À Sebastian Scheffer, le 6 mars 1664, note 8.
Note [8]

« Les êtres extraordinaires ont la vie brève et vieillissent rarement » (Martial, v. note [1], lettre 448).

Né en 1609, Johannes Antonides Vander Linden mourait dans sa 55e année d’âge.

Dans son Oratio in V. C. Johannis Antonidæ Vander Linden… funere… [Discours pour les funérailles de Johannes Antonides Vander Linden…] (pages 257‑258, v. note [4], lettre latine de Reiner von Neuhaus, datée du 15 mai 1664), Johannes Cocceius (v. note [58], lettre latine de Christiaen Utenbogard, datée du 21 août 1656), professeur de théologie sacrée à Leyde, a narré la mort de Linden :

Tertio et vicesimo superioris mensis ab amico rus prope Harlemum invitatus est, ut de valetudine Viri primarii cum eo consultaret. Ibi inter deambulandum frigore correptus est, et ex eo male habere cœpit. Postridie, qui erat Dominicus, binas conciones attente audivit : tertiam ne audiret, impeditus est. Die Lunæ officio faciendo vacavit, lectionem habuit, privatæ institutioni operam dedit, et ex Nosocomio, in quo Collegium auctoritate publica habere nuper admodum inceperat, reversus cum studioso, qui eum domum deduxerat, diu ante fores collocutus est, sui negligens. Die Martis decubuit, et remedia, quæ sibi probata, adhibere cœpit. Accurri, quum accepissem de morbo ejus, die Veneris. Intellexi, febri synocho putrida laborare. Significabat, se ei morbo non fidere. Mecum, ut et postridie cum Reverendo D. Heidano, de divina providentia, de vitæ hujus miseria, de hominis ουδενεια, de firmitate divinæ gratiæ, de spe Christianorum collocutus est. Interim, nulli sudores ex voto, nulli somni, etiam remedio quæsiti, donec vis morbi ingravescere eumque καρον conjicere, ex quo tamen subinde excitabatur, interdum turbata mente, sed non diu. Ante extrema enim apud se fuit, et accedentes agnovit, prudenter ad interrogata respondit, et, quamdiu potuit loqui, spem vitæ beatæ et voluntatem discedendi ad Dominum omnibus signis ostendit, atque ita instillatæ a parentibus, exemplis domesticis auctæ, Ecclesiasticis allocutionibus educatæ, et verbi divini quotidiana lectione et frequenti repetitione neque segni meditatione et in mysterium Dei inquisitione roboratæ pietatis fructum in terris percepit, ut in certitudine spei se abnegans, et Deum sanctum justificans ac bonum glorificans, animam suam, ut patri fidelissimo, commendaret. Spirare desiit die 5. Martii post meridiem circa horam tertiam. Memorablile est, quod inter assidentes lecto erat fœmina ex boreali Hollandiæ parte veris eum deflens lacrimis. Quam septennio cum remediis conflictatam, ut ipsa prædicabat, hac hiemo per gratiam Dei restituerat sanitati.

[Le 23e du mois dernier, un ami l’avait invité à lui rendre visite dans une campagne proche d’Haarlem, {a} pour consulter avec lui sur la santé d’un homme de premier rang. En se promenant là-bas, il avait été saisi par le froid, et avait commencé à mal s’en ressentir. Le lendemain, qui était un dimanche, il est allé au temple écouter les deux prêches avec attention, mais sans être capable d’entendre le troisième. Le lundi, n’ayant pas d’engagements particuliers, il a lu et s’est consacré à ses affaires privées ; le Collège de l’hôpital l’avait tout récemment admis, par décision publique ; en en revenant, il a longtemps parlé devant sa porte avec un étudiant qui l’avait raccompagné chez lui, sans souci de sa propre personne. Le mardi, il est resté au lit et a commencé à prendre plusieurs remèdes sur sa propre prescription. Le vendredi, j’accourus dès que j’eus la nouvelle de sa maladie. Je compris qu’il souffrait de fièvre synoque putride ; {b} il expliquait ne pas croire en ce diagnostic. Il s’est entretenu avec moi, tout comme le lendemain avec le révérend M. Heidanus, {c} de la divine providence, des misères de la vie ici-bas, du néant de l’homme, de la fermeté de la grâce divine, de l’espérance des chrétiens. Tous ces jours se sont passés sans suées, contrairement au souhait qu’on en avait, mais aussi sans sommeil, en dépit les médicaments pour l’induire ; et puis la vigueur de la maladie s’est accrue et l’a jeté dans un profond assoupissement ; il en sortait pourtant de temps en temps, parfois avec l’esprit confus, mais par courtes périodes. Il est en effet resté maître de lui jusqu’à la dernière heure, reconnaissant ses visiteurs et répondant sensément aux questions. Aussi longtemps qu’il a pu parler, il a fait voir en tout point la volonté de s’en aller vers le Seigneur, dans l’espérance d’une vie heureuse. Ayant si bien perçu sur terre le fruit de la piété inculquée par ses parents, augmentée par l’exemple de son entourage, exhaussée par les sermons ecclésiastiques, et affermie par la lecture quotidienne et la fréquente récitation de la parole divine, ainsi que par la méditation assidue et la recherche du mystère de Dieu, se refusant à l’espérance de la certitude, et justifiant la sainteté de Dieu et glorifiant sa bonté, il lui a recommandé son âme en absolue confiance, comme à un père. Il a poussé son dernier souffle le 5e de mars vers trois heures de l’après-midi. Il est digne de mémoire que, parmi ceux qui se tenaient alors à son chevet, il y avait une femme venue du nord de la Hollande qui le pleurait à chaudes larmes : par la grâce de Dieu, cet hiver, comme elle l’avait elle-même prédit, il lui avait rendu la santé, après qu’elle eut résisté sept années durant aux remèdes].


  1. Les dates sont grégoriennes (nouveau style) : le 23 février 1664 (année bissextile) était un samedi. Haarlem (v. note [15], lettre 1040) est à une trentaine de kilomètres au nord-est de Leyde.

  2. V. note [3], lettre latine 104, pour cette fièvre particulière qu’on tenait pour une manifestation de la peste dite septicémique (v. note [1], lettre 5), maladie qui sévissait alors dans la région d’Amsterdam :

  3. Abraham Heidanus (van Heyden, 1597-1678), professeur de théologie à Leyde, s’était engagé pour Descartes, contre Gisbertus Voetius, dans la querelle d’Utrecht (1643-1649, v. note [22], lettre latine d’Utenbogard, datée du 21 août 1656).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Sebastian Scheffer, le 6 mars 1664, note 8.

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(Consulté le 19/04/2024)

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