À Charles Spon, le 7 juin 1649, note 9.
Note [9]

Guy Joly (mort en 1678), fils d’un avocat, bailli du Temple, et neveu du chanoine Claude Joly (v. note [3], lettre 91), était conseiller au Châtelet de Paris ; il devint syndic des rentes de l’Hôtel de Ville en décembre 1649. Pendant la Fronde, Joly s’était attaché au coadjuteur, le futur cardinal de Retz, pour devenir son secrétaire et fomenter à ses côtés bien des intrigues ; la plus éclatante fut le faux attentat qu’il machina contre lui-même le 11 décembre 1649, dont Guy Patin a parlé plus loin dans ses lettres. Après plusieurs brouilles, les deux compagnons se séparèrent définitivement en 1655, à l’époque du voyage de Retz à Rome.

Joly rejoignit alors résolument le parti du roi et de Mazarin, et rédigea ses Mémoires… contenant l’histoire de la régence d’Anne d’Autriche, et des premières années de la majorité de Louis xiv jusqu’en 1665, avec des intrigues du cardinal de Retz à la cour (Amsterdam, Jean-Frédéric Bernard, 1718, 2 volumes in‑12), où il parle de lui-même à la troisième personne. Voici ce qu’il y dit de l’affaire Bautru (pages 67‑69, réédition par M. Petitot en 1825, tome xlvii de la Collection des mémoires relatifs à l’Histoire de France depuis l’avènement de Henri iv jusqu’à la paix de Paris conclue en 1763) :

« Bautru, {a} avocat au Conseil, ayant été arrêté au sujet d’une pièce offensante pour Son Altesse, {b} dont on l’accusait d’être l’auteur, intitulée Discours sur la députation du Parlement à M. le Prince, la cour témoigna y prendre beaucoup de part et s’intéresser fortement à la satisfaction de M. le Prince, ne négligeant rien pour faire punir cet innocent.

La substance de cet écrit était que le Parlement n’avait {c} pas dû députer à M. le Prince parce que cette Compagnie n’avait jamais fait cette démarche que pour le roi et M. le duc d’Orléans ; et que M. le Prince ayant été l’auteur du siège de Paris, le protecteur du cardinal et la cause de tout ce qu’ils avaient souffert, il n’était pas juste de se réjouir de son retour ; et à la fin, l’auteur, {d} apostrophant M. le Prince, lui pronostiquait qu’il serait la victime du ministre, qui le jetterait dans une prison, d’où il ne sortirait que par la générosité de ceux qu’il avait persécutés sans sujet : ce qui arriva effectivement depuis.

Si M. le Prince eût fait alors une réflexion sérieuse sur cette prédiction, il ne se serait peut-être pas si fort emporté dans cette rencontre ; et il aurait dû juger que les sollicitations publiques de la cour n’étaient que pour l’engager davantage dans cette affaire et pour rejeter sur lui toute la mauvaise humeur qui restait dans l’esprit du peuple. En effet, tous les mouvements qu’il se donna auprès des juges ne produisirent que de nouveaux écrits plus forts, qui furent publiés sous prétexte de la défense de Bautru ; {a} lequel fut enfin déchargé de l’accusation par le Parlement, après avoir couru risque d’être condamné à mort par le Châtelet ; ce qui serait certainement arrivé si le sieur Joly, conseiller au Châtelet, qui commença de se faire remarquer dans cette occasion, n’avait engagé quelques-uns des juges à s’opposer avec lui aux opinions de ceux qui étaient dévoués à la cour. Ce conseiller, par un pur esprit de générosité, entreprit la défense de l’accusé avec tant de chaleur qu’il alla plusieurs fois dans le cachot instruire le prisonnier de ce qu’il avait à faire et à dire ; mais ce malheureux était si troublé qu’au lieu de profiter des conseils qui lui avaient été donnés, il pensa se perdre lui-même par ses réponses. Le sieur Joly avait été jusques alors infiniment uni avec le sieur d’Aubray, lieutenant civil, dont il rapportait tous les procès ; mais ils rompirent dans cette occasion et en vinrent même à des paroles assez fortes. »


  1. Orthographié Beautou dans le texte original.

  2. Condé.

  3. N’aurait.

  4. Bautru.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 7 juin 1649, note 9.

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(Consulté le 20/04/2024)

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