À Charles Spon, le 16 septembre 1653, note 8.
Note [8]

Deux pièces en vers de Charles Spon sont imprimées pages 55‑56 du Gabrielis Naudæi Tumulus… |Tombeau de Gabriel Naudé…] (Paris, 1659, v. note [11], lettre 324).

In Gabrielem Naudeum,
virum clarissimum,
Epicedion.

Ad ripam Samaræ consederat agmen olorum,
Extincti sunt socii duceret exequias :
Qui generis princeps fuerat totius, et ipsis
Naiadibus summo vixerat in pretio :
Illum
Naudæum vulgo indigitare solebant,
Quæ vox dulcisonum significat Superis.
Nec sane immerito, cum gutture cantica fundens,
Mulceret Divos non minus ac homines.
Hic cum tota cohors volucrum stupefacta sileret,
Præ desiderio congregis exanimis :
Unus stagna colens Araris, Rhodanique fluenta,
Rostri apice ut pectus sæpe sinumque tudit,
Complodens geminas mixtis clangoribus alas,
Prompsit olorino talia verba sono.
Exequias,
Naudæe, tuas celebramus amici,
Queis sine te durum est esse superstitibus.
Te pereunte, huius perierunt gaudia cœtus,
Maxima cuius eras gloria, luce fruens.
Ah ! utinam nostras iubeant nigrescere pennas
In signum æternæ, Numina, mœstitiæ !
Saltem quod licet, officio fungemur inani,
Condemusque tuum rite cadaver humo.
Tum superaddemus parvo cum lemnate cippum,
Noverit ut lector, quis situs hocce loco.
Heic
Naudæe iaces ! dubium num solus, an una
Pignora Mnemosynes sint tumulata novem !
Dixerat, at reliqui drensatu dicta probarunt,
Sicque obito rediit funere quisque domum
.

[Épicède {a} en l’honneur du
très distingué Gabriel Naudé.

Une bande de cygnes {b} s’est posée sur la rive de la Somme, ils sont là pour célébrer les funérailles d’un compagnon défunt. Il avait été le premier d’entre eux tous. Les Naïades mêmes l’estimaient au plus haut point, ayant coutume d’invoquer partout ce Naudé dont la voix faisait nimbait le firmament de douceur. Et ce n’était vraiment pas indûment car, en déclamant ses chants à profusion, il adoucissait les dieux aussi bien que les hommes. Ici, au confluent de la Saône immobile et du Rhône impétueux, toute la troupe de ces oiseaux, frappée de stupeur, fait silence ; la consternation du chagrin les a réunis, quand l’un d’eux, se frappant encore et encore la poitrine et le sein de la pointe de son bec, et battant ses ailes à grand renfort de cris, a fait sortir ces mots pour chant du cygne : « Ô Naudé ! nous, tes amis, célébrons tes funérailles. Pour ceux qui te survivent, il est difficile d’exister sans toi. Par ta mort, la joie de cette troupe s’en est allée, tu étais leur plus grande gloire, jouissant de la pleine lumière. Ah ! puissent les dieux nous commander de noircir nos plumes en signe d’éternel chagrin ! Qu’il nous soit au moins permis de nous acquitter d’un vain devoir et d’inhumer cérémonieusement ta dépouille. Alors nous placerons dessus une colonne avec une petite inscription pour que le lecteur sache qui a été mis en ce lieu. Ci gît Naudé ! » Me voilà pourtant pris d’un doute, aurait-on enterré ses neuf filles en même temps que Mnémosyne ! {c} Il avait dit, {d} et ceux qui ne cessent de le pleurer en témoigneront, que s’étant ainsi acquitté de la cérémonie funèbre, chacun rentre chez soi].

Aliud.

Flebant Sponiacæ Naudæi fata Camenæ,
Salmasii tristem cum didicere necem.
Parcite iam lacrymis, (exclamant) lumina ! clade
Tam dira, ut Nioben, diriguisse decet !

[Un autre.

Les Camènes {e} de Spon pleuraient la mort de Naudé quand il apprit le triste trépas de Saumaise. {f} Que vos yeux (crient-elles) économisent donc leurs larmes ! désastre aussi effrayant que celui qui dut à Niobé {g} d’avoir été figée !]

Ponebat Carolus Sponius,
Doctor Medicus Lugdunensis
.

[Charles Spon, docteur en médecine de Lyon offrait ces vers].


  1. V. note [1], lettre 325.

  2. Dans le mythe, le cygne est un « oiseau consacré à Apollon, comme au dieu de la musique, parce qu’on croyait que le cygne, près de mourir, chantait mélodieusement ; et à Vénus, soit à cause de son extrême blancheur, soit à cause de son tempérament assez semblable à celui de la déesse de la volupté » (Fr. Noël). « On appelle figurément les poètes, les cygnes du Parnasse, surtout en parlant de leurs derniers ouvrages » (Furetière).

  3. Mnémosyne est la déesse du souvenir et la mère des neuf Muses.

  4. Spon souvenait peut-être des vers d’Horace, sur le chant du cygne, que Naudé avait cités dans sa déicace au chancelier de l’Université, en tête de son discours de vespérie en 1628 (v. seconde notule {a}, note [9], lettre 3).

  5. Les Muses.

  6. Claude i Saumaise étant mort le 3 septembre 1653, Charles Spon avait nécessairement dû modifier les quatre vers de cette épigramme qu’il avait envoyée à Guy Patin le 22 août 1653 (v. note [12], lettre du 6 mars 1654, pour cette « émendation »).

  7. Niobé (Fr. Noël) :

    « fille de Tantale et sœur de Pélops, épousa Amphion, roi de Thèbes, {i} et en eut sept garçons et sept filles. Fière de ce nombre d’enfants, elle méprisa Latone {ii} et prétendit mériter des autels à bien plus juste titre. Latone, offensée de son orgueil, eut recours à ses enfants qui la vengèrent en faisant tomber sous leurs coups invisibles les 14 enfants de Niobé. Enfin, la mère, outrée de douleur et de désespoir, fut changée en rocher. Un tourbillon de vent l’emporta en Lydie {iii} sur le sommet d’une montagne où elle continua de répandre des larmes qu’on voyait couler d’un morceau de marbre. »

    1. En Béotie, v. notule {b}, note [52] du Faux Patiniana II‑7.

    2. Déesse votive des femmes en couches, v. note [34] de Guy Patin éditeur des Opera omnia d’André Du Laurens en 1628.

    3. V. note [91] du Faux Patiniana II‑7.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 16 septembre 1653, note 8.

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(Consulté le 25/04/2024)

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