À Charles Spon, le 4 novembre 1650, note 7.
Note [7]

Journal de la Fronde (volume i, fo 315 ro et vo, novembre 1650) :

« Le 29 du passé, environ les neuf heures du soir, M. de Beaufort étant allé visiter Mme de Montbazon et ne l’ayant pas trouvée à cause qu’elle était au palais d’Orléans, {a} s’en alla à l’hôtel de Nemours, {b} où il demeura à souper et renvoya ses deux gentilshommes pour souper chez lui. Le carrosse retournant de l’hôtel de Vendôme {c} à onze heures du soir pour l’aller quérir et étant arrivé dans la rue Saint-Honoré entre l’église des pères de l’Oratoire et la Croix du Trahoir, {d} fut attaqué par 15 ou 16 filous armés d’épées, pistolets, mousquetons et poignards ; lesquels ayant en même temps tiré sept ou huit coups sur le cocher sans le blesser et sans pouvoir arrêter le carrosse, accoururent aux portières où ils tirèrent sur ces deux gentilshommes qui étaient dans le fond du carrosse, et en blessèrent légèrement un, nommé Brainville, à la joue. Aussitôt, ceux-ci tirèrent sur ces assassins. En ayant couché un par terre, Brainville sauta hors du carrosse et se trouva parmi eux sans qu’ils lui fissent autre mal ; mais s’étant adressés à son compagnon, nommé le baron {e} de Saint-Aiglan, lui donnèrent un coup de poignard dans le sein au-dessous de la mamelle ; sur cela se retirèrent sans rien prendre ni demander autre chose à l’un ni à l’autre, ayant emporté leur blessé tout mourant. L’on remarqua qu’en s’en allant ils dirent que ce n’était pas lui, ce qui fait croire qu’ils n’avaient autre dessein que de tuer M. de Beaufort, ayant pris pour lui ce gentilhomme qui était blond et avait un visage un peu long comme lui. Le cocher, laissant Brainville dans la rue tout étourdi du coup qu’il avait reçu, poursuivit son chemin à toute bride à l’hôtel de Montbazon pour y laisser Saint-Aiglan ; lequel étant arrivé devant la porte, mourut entre les bras d’un laquais qui le descendit du carrosse. On envoya en même temps à l’hôtel de Vendôme d’où partirent huit ou dix personnes à cheval pour aller chercher les auteurs de cette action ; et cependant, on les fit suivre par deux laquais qu’on fit partir de l’hôtel de Montbazon, lesquels les ayant rencontrés furent battus à coups de bâton ; et on leur ôta leurs souliers afin qu’ils ne puissent pas suivre, les menaçant aussi de les tuer, ce qui les épouvanta si fort qu’ils n’osèrent passer outre ; et ceux qui étaient à cheval ne les purent rencontrer. M. de Beaufort fut fort surpris de cet accident et témoigna grand regret de la perte de ce gentilhomme qu’il aimait fort et à qui même, il avait obligation de l’avoir retiré en sa maison en Normandie pendant sa disgrâce. Quelques conseillers du Parlement en furent le lendemain demander justice à M. le duc d’Orléans, et notamment M. Coulon {f} qui en fit grand bruit, ayant dit tout haut qu’il ne pouvait venir que de la part de M. le cardinal, et qu’on en pouvait faire autant à Son Altesse Royale et à tout le Parlement. On a fait divers commentaires là-dessus : les uns sont de l’avis de M. Coulon, les autres veulent que ces assassins aient cru faciliter la liberté de Messieurs les princes en mettant par ce moyen le chef de la Fronde à bas ; d’autres en soupçonnent le duc de Candale. Le lendemain, le lieutenant criminel ayant reçu ordre d’informer de cet assassinat et les ordres ayant été donnés à tous les quarteniers, dizainiers de chercher dans toutes les maisons de Paris et savoir quelles personnes y logent, et aux chirurgiens de s’assembler pour découvrir le blessé, l’on prit avant-hier {g} un des complices qu’on trouva proche la porte Saint-Victor blessé au bras. Il fut exactement interrogé, et ayant dit qu’il était natif de Neuf-Marché proche Gisors en Normandie et qu’il était soldat, il avoua qu’il s’était trouvé en cette action, nomma dix de ses compagnons dont on en prit hier deux avec leurs femmes ou garces, et dit que c’était un vol qu’ils voulaient faire ; que trois personnes les ayant rencontrés devant le Palais-Royal, les avertirent, un peu devant que le carrosse de M. de Beaufort passât, qu’il y avait 20 000 écus à voler à un homme qui venait de les gagner au jeu, lequel devait passer par la rue Saint-Honoré ; et que sur cet avis, ils se joignirent à ces trois personnes, quoiqu’ils ne les connussent pas, et attaquèrent ce carrosse. L’on a depuis interrogé les autres et l’on en saura bientôt la vérité. L’on a fort remarqué qu’un avocat de cette ville nommé Goesel, qui a fort étudié la physionomie de M. de Beaufort, avait dit à Mme de Montbazon deux jours auparavant que M. de Beaufort avait grand sujet de se donner de garde parce qu’il était menacé de feu, de fer et de poison. »


  1. Le palais du Luxembourg.

  2. Rue Séguier, vie arrondissement.

  3. Rue Saint-Honoré, ier arrondissement, au niveau des actuelles rue de Castiglione et place Vendôme.

  4. V. note [5], lettre 39.

  5. La Vigne de Saint-Aiglan.

  6. V. note [39], lettre 294.

  7. 2 novembre.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, pages 335‑336, octobre 1650) :

« La nuit du samedi 29, à dix ou onze heures, le carrosse du duc de Beaufort, allant de l’hôtel de Vendôme à celui de Montbazon quérir ce duc qui y était, fut attaqué par environ douze ou quinze filous, qui tirèrent des coups de mousqueton et de pistolet au cocher et aux valets, portant flambeaux, et aussi dans le carrosse qu’ils arrêtèrent. Le sieur de Brinville, qui était en une portière, s’étant jeté dehors, se sauva ; le sieur de Saint-Aiglan-La Vigne, qui était au-dedans, sur un siège, reçut des coups de poignard dont il expira à l’hôtel de Montbazon où il fut porté. Son corps, le lendemain, y demeura exposé, puis fut porté en terre à Saint-Roch, église voisine et paroisse de l’hôtel de Vendôme ; et y assista à son service le duc de Beaufort. Il était grand, bien fait et blond, portait nom de La Vigne, fils du sieur de Tréauville, nourri {a} page du duc de Vendôme, fils d’un autre Tréauville et d’une Tourlaville, et petit-fils du baron de Tubeuf près L’Aigle en Normandie. Saint-Aiglan est une maison seule dans l’orée de la forêt de Breteuil, en terres nouvelles fieffées du roi dans la paroisse de Neaufle. Le duc de Beaufort s’y retira, sortant {b} du château de Vincennes. »


  1. Élevé comme.

  2. Après son évasion.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 4 novembre 1650, note 7.

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(Consulté le 25/04/2024)

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