Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Grotiana 1, note 7.
Note [7]

« mais critique maladroit ».

V. note [15], lettre de Samuel Sorbière écrite début 1651, pour Franciscus Junius, nom latin de l’érudit français François Du Jon, beau-père de Gerardus Johannes Vossius (v. note [3], lettre 53). Junius était professeur de théologie à Leyde.

La haine de Joseph Scaliger à son encontre s’est tout particulièrement exprimée dans le Secunda Scaligerana (pages 410‑413) :

« Franciscus Junius et Theodorus Marsilius diversa via eundem finem sunt consecuti, ignorantiam. Hic omnia legendo, ille nihil ; cum tamen doctissimum se existimaret, doctiorem etiam in Græcis Casaubono et Stephano quos nihili faciebat. Ejus Responsiones in Bellarminum bonæ, sed facile est talia scibere et mendacium refellere. {a} Du Jon méprisait tout le monde, il pensait être le plus grand homme de son temps, des précédents et des futurs. Junius n’avait rien lu, {b} et voulait être estimé savant en plusieurs langues, médecin, jurisconsulte : il n’y a que ses disciples qui en font état, des ignorants qui ne savent ce que c’est que des hommes doctes. Junius a eu deux femmes flamandes, et si {c} jamais il n’a pu apprendre le flamand. Lorsque j’étais à la boutique de Rapheleng {d} et parlais flamand, encore que je ne parle guère bien, m’oyant, il dit devant la compagnie : “ Hélas ! je ne sais pas parler le flamand, mais je sais bien d’autres choses. ” Et lorsque lui et moi fûmes compères de Monsieur Vorstius, {e} après avoir été au prêche flamand de Monsieur Trelcat fils, {f} je lui disais “ Voilà un gentil personnage, qui prêche si bien deux langues ”, il répondit : “ Un homme ne saurait bien prêcher en deux langues. ” Il portait envie extrêmement de cela au jeune Trelcat, et les prêches de Junius étaient des cercles : il ne faisait que retourner et redire ce qu’il avait dit. Quand il est question d’un homme docte, il ne faut pas s’arrêter au jugement de ses disciples, mais à celui des hommes doctes. Junius disait au prêche : Jehova, Jeschaiach, et talia. Junius dicebat se nobilem esse, sed non vere, {g} car en Berry, les états non faciunt Nobilem. Du Jon, meus simius et obtrectator simul, {h} m’a voulu imiter en ses annotations sur le premier chapitre de la Genèse. Ô les grandes badineries qu’il a mises dans sa Bible, la pauvre version ! {i} Je n’en saurais lire un chapitre. Il n’avait rien lu et voulait en savoir plus que les autres, et qu’on l’en crût. Les jésuites en savent plus que lui en doctrine et science. Du Jon disait que les papistes avaient châtré les Pères, je n’en crois rien : on m’a dit qu’ils y ont tout laissé car ils ne les vendraient pas. Du Jon avait un bon jugement, et n’avait point lu, il pensait tout trouver avec son esprit. Du Jon pensait savoir en tout plus que tous les autres ; contemnebat Casaubonum et H. Stephanum, dubitabat an essent Græce docti. Junius non poterat ferre laudes Casauboni, quia putabat illum nihil scire in Græcis ; si videres Strabonem Casauboni quem annotavit Junius, ubique videres lituras falsum, falsum, quasi illius fuerit corrigere Casaubonum, sed ex invidia fecit. » {j}


  1. « Par des chemins différents, François Du Jon et Théodore Marcile {i} ont poursuivi le même but : l’ignorance ; le second, en lisant tout, et le premier, en ne lisant rien, bien qu’il s’estimât extrêmement savant, plus savant même en grec que Casaubon et Estienne, {ii} dont il ne faisait aucun cas. Ses Responsiones contre Bellarmin {iii} sont bonnes, mais il est facile d’écrire de telles choses et de réfuter le mensonge. »

    1. V. note [12], lettre 564.

    2. V. notes [7], lettre 36, pour Isaac Casaubon, grand ami de Scaliger, et [31], lettre 406, pour l’imprimeur érudit Henri ii Estienne, dit le Grand Estienne.

    3. Fr. Junii Biturigis Animadversiones ad controversias Christianæ fidei quas Robertus Bellarminus Politianus societatis Iesu (ut vocant) disputationum suarum libris exaravit adversus hujus temporis hæreticos… [Remarques de François Du Jon, natif de Bourges, contre les {six} controverses de la foi chrétienne que Roberto Bellarmino, natif de Montepulciano {v. note [16], lettre 195}, de la Compagnie de Jésus (comme ils l’appellent) a écrites dans les livres de ses disputations contre les hérétiques de son siècle…] (Leyde, Christophorus Raphelengius, 1600, six volumes in‑8o).

  2. Note de Pierre Des Maizeaux, {i} éditeur du Scaligerana :

    « Scaliger parle ici et ailleurs de Junius avec le dernier mépris, sur quoi, voyez l’article de ce savant dans le dictionnaire de M. Bayle, rem. (P). {ii} Voyez aussi ci-dessous au mot Manilius. » {iii}

    1. V. note [4] de l’Introduction aux Ana de Guy Patin.

    2. Bayle, tome 2, page 888.

    3. Pages 439‑440 du Secunda Scaligerana : Scaliger avait publié de savantes critiques sur les Astronomiques de Marcus Manilius (Paris, 1579, v. note [39] du Borboniana 3 manuscrit) ; il accusait Junius d’avoir mal lu Manilius et d’avoir déliré en voulant le corriger dans ses In Manilii Astronomica variæ Lectiones cum notis Franc. Junii Bituricensis [Leçons diverses et notes de François Du Jon, natif de Bourges, sur les Astronomiques de Manilius] (Leyde, 1599, in‑4o).

  3. Malgré cela.

  4. L’imprimeur érudit de Leyde François Rapheleng (v. note [3], lettre d’Eberhard Vorst, datée du 7 février 1664), ou son frère Christophe.

  5. Ælius Everardus Vorst, v. note [12], lettre latine de son fils, Adolf Vorst à Guy Patin, datée du 4 septembre 1661.

  6. Lucas Trelcatius, fils de Lucas (v. infra première notule {b}, note [9]), tous deux pasteurs à Leyde.

  7. « “ Yahvé, Josué, et autres pareils noms. ” Du Jon se disait noble, mais ce n’était pas vrai ».

  8. « n’anoblissent pas. Du Jon, à la fois mon singe et mon détracteur ».

  9. Avec Emmanuel Tremelius, Du Jon a donné une traduction latine de la Bible, publiée à partir de 1579.

  10. « Il méprisait Casaubon et H. Estienne, il doutait qu’ils fussent bien savants en grec. Du Jon ne pouvait supporter les mérites de Casaubon car il pensait qu’il ne connaissait rien aux auteurs grecs ; si vous voyiez le Strabon de Casaubon {i} que Du Jon a annoté, partout vous verriez des ratures : “ faux ” ici, “ faux ” là ; comme si c’était à lui de corriger Casaubon ; mais il l’a fait par jalousie. »

    1. Édition parue à Genève en 1587 (v. note [62], lettre latine 351).

    Sans vouloir médire, le Scaligerana nous a donné là un bel exemple de prêche circulaire, ne faisant « que retourner et redire ce qu’il avait dit ».


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Grotiana 1, note 7.

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(Consulté le 25/04/2024)

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