À Jan van Horne, le 18 juin 1668, note 8.
Note [8]

Jean ii Riolan, Anthropographie (1649, v. supra notule {a}, note [7]), livre i, chapitre xi, An vivum hominem secare sit necessarium, et liceat [S’il est utile et permis de disséquer l’homme vivant] (page 43) :

Non possum non detestari ferinam Vesalij et Iacobi Carpensis crudelitatem, qui vivos homines dissecarunt. Id negat factum à Vesalio Crato in Epistolis, nam voti solvendi, non sceleris expiandi causa, in Iudeam et Palæstinam profectus fuerat.

[Il m’est impossible de ne pas maudire la féroce cruauté de Vésale et de Jacopo Carpi, {a} qui ont autrefois disséqué des hommes vivants. Pour Vésale, Craton l’a nié en ses Epistolæ, et y dit que le voyage qu’il fit en Judée et en Palestine fut pour accomplir un vœu, et non pour expier son crime]. {b}


  1. De Jacopo Berengario da Carpi, anatomiste italien du xvie s. (v. note [17], lettre latine 38), Éloy écrit :

    « On a imputé à Carpi d’avoir disséqué vifs à Bologne deux Espagnols malades de la vérole ; ce qui ayant été rapporté au juge, ce médecin fut obligé de se sauver à Ferrare, où il mourut. Il avait, dit-on, choisi des Espagnols plutôt que d’autres, parce qu’il haïssait leur nation. Mais tout cela a bien l’air d’un conte fait à plaisir. L’anatomie avait été fort négligée pendant plusieurs siècles, lorsque notre auteur se mit à la cultiver ; et comme il fut un des premiers qui entreprirent d’en rétablir l’étude, qu’il fit même beaucoup de dissections de cadavres humains pour parvenir à son objet, il étonna ceux qui n’avaient rien vu de semblable. Certes, il n’en fallut pas davantage pour faire dire au peuple, qui grossit toujours les choses les plus simples, que ce médecin anatomisait les hommes en vie. Érasistrate {i} et Hérophile {ii} ont été accusés du même crime, et avec aussi peu de fondement. »

    1. V. note [23], lettre 324.

    2. V. note [4], lettre latine 330.
  2. De 1591 à 1611, Johann Crato von Crafftheim (v. note [2], lettre 845) a publié sept livres de Consiliorum et Epistolarum Medicinalium [Consultations et épîtres médicales]. Le troisième {i} contient une lettre d’Andreas Dudith ab Horekoviza, {ii} datée de Breslau le 22 septembre 1582, où il dit incidemment au médecin Wenceslas Raphanus (pages 304‑305) :

    Vesalius non fuit unquam exul, neque illa, quam Paræus innuit, causa ei fuit peregrinationis ad Christi sepulchrum susceptæ, sed religiosum votum. Mortuus est febre ardenti in Zacyntho, cum iam reverteretur.

    [Vésale ne fut jamais proscrit et la cause de son pèlerinage au sépulcre du Christ ne fut pas celle que signale Paré, {iii} mais un vœu religieux. Il mourut de fièvre ardente à Zanthe, sur le chemin du retour].

    1. Francfort, 1592, 3e référence citée dans la note [13] du Faux Patiniana II‑6.

    2. Évêque hongrois d’origine croate (Buda 1533-Breslau 1589).

    3. Œuvres complètes d’Ambroise Paré (Paris, 1840, tome 2), livre dix-huitième, fin du chapitre liv, Les signes pour connaître si une femme est morte ou non par une suffocation de matrice, page 755, sur les erreurs diagnostiques :

      « Ainsi que de ce siècle est arrivé à un grand anatomiste, je dis grand et célèbre, duquel les livres réparent aujourd’hui les études des hommes doctes ; lequel étant pour lors résident en Espagne, fut mandé pour ouvrir une femme de maison qu’on estimait être morte par une suffocation de matrice. Le deuxième coup de rasoir qu’il lui donna, commença ladite femme à se mouvoir et démontrer par autres signes qu’elle vivait encore, dont tous les assistants furent grandement étonnés. Je laisse à penser au lecteur comme ce bon seigneur, faisant cette œuvre, fut en perplexité, et comme on cria tollé après lui ; tellement que tout ce qu’il put faire fut de s’absenter du pays, car ceux qui le devaient excuser, c’étaient ceux qui lui couraient sus ; et étant exilé, tôt après mourut de déplaisir, qui n’a été sans une grande perte pour la république. »

    Cette autre hypothèse, pour expliquer plus honorablement le pèlerinage de Vésale en Terre sainte, était l’accomplissement d’un vœu, en remerciement au Seigneur pour avoir survécu à une grave maladie. C’est la version défendue par Jacques-Auguste i de Thou dans son Histoire universelle : v. notule {a}, note [4], lettre latine 474.

    Le respect dû au génie de Vésale a aujourd’hui relégué dans les oubliettes de l’histoire la version infamante de son dernier voyage, car elle visait à blâmer son incompétence médicale bien plutôt que sa cruauté.

    La suite est la transcription de la lettre de Hubert Languet publiée par Melchior Adam (v. supra notule {d}, note [7]).


V. notes [9], [10] et [11], lettre latine 456, pour les témoignages de trois autres contemporains sur la mort de Vésale.

Il existe donc au moins deux récits divergents de ce qui aurait été une fatale erreur médicale de Vésale, avec une femme enceinte ou un gentilhomme pour victime. Toute cette histoire est curieuse mais difficile à croire les yeux fermés car elle ternit la mémoire du plus illustre anatomiste du xvie s. V. note [4], lettre latine 474, pour une opinion d’historiens modernes de la médecine sur cet épineux sujet.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Jan van Horne, le 18 juin 1668, note 8.

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(Consulté le 18/04/2024)

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