été inscrit à l’index tridentin et si longtemps proscrit. {j} Dans son livre de Fato, {k} le même Pomponace s’acharne à renverser l’idée que Dieu coopère avec nous, ce qui est une erreur certaine, et le tout confirme en tout cas le soupçon de quelques-uns sur l’athéisme larvé de Pomponace].


  1. Ce passage appartient à la De Obiecto, seu de libris configendis quadruplici serie comprehensis ; Series i, Libri mali et nocivi ; Erotema iv, Athei et nullius, vel cuiusvis fidei, ac Religionis libri an improbandi ? [Première partie, De l’Objet, ou des livres qu’il faut clouer, compris en quatre séries ; Série i, Livres mauvais et nuisibles ; Interrogation iv, Doit-on condamner les livres athées ou de n’importe quelle autre confession ou religion (que catholique) ?]), chapitre intitulé Proscribendi item libri Atheorum clanculariorum secundi Ordinis ; cuiusmodi plerisque visus Pomponatius [Livres des athées cachés du second ordre qu’il faut pareillement proscrire ; où beaucoup rangent Pomponace].

  2. V. note [10], lettre 20, pour Pomponace et son Tractatus de Immortalitate animæ [Traité de l’Immortalité de l’âme] (Bologne 1516). Le cardinal Gasparo Contarini (1483-1542) avait publié en 1525 un traité De Immortalitate animæ adversus Petrum Pomponatium [De l’Immortalité de l’âme contre Pierre Pomponace].

    La note [67] du Naudæana 1 détaille le point de vue de Pomponace sur l’immortalité de l’âme et sa condamnation par l’Inquisition.

  3. Cinquième concile du Latran (1512-1517, v. note [9], lettre 399).

  4. Margarinus de la Bigne : Bibliotheca veterum Patrum et auctorum ecclesiasticorum [Bibliothèque des anciens Pères et des auteurs ecclésiastiques] (Cologne, Hieratus, 1622, 15 volumes in‑fo).

  5. Thomas Netter dit Valdensis (natif de Saffron Walden, Essex), théologien anglais (vers 1375-1430).

  6. Se sera rétracté.

  7. Silvestro Mazzolini da Prierio, (1456-1523) : De strigimagarum dæmonumque Mirandis libri tres [Trois livres sur les Prodiges des vampires et des démons] (1521).

  8. Pic de la Mirandole (v. note [53] du Naudæana 2).

  9. Pomponace : De naturalium effectuum Causis, sive de incantationibus… [Les Causes des effets naturels, ou des enchantements…] (1556).

  10. V. notes [54], lettre 97, pour Martin Anton Delrio, et [30], notule {c}, du Naudæana 2, pour la Congrégation de l’index instituée par le concile de Trente (tridentin).

  11. Pomponace : De Fato arbitrio et prædestinatione libri v [Cinq livres de la Décision prédéterminée et de la prédestination] (1556).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 5 novembre 1649, note 7.

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(Consulté le 29/03/2024)

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