À Charles Spon, le 20 juin 1653, note 8.
Note [8]

François Cazet de Vautorte (1607-23 avril 1654) avait débuté comme intendant dans l’armée de Turenne. En 1645, il était entré dans la diplomatie comme ambassadeur extraordinaire près de la diète germanique. Il a lui-même relaté l’élection du roi des Romains, avec toute la complexité des relations internationales et des préséances entre les électeurs, dans ses lettres à M. de Brienne (Négociations secrètes touchant la paix de Münster et d’Osnabrück… Tome troisième… De plus les négociations secrètes de M. de Vautorte, ambassadeur de Sa Majesté très-chrétienne auprès de la Diète de Ratisbonne depuis le 10e de novembre 1645 jusqu’au 23e d’avril 1654. La Haye, Jean Neaulme, 1726).

  • De Saint-Gal, le 29 mai 1653, page 551 :

    « J’arrivai ici le 27e, j’en pars demain. La révolte des paysans du canton de Berne, qui arrêtent les étrangers à tous les passages, m’a empêché de faire une plus grande diligence. On dit ici que l’empereur et les électeurs sont à Augsbourg dès le 20e pour élire le roi des Romains. Cette affaire sera bientôt finie si elle a été résolue dès Prague, comme on croit. Cependant, quelques princes < électeurs>  s’ennuient à Ratisbonne et se retirent ; et on dit que l’empereur n’en est pas fâché et que de tous les électeurs, celui de Mayence seul y retournera. Je les verrai à Augsbourg ou dans leur chemin, et ne ferai aucune difficulté de visiter le roi de Hongrie en qualité de roi des Romains après son élection, s’il n’y a aucune apparence qu’elle puisse être contestée. L’empereur ne me recevrait pas si je refusais de faire cette visite, et les affaires ni la bienséance ne me permettent pas de la différer beaucoup de temps, pour attendre l’ordre du roi. Je serais très aise de le recevoir avant l’élection et souhaite qu’elle soit retardée jusqu’à temps que j’aie votre réponse à cette lettre. […] Je ne désire pas m’éloigner trop d’Augsbourg, afin que l’électeur < Palatin > ne me puisse échapper, et je veux voir l’empereur avant que d’entrer dans Ratisbonne. »

  • D’Augsbourg, le 12 juin 1653, pages 552‑553 :

    « J’arrivai ici le 8e de ce mois et je m’y arrêterai jusqu’après le couronnement du roi des Romains qui se doit faire à Ratisbonne le 18e. Le prétexte que je prends pour mon retardement est véritable : car la longueur du voyage a tellement défait mon équipage et la difficulté de trouver une maison meublée dans Ratisbonne est si grande qu’il serait difficile que j’y pusse arriver avant le couronnement.

    L’élection a été faite ici le 31e de mai par les trois électeurs ecclésiastiques, par le roi de Bohème, par l’électeur Palatin et par les députés des électeurs de Bavière, de Saxe et de Brandebourg, qui étaient précédés par l’électeur palatin, quoiqu’il l’eût été par leurs maîtres. Je ne vous mande point les cérémonies de cette action ni plusieurs autres particularités inutiles.

    L’empereur avait gagné les électeurs à Prague il y a plus de dix mois, et les autres États n’ayant pu obtenir que l’ouverture de la Diète se fît avant cette élection, se sont enfin contentés de la promesse que l’empereur a faite de leur donner satisfaction sur leurs demandes raisonnables après l’élection, comme il aurait fait auparavant ; de sorte qu’elle a été faite d’un commun consentement et tous les ambassadeurs en ont témoigné de la joie, et ont fait de grands compliments au nom de leurs maîtres à l’empereur, au roi de Hongrie et aux électeurs, outre le compliment de ceux que la reine de Suède a envoyés, l’un pour la Poméranie et l’autre pour l’archevêque de Brême, n’y en ayant point encore de la part de la Couronne de Suède. Elle a écrit une lettre aux électeurs pour leur recommander le roi de Hongrie, en cette occasion. Cette lettre, qui n’a été présentée qu’un jour avant l’élection, a fait d’autant plus d’éclat qu’elle était moins attendue, et l’empereur et les électeurs en ont témoigné beaucoup de joie. L’ambassadeur de Pologne qui est venu pour demander à l’empereur et aux États quelques secours, a fait le même office au nom de son maître. Il désirait le faire dans le Collège électoral, mais les députés des trois électeurs absents ayant désiré qu’il les traitât d’excellences, il ne l’a pas jugé à propos et s’est contenté de voir les électeurs sur ce sujet dans leurs maisons. Je rencontrerai cette même difficulté lorsque je demanderai audience au Collège électoral. Je n’ai vu personne qui ait pu me la résoudre, et je ne sais si j’en serai mieux instruit à Ratisbonne. Je vous supplie, Monsieur, très humblement de m’envoyer un ordre sur ce sujet. Si je ne puis l’attendre, je m’informerai le plus soigneusement qu’il me sera possible de ce qui s’est fait en semblables occasions et ne ferai rien sans exemple.

    Je ne doute point que vous ne m’envoyiez au plus tôt des lettres du roi pour l’empereur et le roi des Romains, sur son élection, et sans les attendre, je ne laisserai pas de leur en faire compliment au nom de Sa Majesté. […]

    L’empereur et le roi de Hongrie retournèrent à Ratisbonne dès le 2nd de ce mois pour voir l’impératrice qui y était accouchée d’une fille en leur absence. Les trois électeurs ecclésiastiques partirent d’ici deux jours après pour aller voir le duc de Bavière à Munich, d’où ils retourneront à Ratisbonne ; de sorte que je n’ai trouvé ici que l’électeur Palatin ; Madame sa femme y est accouchée depuis quinze jours d’un fils qui est mort deux jours après. Ce n’est pas la seule cause de son retardement en cette ville : il est encore en doute s’il retournera à Ratisbonne pour assister au couronnement du roi des Romains, ou s’il s’en retournera d’ici à Heidelberg. Cela dépend de la résolution de l’empereur, qu’il attend à tous moments, sur une prétention qu’il a d’entrer dans l’Église ; et l’empereur, qui croyait que cette fonction dans l’Église dépendait de lui, l’avait fait espérer à l’électeur palatin, afin qu’il eût quelque chose à faire dans cette cérémonie qui eût quelque rapport à la couronne qu’il lui a permis de mettre dans ses armes. Je crois qu’il y a encore quelques autres petits points dont je ne suis pas informé. Si l’électeur Palatin retourne à Ratisbonne, il y fera peu de séjour. Il croit que les électeurs de Cologne et de Trèves ne s’y arrêteront pas aussi longtemps, ni les autres princes qui s’y ennuient depuis cinq ou six mois, n’y ayant rien fait qu’une dépense excessive. L’empereur promet d’y être jusqu’à la fin du mois de septembre, et l’électeur de Mayence jusqu’à la fin de la Diète, de laquelle on n’espère aucun bon succès.

    J’ai visité ici M. l’électeur Palatin le 9e de ce mois et il m’a rendu visite l’11e. Après avoir lu la lettre du roi dont j’étais chargé pour lui et avant de me donner audience, il m’a fait faire dans ma maison par son secrétaire un éclaircissement sur deux points ; mais fort civilement et sans aucune contestation. Le premier est pour la qualité de cousin que le roi lui donne. Il appréhendait que le roi ne donnât celle de frère aux électeurs de Bavière et de Brandebourg, et s’est contenté quand il a su que Sa Majesté ne faisait aucune différence entre lui et eux. Il m’a dit qu’on m’en parlerait à Ratisbonne et qu’il ne demandait que ce qu’on donnerait aux autres. Je ne me suis point expliqué et ai seulement répondu que le roi écouterait volontiers tout ce qui lui serait proposé de la part des électeurs, et que Sa Majesté prendrait toujours beaucoup de soin de leur donner toute sorte de contentement. Le second point est pour la main droite {a} dans la Maison des électeurs. Il m’a fait dire que celui de Cologne avait publié à Ratisbonne que j’avais ordre de la lui donner et que celui de Bavière, qui viendra bientôt à Ratisbonne, aurait aussi la même prétention ; quoique tous les autres électeurs ne fassent maintenant à Ratisbonne et n’aient fait à Prague aucune difficulté de donner dans leurs maisons la main droite aux ambassadeurs de rois. Il a ajouté qu’il n’approuve pas, ni ses collègues aussi, la prétention de l’électeur de Cologne qui est contraire à l’usage, mais qu’il ne désire souffrir aucune différence et qu’on doit accorder à tous ce qu’on voudra donner à l’un des électeurs. J’ai répondu que de la façon que l’électeur de Cologne s’est expliqué à la cour sur ce point, on avait compris qu’il n’avait cette prétention que dans le lieu où se tient la Diète et que nous n’y étions pas maintenant, et qu’on avait cru aussi à la cour que cette prétention était commune à tous les électeurs dans la Diète, et non particulière à l’électeur de Cologne, contre l’usage, et contre ce que font maintenant ses collègues à Ratisbonne ; que le roi ne voulait pas mettre une différence si notable entre les électeurs et que je n’avais point d’ordre de faire en ce cas ce qu’un seul désirait ; que j’écouterais à Ratisbonne ce qu’on me dirait sur ce point et que je n’accorderais rien à l’électeur de Cologne que je ne lui accordasse aussi et que ce qui aurait été accordé dans les diètes précédentes, ou dans celle-ci par les ambassadeurs des autres rois. Il s’est contenté de ma réponse et m’a donné la main droite, puisque les électeurs de Mayence et de Trèves la donnent aussi dans Ratisbonne à l’ambassadeur d’Espagne, qui n’a point vu celui de Cologne. Je ne puis le contenter sans me soumettre à rendre le même honneur à tous ses collègues qui ne le demandent pas, et il est peut-être plus à propos de ne le voir point que de faire cette nouveauté sans aucune utilité évidente.

    L’électeur Palatin témoigne dans ses discours beaucoup de passions et de jalousie contre la Maison de Bavière, et se plaint, quoique fort civilement, du traitement que sa Maison a reçu de la France depuis trente ans. Il m’a dit par raillerie que les soins qu’on avait pris de gagner les électeurs de Mayence et de Bavière avaient assez mal réussi, et m’a fait connaître que celui de Mayence était maintenant dans les intérêts de la Maison d’Autriche. Je lui ai répondu que le roi ne désirait rien des électeurs, après la paix, qui les éloignât de ce qu’ils doivent à l’empereur, et que Sa Majesté ne demandant que la raison et le repos de l’Empire, travaillait pour leur propre intérêt ; que celui de la Maison Palatine avait toujours été très considéré par le roi, qui avait fait tout ce qu’il avait pu pour son rétablissement, et que Sa Majesté désirait lui témoigner son amitié en toutes occasions, s’y sentant obligée (outre les anciennes considérations) par la raison nouvelle du voisinage et par l’estime qu’elle fait de sa personne. Il m’a répondu avec beaucoup de respect et de civilité, et il me semble aussi que sa faiblesse et l’état présent de ses affaires le feront pencher du côté de l’empereur, si les autres électeurs lui en donnent l’exemple. »


    1. Honneur fait à une personne en la plaçant à sa droite.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 20 juin 1653, note 8.

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(Consulté le 29/03/2024)

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