À Charles Spon, le 16 décembre 1653, note 7.
Note [7]

« Les deux vierges de Lipse m’ont toujours paru méprisables » : allusion aux deux livres bigots et crédules de Juste Lipse sur les vierges de Hal (1604) et de Sichem (1605) (v. note [29], lettre 195).

Voici ce qu’en écrit Joseph Hall dans ses mécréantes Épîtres mêlées (v. supra note [5]), pages 77‑80 :

« Sus donc, Lipsius, va maintenant écrire les nouveaux miracles de ta Déesse et confirme la superstition par des événements étranges. Vous tous qui l’avez vu, jugez si jamais la chapelle de Hal et de Zichem a produit chose plus notable. Nous en rencontrons partout des pèlerins allant faire leurs dévotions vers ces siennes Dames, je ne sais si je les dois nommer deux Dames, ou bien une en deux châsses. Si elles sont deux, pourquoi n’en adorent-ils qu’une ? Si elles ne sont qu’une, pourquoi fait-elle à Zichem la cure qu’elle ne pourrait faire à Hal ? Ô quelle grande pitié qu’un esprit si haut et si relevé, au dernier acte de sa vie, ait été sujet à la rêverie. Nous avons chéri et admiré, si besoin était, tous les bons fruits et l’engeance masculine de ce cerveau ; mais qui pourrait supporter ces vierges simplettes, faibles avortons d’une vieillesse radotante. L’un de ses plus grands mignons me dit, l’ayant appris de sa propre bouche, {a} que l’aînée de ces deux vierges fut par lui engendrée, conçue, mise en lumière et baptisée dans l’espace de dix jours ; je ne le crus et n’en fus point ébahi. Ces actes de superstition ont un père et une sage-femme invisible, outre ce qu’il n’est pas séant qu’un éléphant demeure trois ans à engendrer une souris. {b} Il me fut dit en la boutique de son Moret, non sans quelque indignation, que notre roi {c} ayant bien considéré le livre et lu quelques passages d’icelui, le jeta à terre avec cette censure, Damnation à celui qui l’a fait et à celui qui le croit. Je ne m’enquiers pas si c’est une histoire véritable ou un de leurs contes. Bien suis-je assuré que cette sentence ne leur causait pas tant de mécontentement que de joie à moi. »


  1. Le mot mignons (v. note [18] du Borboniana 6 manuscrit) laisse planer un doute sur les mœurs que Hall (ou son traducteur) prêtait à Lipse.

  2. Si tout cela est véridique, il faut croire que Lipse était atteint de délire sénile, mais il faut ici prendre garde à une volonté (protestante) de médire.

  3. D’Angleterre, Jacques ier ; Jean Moret, imprimeur d’Anvers et successeur de Christophe Plantin, était ami de Lipse.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 16 décembre 1653, note 7.

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(Consulté le 19/03/2024)

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