Autres écrits : Observations de Guy Patin et Charles Guillemeau sur les us et abus des apothicaires (1648) : ii, note 9.
Note [9]

V. notes [4], lettre 538, pour le verre d’antimoine, base du vin émétique, et [52], lettre 211, pour le crocus metallorum [safran des métaux] ou foie d’antimoine.

En expert plus averti que Guy Patin, Eusèbe Renaudot a décrit les autres préparations dans L’antimoine justifié, l’antimoine triomphant… (Paris, 1653, v. note [21], lettre 312).

  • Fleurs d’antimoine (pages 114‑115) :

    « Ses fleurs, qui sont les substances sulfurées et mercuriales de l’antimoine, {a} par conséquent ses parties les plus subtiles et les plus volatiles, élevées par le moyen de la sublimation {b} en consistance sèche et légère, ont des vertus différentes, aussi bien que la couleur, selon leurs divers degrés d’élévation. Celles qui se trouvent tout au haut du sublimatoire sont les plus blanches et déliées, et font beaucoup vomir ; aussi n’en prescrit-on que trois grains au plus, en substance, et six, en infusion. Celles qui sont en la partie la plus basse et plus proche du feu, qui sont ordinairement jaunâtres ou rougeâtres, font plus d’effet par bas que par haut ; et comme elles n’ont pas tant de force, leur dose est de huit à dix grains, en substance, et de 25 à 30, en infusion. Les fleurs de la moyenne région, qui sont de couleur grisâtre et cendrée, ouvrent le ventre et font vomir tout ensemble, avec plus de retenue que les premières, mais plus fortement que la basse. »


    1. Au sens général, en ancienne chimie, soufre et mercure étaient les noms qu’on donnait respectivement à la partie huileuse, visqueuse et inflammable des corps, et à leur partie liquide (humide radical).

    2. Sublimation : « action par laquelle on fait élever dans un vaisseau [récipient], par le moyen du feu, les plus sèches, les plus subtiles parties d’un corps » (Furetière). Le fourneau employé pour cette opération fondamentale de la chimie portait le nom de sublimatoire (image Medica).

  • Les chimistes préparaient le soufre d’antimoine à l’aide d’eau régale (page 105) :

    « Ils versent donc de cette dernière sur suffisante quantité d’antimoine cru, pulvérisé grossièrement et mis dans un matras de verre, {a} où l’eau régale, {b} qui doit surnager la matière de deux doigts, n’a pas sitôt commencé à l’ouvrir qu’elle en sépare la portion la plus subtile et aérienne, qui est la sulfurée, dont une partie paraît sur l’eau ; l’autre, qui est en plus grande quantité, s’attache à la matière qui est alors ternie par ces substances oléagineuses et qu’on reconnaît tenir de la nature du soufre parce que les grains d’antimoine qui en sont chargés s’enflamment aussitôt qu’ils sont mis sur des charbons ardents. »


    1. Récipient en forme de cornue, employé pour la distillation (image Medica).

    2. Solution acide composée de vitriol, de salpêtre et de sel ammoniac.

  • Le régule est « la partie pure du métal que l’on fait précipiter au fond du creuset lorsqu’on fond la mine [le minerai] métallique » (Furetière). Ce mot vient du latin regulus, petit roi, « ainsi dit parce qu’on pensait que le métal imparfait pourrait se perfectionner et devenir or, ou roi des métaux » (Littré DLF).

    Le régule d’antimoine portait aussi le nom de régule de Mars étoilé (pages 125‑126) :

    « Étant la portion de l’antimoine la plus épurée, c’est avec raison qu’on en fait tant de cas dans la chimie.

    Elle le fait ordinairement avec deux parties d’antimoine, la moitié de sel nitre et tartre cru, avec de la poudre de charbon. Le tout, pulvérisé, se jette peu à peu dans un creuset rouge, {a} où il se fond tant que la matière la plus claire se précipite en une masse séparée des scories et fèces qui l’environnent ; on la retire lorsqu’elle est refroidie, après avoir brisé le creuset, et il s’en forme des balles pareilles à celles de plomb, appelées pilules sempiternelles pource qu’étant prises par la bouche, elles font vomir et purgent avec violence par bas, sans se consumer ni perdre rien de leur volume ou pesanteur, non plus que de leurs vertus qui se peuvent employer utilement à une infinité de personnes, pourvu qu’elles soient robustes et de forte habitude ; telle qu’ont les soldats et ces sortes de gens qui vivent dans les armées, pour la commodité desquels ce remède se peut tolérer, mais non pour en user différemment.

    Et comme les chimistes font principalement cas du soufre d’antimoine, outre la manière que nous avons ci-devant enseignée, ils le tirent encore des matières qui restent alentour de leur régule préparé comme dessus : ils les triturent en un vaisseau à part, les lavent diverses fois avec eau de pluie tiède, qu’ils filtrent au papier gris {b} pour la rendre claire ; puis jettent sur cette eau ainsi clarifiée du vinaigre distillé, lequel fait précipiter ce soufre d’antimoine, qu’ils adoucissent par différentes lotions ; après lesquelles étant desséchées, ils en font un cas non pareil pour les asthmes et affections de poumon invétérées ; faisant d’ailleurs assez voir par ces expériences sensibles que ce n’est point tant la substance sulfurée ou arsenicale qui est la cause des vertus vomitive et purgative de l’antimoine, que toute sa forme substantielle, puisque le régule, qui est un des plus violents purgatifs qu’il nous fournisse, ne laisse pas d’avoir ces deux vertus en degré éminent, bien qu’il soit dépouillé presque entièrement de son soufre, qui se trouve incorporé avec les restes du sel nitre et du tartre qui ont servi, le premier, à lui donner feu, et l’autre à le précipiter en régule. »


    1. Creuset : « petit vaisseau de terre cuite et fort sèche, qui sert aux orfèvres et aux chimistes pour fondre et calciner l’or, l’argent et les métaux. Il est fait en forme de cône renversé » (Furetière) ; image Medica.

    2. Papier filtre, autrement appelé papier brouillard (buvard).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Observations de Guy Patin et Charles Guillemeau sur les us et abus des apothicaires (1648) : ii, note 9.

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(Consulté le 29/03/2024)

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