À Claude II Belin, le 24 mars 1657, note 7.
Note [7]

Le Protectorat britannique avait graduellement glissé dans les travers d’une monarchie. On usait généralement du titre de Your Highness [Son Altesse] pour s’adresser à Cromwell et depuis 1656 il anoblissait ses alliés pour les remercier de leur fidélité.

En février 1657, un groupe de membres du Parlement mené par Lord Broghill avait présenté une nouvelle constitution, The Humble Petition and Advice [L’humble Pétition et Avis], qui offrait officiellement la couronne à Cromwell. L’intention première était de consolider la constitution sous la forme d’un gouvernement civil car l’antériorité constitutionnelle aurait limité les pouvoirs de Cromwell s’il était devenu roi. En outre, comme l’offre émanait d’un Parlement élu, il ne pourrait plus subsister aucun doute sur la légitimité du régime instauré par Cromwell. Toutefois, après bien des hésitations et en butte à la forte opposition des républicains et des chefs militaires, Cromwell décida finalement de rejeter l’offre : I will not build Jericho again [Je ne rebâtirai pas Jéricho]. On amenda l’Humble Petition pour en retirer toute allusion au titre royal et Cromwell fut à nouveau installé Lord Protector le 6 juillet 1657.

La cérémonie n’en rappela pas moins un couronnement : Cromwell, vêtu d’une robe de velours pourpre bordée d’hermine, tint un sceptre en or ; il prêta un serment proche de celui que prononçait le roi lors de son couronnement et quitta Westminster dans un carrosse d’apparat au milieu des cris de God save the Lord Protector [Dieu sauve le Lord protecteur]. La révision de l’Humble Petition lui permettait désormais de désigner son successeur. Cromwell était King in all but name [roi en tout, sauf le nom], il ne lui manquait qu’une couronne (Plant).

Régner de plein pouvoir sur une république paraît aujourd’hui extravagant, mais ne l’était pas alors : le roi de Pologne (et grand-duc de Lituanie) était alors souverain de la République des Deux Nations, élu par une diète de la noblesse. C’est le sens du mot république qui a bien changé depuis : « aujourd’hui il n’y a guère de vraie république [démocratie], dont le gouvernement soit absolument populaire ; les Vénitiens, les Génois appellent leurs États République, quoique leur gouvernement soit oligarchique, et entre les mains des nobles » (Furetière).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 24 mars 1657, note 7.

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(Consulté le 25/04/2024)

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