À Claude II Belin, le 4 juillet 1635, note 8.
Note [8]

La coutume désignait sous le nom de Monsieur le Prince l’aîné vivant de la famille de Bourbon-Condé. Lui et ses frères étaient princes du sang, en tant qu’apparentés directs et légitimes du roi de France par les mâles. Branche cadette des Bourbons, les Condé étaient issus de Louis de Bourbon (premier prince de Condé), frère cadet d’Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, le père du roi Henri iv (v. note [16], lettre 128, pour de plus amples détails sur les Bourbons et les Condé). Le nom de Condé venait de la seigneurie de Condé-en-Brie, près de Château-Thierry.

En 1635, M. le Prince était Henri ii de Bourbon, troisième prince de Condé (Saint-Jean-d’Angély 1er septembre 1588-Paris 26 décembre 1646). Il était le fils posthume de Henri ier de Bourbon, deuxième prince de Condé (mort le 5 mars 1588, v. note [18] du Borboniana 4 manuscrit), et de Charlotte de La Trémoille (accusée d’avoir empoisonné son mari, v. note [65] du Borboniana 7 manuscrit). Henri iv, son parrain, avait fait élever l’orphelin dans le catholicisme et lui avait fait épouser, en 1609, Charlotte-Marguerite de Montmorency, dont le roi était lui-même follement épris. Pour soustraire sa jeune femme aux ardeurs royales, Condé s’était enfui à l’étranger et n’était revenu en France qu’après la mort du Vert Galant (régicide de Ravaillac, le 14 mai 1610). Les ambitions, les intrigues et les révoltes de M. le Prince avaient troublé les premières années du règne de Louis xiii. Malgré d’énormes sacrifices financiers, la régente, Marie de Médicis, n’avait pu le satisfaire ni assouvir sa cupidité, et avait fini par l’enfermer au château de Vincennes (1er septembre 1616), où il était resté trois ans. Il avait ensuite combattu les protestants dans le Midi, avec plus de bravoure et de zèle ardent que de talent véritable. Discipliné par la forte main de Richelieu, il se montra dès lors le plus soumis des courtisans.

Tallemant des Réaux (tome i, pages 417‑422) n’a guère encensé la mémoire de Feu Monsieur le prince Henri de Bourbon :

« On a une lettre où ce seigneur {a} lui reproche sa sodomie en ces termes : “ Au moins n’ai-je rien fait qui me fasse appréhender le feu du ciel. ” De tout temps Monsieur le Prince a été accusé de ce vice, témoin le sonnet de Bautru, fait du temps que la reine Marguerite vivait encore. {b} On fit aussi une chanson que je n’ai pu trouver, où l’on faisait aller tous les beaux garçons de la cour au devant de lui. Je ne voudrais pas assurer qu’il fût bougaron {c} tout à fait, mais il était grand masturbateur. Une fois, il mit la main dans les chausses à Chalais (celui qui eut la tête coupée à Nantes), {d} par-dessous son manteau. Chalais, tirant brusquement son manteau, fit voir la main de M. le Prince et se mit à chanter Oh la folle entre prise du Prince de Condé ! »


  1. Henri ii, duc de Rohan, v. note [16], lettre 34.

  2. V. notes [15], lettre 198, pour Guillaume i de Bautru et [4], lettre latine 456, pour Marguerite de Valois, première épouse du roi Henri iv. A. Adam a transcrit ce sonnet, intitulé Du sieur Bautru sur M. le Prince et la reine Marguerite :

    « Le même feu du ciel qui consomma Gomorrhe,
    Tomba l’un de ces jours au faubourg Saint-Germain,
    Et cet ange vengeur apparaissant encore,
    L’ire sur le visage et la foudre à la main,

    Lança, plein de fureur, la flamme qui dévore,
    L’horrible et sale hôtel du Sodome échevin,
    Criant et détestant le crime qu’il abhorre,
    C’est trop peu d’un logis pour une telle fin.

    Quand une belle dame à la jupe troussée,
    Plus puissante que Loth et bien mieux exaucée,
    Sans s’arrêter aux vœux, recourt à l’action,

    Et cotillons en l’air par toute la famille,
    Prononça ces beaux mots avec affection :
    “ Foutons, foutons en con, nous sauverons la ville ! ” »

  3. Bougre (sodomite).

  4. V. notes [20], lettre 403, pour Chalais, et [36], lettre 309, pour les chausses.

Au moment où écrivait Guy Patin, M. le Prince était lieutenant général pour le roi en Lorraine, province nouvellement conquise. Il allait faire partie du Conseil de régence après la mort de Louis xiii (14 mai 1643). Il eut trois enfants dont les lettres de Guy Patin ont abondamment relaté les faits et gestes, en tant qu’acteurs de tout premier rang dans les affaires politiques du « premier xviie siècle » :

  • Anne-Geneviève (alors âgée de 16 ans), future duchesse de Longueville ;

  • Louis (14 ans), alors duc d’Enghien, puis quatrième prince de Condé, surnommé le Grand Condé ;

  • Armand, prince de Conti (6 ans).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 4 juillet 1635, note 8.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0023&cln=8

(Consulté le 29/03/2024)

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