À Hugues II de Salins, le 15 novembre 1657, note 9.
Note [9]

« le Conciliateur, ainsi appelé parce qu’il a réconcilié les philosophes et les médecins » ; Guy Patin citait un célèbre ouvrage :

Conciliator differentiarum philosophorum et medicorum in primis doctoris in omni disciplinarum genere eminentissimi Petri de Albano Patiavini : cum duplici antiqua tabula : Differentiarum videlicet et tractatus de venenis. Novissime post omnes impressiones ubique locorum excussas ; collatis multis exemplaribus ; affatim recognitus : cunctisque mendis et erroribus expurgatus. Citatis denuo in margine omnium doctorum in fonte locis. Adiectis insuper Simphorianis Camperii Lugdunensis subtilissimis additionibus : eiusdem Petri de Albano hereses reffellentibus. Necnon tertia absolutissima tabula : quæ ipsius egregia dicta et notabilia alphabetice demonstrat.

[Le Conciliateur des différences entre les philosophes et les médecins, qui est avant tout l’œuvre du très éminent Petrus de Albano, Padouan, {a} fort savant en tout genre de sciences ; avec ses deux anciennes tables : celle des différences et celle du traité des Venins. Tout nouvellement et amplement revu après toutes les éditions qui ont été partout imprimées, en en collationnant de nombreux exemplaires ; et purgé de toutes ses fautes et erreurs, en citant pour la mpremière fois dans la marge les passages qui ont été tirés de tous les doctes auteurs. Avec en outre les très utiles additions du Lyonnais Symphorien Champier, {b} qui démentent les hérésies du dit Petrus de Albano ; ainsi qu’une troisième table très complète qui indique par ordre alphabétique ce qu’il a dit de beau de remarquable] {c}


  1. Conciliator est devenu le surnom de Petrus Aponensis : Pierre d’Abano (Apano ou Apone ; Abano Terme, ville thermale proche de Padoue vers 1250-Trévise 1316). Docteur de la Faculté de médecine de Paris, il a brillé par ses talents polymorphes de médecin arabisant, de philosophe aristotélicien et de magicien. Son scepticisme affiché quant à la résurrection des morts et aux miracles de Jésus-Christ lui valut d’être plusieurs fois poursuivi par l’Inquisition, qui ne parvint pourtant pas à le condamner de son vivant. Aussi décida-t-elle de faire déterrer son corps pour le brûler, mais dut se satisfaire de ne jeter que son effigie dans le bûcher car des serviteurs fidèles du défunt savant étaient parvenus à déplacer subrepticement sa dépouille. Éloy a consacré une notice de cinq pages à ce médecin.

  2. V. note [5], lettre 548.

  3. Venise, Luceantonius de Giunta, natif de Florence, 1520, in‑8o de 525 pages, pour l’une des nombreuses éditions, dont la première a paru à Mantoue en 1472.

Patin devait avoir à l’esprit l’hommage que Gabriel Naudé avait rendu à Petrus Aponensis dans son De Antiquitate et dignitate Scholæ Medicæ Parisiensis Panegyris [Panégyrique de l’ancienneté et dignité de l’École de médecine de Paris] (Paris, 1628, pages 61‑63 ; v. note [9], lettre 3) :

Sed prodeat tandem Petrus Aponensis ab insigni libro, quem dum vestras Scholas frequentaret edidit, Conciliatoris nomen adeptus : certe latebat in Italia, nulli prope cognita, nullis aliis disciplinis, nullis artibus, nedum propriis exculta, nulla denique, vel linguarum cognitione, vel Philosophiæ nitore decorata Medicina ; cum ecce tutelaris illius genius, ex Aponensis balnei pago, Italiam ab ignorantiæ barbarie, velut alter Camillus Romam a Gallorum obsidione liberaturus ; diligenter inquirit, ubinam gentium humaniores litteræ felicius excolerentur, Philosophia subtilius traderetur, Medicinæ purius, et solidius edoceretur : cumque recivisset uni Lutetiæ hanc laudem deberi : in eam statim involat, illius gremio totum se tradit, Philosophiæ, Medicinæque mysteriis sedulo incumbit, gradum et lauream in utraque consequitur, utramque postea celeberrime docet, et post diuturnam annorum moram divitiis vestris onustus, imo Philosophus, Medicus, Astrologus, Mathematicus suæ tempestatis præstantissimus, in patriam suam revertitur, et primus omnium Scardeoni viri gravissimi judicio, sinceram Philosophiam, et Medicinam illi restituit.

[Petrus Aponensis s’est enfin fait connaître par le remarquable livre qui lui a valu le nom de Conciliator, publié tandis qu’il fréquentait vos Écoles. {a} La médecine était sans doute obscure en Italie, inconnue de presque tous, elle n’était embellie par aucune des autres disciplines et à plus forte raison par aucun des arts nobles ; enfin, elle n’était rehaussée d’aucune connaissance des langues ni d’aucun éclat de philosophie. C’est alors que le génie de cet auteur, originaire du village d’Abano Terme, entreprit de libérer l’Italie de la barbarie de l’ignorance, comme Camillus l’avait fait de Rome pour le siège des Gaulois : {b} il chercha avec ardeur en quel endroit du monde on cultiverait les belles-lettres avec plus de bonheur, on étudierait la philosophie avec plus de subtilité, on enseignerait la médecine avec plus de pureté et de sérieux ; et quand il eut découvert que cette louange ne convenait qu’à Paris, il y vola aussitôt, il se remit tout entier à sa protection ; il s’y consacra avec ardeur à étudier les mystères de la philosophie et de la médecine, puis obtint ses degrés en l’une et l’autre, qu’il enseigna ensuite avec grand renom ; et après s’être chargé de vos richesses pendant de longues années, devenu le philosophe, le médecin, l’astrologue et le mathématicien le plus éminent de son époque, il s’en retourna dans sa patrie et parmi les premiers de tous, au jugement du très sérieux Bernardus Scardeonus, {c} y rapporta la philosophie et la médecine dans la plénitude de leur pureté].


  1. En note de bas de page, Naudé date de 1319 la publication (manuscrite) du Conciliator, en se fondant sur le journal de son auteur.

  2. Général et consul romain du ive s. av. J.‑C., Marcus Furius Camillus avait chassé les Gaulois après qu’ils eurent pris Rome sous le commandement de Brennus.

  3. Bernardino Scardeone, chanoine humaniste italien (1482-1574) auteur d’un ouvrage sur les antiquités de Padoue, sa ville natale, publié à Bâle en 1560.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 15 novembre 1657, note 9.

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(Consulté le 28/03/2024)

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