Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 6 manuscrit, note 9.
Note [9]

« Faisons-en l’essai sur cette âme abjecte ; […] Existe-t-il au monde une âme si abjecte que le Christ ne l’ait rachetée de son sang ? »

Le renvoi à la Prosopographie d’Antoine Du Verdier {a} est ajouté dans la marge. Cette anecdote y est contée différemment à la page 2542, livre huitième (tome troisième, Lyon 1603) :

« Marc-Antoine Muret, citoyen romain natif {b} en Limousin, grand orateur et poète, ainsi que ses œuvres en témoignent, était cousin de Jean Dorat, poète du roi. {c} Après avoir donné à la France l’odeur de son érudition et espérance de grand fruit, fut accusé d’une abomination, dont il fut prisonnier au Châtelet à Paris, et tenu fort étroitement dans un cachot. Là, sentant le ver de la conscience et craignant une mort honteuse, encore qu’il devait davantage craindre le jugement de Dieu et la mort éternelle, il se délibère de se laisser mourir de faim. Dorat me le contant, disait < que > les Grecs appellent cela αποκαρτερειν ; {d} toutefois, Dieu eut pitié de son âme et ne le voulut perdre. Ses amis s’employèrent ; son savoir et l’espérance qu’on avait qu’il ferait quelque fruit et se repentirait fi<ren>t qu’on trouva moyen de l’ôter de là, mais il lui faillit {e} abandonner le royaume. Il prend son chemin en Italie où, étant en une ville de Lombardie, il tomba malade. Il était assez mal vêtu pource qu’il s’était déguisé ; avec cela, il avait un visage assez grossier, couperosé ; tellement qu’on n’eût jamais jugé que ce corps, dans ces haillons, eût logé un si bel esprit. Il fait appeler le médecin ; ce médecin l’ayant quelque peu traité, trouvant sa maladie douteuse, dit qu’il fallait consulter avec un autre ; un autre vient, ils consultent librement en sa présence et en latin, pource qu’ils n’eussent cru que < ce > Français eût entendu latin, étant si mal en conche. {f} Il ne perdait pas un seul mot de ce qu’ils disaient. Après avoir longtemps débattu sur un remède non usité, l’un se met à dire, faciamus periculum in corpore vili ; {g} et prennent cette résolution de faire une expérience sur ce corps abject. Le congé pris par les médecins, avec quelques promesses d’un bon remède, et lui ayant donné l’ordre de son régime, le compagnon, {h} qui savait bien autant du latin comme eux, se lève, paye son hôte et s’en va. Ayant fait quelques lieues, l’appréhension de se mettre entre les mains des médecins le guérit. »


  1. V. notule {a}, note [59] du Borboniana 4 manuscrit.

  2. Sic pour « né » ; v. note [31], lettre 97, pour Marc-Antoine Muret, mort en 1585.

  3. V. note [30] du Borboniana 7 manuscrit pour Jean Dorat, professeur royal de poésie grecque.

  4. Apokarterein : se laisser mourir (de faim) ; faire la grève de la faim, dans la langue moderne.

  5. Archaïsme pour « fallut ».

  6. Conche : « vieux mot qui signifiait autrefois, la bonne ou mauvaise fortune de quelqu’un » (Furetière).

  7. « Faisons-en l’essai sur ce corps abject ».

  8. Muret, à qui les médecins avaient prescrit leur traitement.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 6 manuscrit, note 9.

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(Consulté le 19/04/2024)

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