Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 75.
Note [75]

Le Moréri relate différemment cette histoire dans son article sur la déesse romaine Piété (Pietas) :

« La Piété avait un temple à Rome, dans la place aux Herbes, suivant le témoignage du même Cicéron, qui dit in foro Olitorio. {a} M. Acilius Glabrio, duumvir, consacra ce temple sous le consulat de Quintus et d’Atilius, et y fit placer un tableau qui représentait l’action de cette fille célèbre pour sa piété, laquelle voyant sa mère condamnée par la justice à mourir de faim, dans son extrême vieillesse, demanda avec instance au geôlier la permission de la voir tous les jours dans sa prison jusqu’à sa mort ; ce que le geôlier lui accorda par compassion, prenant toutefois un soin très exact d’empêcher qu’elle n’apportât aucun aliment. Comme cela durait plus de jours qu’une personne n’en peut naturellement passer sans manger, le geôlier épia ce que cette fille faisait avec sa mère, et vit avec étonnement cette pauvre femme téter sa fille, qui étant alors nourrice, lui donnait la mamelle comme à son enfant, pour l’empêcher de mourir de faim. Cette action étant rapportée aux juges, < ils > firent donner la liberté à la mère, avec une pension pour elle et pour sa fille. Le lieu où était la prison fut consacré par ce temple à la déesse Piété. Festus dit que c’était le père de cette fille qui était condamné à mort ; {b} mais tous les auteurs, comme Cicéron, Tite-Live, Valère Maxime et Pline, marquent que c’était sa mère. {c} * Rosin, Antiq. Rom. liv. 2, c. 18. » {d}


  1. Ce témoignage n’est pas dans Cicéron, je l’ai trouvé chez Tite-Live (Histoire de Rome, livre xl, chapitre xxxiv, § 4) :

    Ædes duæ eo anno dedicatæ sunt, una Veneris Erycinæ ad portam Collinam […], altera in foro holitorio Pietatis, eam ædem dedicavit M. Acilius Glabrio duumvir.

    [Cette année {i} aussi eut lieu la dédicace de deux temples : l’un à Vénus Érycine, près de la porte Colline […] ; l’autre de la Piété, dans le marché aux légumes, ce fut le duumvir M. Acilius Glabrio qui en fit la dédicace].

    1. 191 av. J.‑C.
  2. Pompeius Festus, La Signification des mots, livre xiv, sur Pietas :

    Pietati ædem consecratam ab Acillo aiunt eo loco, quo quondam mulier habitaverit, quæ patrem suum inclusum carcere mammis suis clam aluerit : ob hoc factum, impunitus ei concessa est.

    [Acilius a, dit-on, consacré un temple à la Piété là même où avait jadis habité la femme qui nourrit secrètement du lait de ses mamelles son père emprisonné ; pour avoir fait cela, elle obtint sa grâce].

  3. Pline (Histoire naturelle, livre vii, chapitre xxxvi, Littré Pli, volume 1, page 299) :

    Humilis in plebe, et ideo ignobilis puerpera, supplicii causa carcere inclusa matre, quum impetrasset aditum, a janitore semper excussa ante, ne quid inferret cibi, deprehensa est uberibus suis alens eam. Quo miraculo, matris salus donata filiæ pietati est, ambæque perpetuis alimentis, et locus ille quidem consecratus deæ, C. Quinctio M Acilio coss., templo Pietatis extructo in illius carceris sede, ubi nunc Marcelli theatrum est.

    « Une femme du peuple, dont la condition obscure nous a dérobé le nom, venait d’accoucher quand sa mère fut mise dans une prison pour y subir le supplice de la faim. Elle obtint d’aller la voir ; mais, fouillée à chaque fois par le geôlier, de peur qu’elle n’apportât quelque aliment, on la surprit allaitant sa mère. Saisis d’admiration, les magistrats accordèrent le salut de la mère à la piété de la fille ; ils allouèrent des aliments à l’une et à l’autre leur vie durant, et le lieu où la scène s’était passée fut consacrée à la déesse Piété, à laquelle, sous le consulat de C. Quinctius et Manius Acilius (an de Rome 604 < 149 av. J.‑C. >), un temple fut érigé sur l’emplacement de la prison ; c’est là qu’est aujourd’hui le théâtre de Marcellus. »

    Valère Maxime (Faits et paroles mémorables, livre v, chapitre iv, De pietate in parentes [La piété filiale]), raconte exactement la même histoire (non datée) d’une mère allaitée par sa fille, sans la dire vierge.

  4. L’article du Moréri est intégralement et fidèlement tiré du livre ii, chapitre xviii, De Diis, propter quæ datur ascencus in cœlum [Les dieux grâce auxquels il est donné de monter au ciel], De Pietate [La Piété], page 237 du livre intitulé :

    Antiquitatum Romanarum Corpus absolutissimum, in quo præter ea quæ Ioannes Rosinus delineaverat, infinita supplentur, mutantur, adduntur : ex criticis, et omnibus utriusque linguæ auctoribus collectum, Poetis, Oratoribus, Historicis, Iurisconsultis, qui laudati, explicati, correctique Thoma Demestero a Muresk, I.C. Scoto, Auctore. Editio Postrema, emendatior.

    [Corpus le plus complet des Antiquités romaines, dans lequel, outre celles que Joannes Rosinus {i} a décrites, une infinie quantité a été augmentée, modifiée ou ajoutée : Thomas Demsterus a Muresk, jurisconsulte écossais, {ii} l’a recueilli chez les critiques et tous les auteurs des deux langues, {iii} poètes, orateurs, historiens, jurisconsultes. Dernière édition, revue et corrigée]. {iv}

    1. L’historien allemand Johann Roszfeld (1551-1626).

    2. Thomas Demster, baron de Muresk (1579-1625).

    3. Grecque et latine.

    4. Genève, Pierre et Jacques Chouët, 1640, in‑8o illustré de 1 063 pages.

    On ne lit là aucune justification de l’interprétation donnée par L’Esprit de Guy Patin, qui transforme la mère en père et qui christianise le récit païen, en y ajoutant le miracle d’une vierge allaitante.

    Dans les tableaux qu’on appelle Charités romaines, la tradition artistique chrétienne représente un vieillard allaité par sa fille, et leur donne les noms de Cimon (ou Mycon) et de Péro (ou Pera).


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 75.

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(Consulté le 28/03/2024)

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