À Claude II Belin, le 12 septembre 1643, note 9.
Note [9]

Philippe de Cospéan (ou Cospeau, Mons 1571-château de Loges, près de Lisieux, 8 mai 1646) avait suivi d’abord les leçons de Juste Lipse puis était venu à Paris, où il fut réduit pour vivre à se faire valet d’un régent du Collège de Navarre. La protection du duc d’Épernon lui avait valu en 1607 l’évêché d’Aire, d’où il était passé à celui de Nantes en 1622. En 1627, le cardinal de Richelieu l’avait chargé de préparer François de Montmorency à la mort. Il avait obtenu l’évêché de Lisieux en 1636 et assisté Louis xiii à son lit de mort (v. note [1], lettre 82). Il s’acquit une grande réputation comme prédicateur, et on lui fait honneur d’avoir purgé la chaire du fatras des citations profanes et de lui avoir substitué l’Écriture Sainte et les Pères (G.D.U. xixe s.).

Tallemant des Réaux a consacré une historiette à M. de Lisieux (tome i, pages 526‑527) :

« Quand on lui donna Lisieux au lieu de Nantes, quelqu’un lui dit : “ Mais vous aurez bien plus grande charge d’âmes. – Voire, répondit-il, les Normands n’ont point d’âme. ” »

Mme de Motteville (Mémoires, pages 63‑64) a commenté la disgrâce de Cospéan :

« Dans le même temps {a} ou peu après, on fit commandement à tous les évêques de s’en aller à leurs diocèses. Cet ordre fut donné afin que l’évêque de Lisieux se retirât dans le sien. Il était dévot, grand prédicateur et libre à dire la vérité. Il était le saint de la cour. Il avait toujours appelé la reine sa bonne fille et la reine avait, toute sa vie, marqué l’estimer infiniment. Le feu cardinal, {b} quoiqu’il ne l’aimât pas à cause qu’il était bon ami de la reine, ne l’avait jamais voulu chasser, et avait toujours quelque vénération pour sa vertu et pour sa barbe grise ; mais enfin, il fallut qu’il s’en allât bientôt, aussi bien que les autres. Il devina aisément que le commandement général n’était donné que pour lui et que la fortune du ministre, {c} plutôt que la piété de la reine, l’envoyait satisfaire à ses obligations. Il était intime ami des princes de Vendôme, il logeait dans leur maison, et parlait librement à la reine ; si bien que le cardinal, le craignant avec sujet, fut bien aise de s’en défaire. Il vint trouver la reine un matin pour prendre congé d’elle ; elle était à sa toilette, qui s’habillait ; et ne sachant que lui dire, dans l’embarras que la présence de ce bon homme lui causait, elle le pria fort succinctement de se souvenir d’elle dans ses bonnes prières. Pour lui, il ne lui parla point ; il lui voulut montrer sans doute, par son silence, qu’il obéissait sans estimer le commandement. J’y étais, et je le remarquai avec peine pour la reine et pour celui qu’elle chassait si doucement. La reine ensuite, étant au Val-de-Grâce, dit à la marquise de Maignelai, {d} dame de grande qualité et de grande vertu, amie de cet évêque, qu’elle avait été obligée par beaucoup de considérations de l’éloigner ; mais qu’elle lui jurait, par le Dieu qu’elle venait de recevoir (car elle sortait de la sainte communion), qu’elle en avait été très fâchée et qu’elle avait eu autant de peine à se résoudre à le perdre que s’il eût été son véritable père. »


  1. Que le renvoi de l’évêque de Beauvais.

  2. Richelieu.

  3. Mazarin.

  4. Tante du coadjuteur, futur cardinal de Retz.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 12 septembre 1643, note 9.

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(Consulté le 18/04/2024)

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