Pièces liminaires
Sign. * 4

j’ai suivi l’opinion de Galien, qui considère qu’après la description des muscles, il faut traiter l’anatomie des veines, des artères, des nerfs et enfin des viscères. Toutefois, il ne serait pas déraisonnable, surtout pour un débutant en cette science, de vouloir approfondir la connaissance des viscères en même temps que la distribution des vaisseaux, comme dans le Résumé que j’ai conçu comme un guide pour ces livres-ci et comme un sommaire de ce qui y est démontré : le fils de Votre Majesté, le Sérénissime Prince Philippe, exemple vivant des vertus paternelles (*sur qui sont fondés les plus grands espoirs de voir se réaliser tout ce qu'on peut souhaiter pour le meilleur équilibre du monde entier*)[19], l'a honoré de sa magnificence et protégé de son autorité. Il me revient ici l’opinion de certains qui condamnent catégoriquement le fait de proposer à ceux qui étudient les choses de la nature des dessins, si excellents soient-ils, non seulement de plantes, mais aussi des parties du corps humain, sous prétexte qu'il faut apprendre ces matières, non d’après des reproductions, mais par une dissection soignée et par une observation directe[20]. Je serais assurément de leur avis si j'avais joint à la trame de l'exposé ces images des parties du corps absolument vraies - puissent les imprimeurs ne jamais les altérer ! ‑, afin d'encourager les étudiants à se fier à elles et à se détourner de la dissection de cadavres, et si je n'exhortais pas plutôt, avec Galien, et par tous les moyens, les candidats médecins à disséquer de leurs propres mains ? Assurément, si la coutume des anciens, qui formaient leurs élèves à domicile à la pratique des dissections comme à l'écriture de l’alphabet et à la lecture, avait été maintenue jusqu’à nos jours, nous nous passerions facilement de figures et même de tout commentaire, je l'accorde, comme les anciens eux-mêmes, qui ne commencèrent à écrire sur les procédures anatomiques que le jour où ils estimèrent qu'il était juste de communiquer leur art non seulement à leurs fils, mais aussi aux étrangers à leur famille qu’ils accueillaient en raison de leurs mérites. Dès que leurs fils perdirent l’habitude de s'exercer aux dissections, ils en arrivèrent nécessairement à ne plus bien connaître l’Anatomie, puisque sa pratique, qui commençait habituellement pendant l’enfance, était supprimée. C’est ainsi que cet art, sorti de la famille des Asclépiades, déclina pendant plusieurs siècles et qu'on eut alors besoin de livres pour conserver ses théories intactes. Il n'est personne qui n'ait expérimenté, en géométrie comme dans les autres disciplines mathématiques, combien grande est l'aide apportée par les images pour comprendre ces matières, car elles placent l'objet sous les yeux avec plus de précision que le discours le plus détaillé ; *en outre, nos images des parties du corps donneront beaucoup de plaisir à ceux qui n’ont pas toujours l’occasion de voir disséquer un corps humain, ou, s’ils l’ont, qui sont d'une nature si délicate et si peu appropriée au médecin qu'en dépit de leur vif désir d'acquérir une parfaite connaissance de l’homme, qui est le plus grand témoignage (s’il en est) de la sagesse du Créateur de toutes choses, ils ne peuvent se déterminer à assister un jour à une dissection*[21]. Quoi qu’il en soit, dans l'ensemble de l'ouvrage, je n'ai recherché qu' un seul but : être utile au plus grand nombre possible, dans un travail très difficile et non moins ardu, en décrivant, de la manière la plus vraie et la plus complète possible, toute la fabrique du corps humain, qui est composé non pas de dix ou de douze parties (comme il apparaît à première vue), mais de plus de mille différentes ; en expliquant les livres de Galien qui ont été conservés jusqu’à nos jours pour la postérité et qui, parmi les autres monuments de ce maître, requièrent l’aide d’un précepteur, je peux apporter une aide non négligeable aux candidats en médecine. Il ne m’échappe pas qu’en raison de mon âge (je n’ai pas vingt-huit ans révolus), mon essai aura peu d’autorité et que les dénonciations fréquentes des théories fausses de Galien ne le mettront pas à l’abri des attaques de ceux qui* n’ont pas assisté à mes cours d’Anatomie ou qui n’ont pas fait eux-mêmes de dissections ; et de prime abord, ils pourraient inventer toute sortes d'arguments pour assurer la défense de Galien*[22], à moins que mon essai ne paraisse au grand jour sous des auspices favorables, recommandé, comme c'est l'usage, par le haut patronage de quelque esprit supérieur. Mais puisque aucun nom plus grand que le nom immortel du divin Charles, Empereur invincible et très grand, ne peut lui assurer de protection plus sûre, de marque honorifique plus éclatante, je viens très respectueusement supplier et prier encore et encore Votre Impériale Majesté[23] de permettre que cet ouvrage de jeunesse, en dépit de ses défauts dus à de nombreuses raisons et causes, puisse être mis entre les mains des hommes sous votre protection, recommandé par votre éclat et votre patronage, jusqu’à ce que l'expérience et l’âge ayant mûri mon jugement et mon savoir, je puisse le rendre plus digne d’un Prince très grand et très bon[24], ou que je puisse lui offrir une nouvelle œuvre, qui ne soit pas méprisable, portant sur un sujet tiré de notre art. Je suppose toutefois que, de toute la science d’Apollon, et de toute la philosophie de la nature, rien ne peut être plus agréable à Votre Majesté ou recevoir d’Elle un meilleur accueil qu'une description qui nous fasse connaître le corps et l'esprit, et à partir de leur union, la puissance divine, et enfin ce que nous sommes nous-mêmes (ce qui est réellement le propre de l’homme). Et je déduis cela de plusieurs arguments, en particulier du fait que dans le grand nombre de livres dédiés au très grand Empereur des Romains, Maximilien, votre aïeul d’heureuse mémoire, aucun ne lui fut jamais plus agréable qu’un petit livre sur le sujet traité ici[25]. Et je n’oublierai jamais avec quel plaisir vous avez contemplé mes Tables Anatomiques ni avec quelle curiosité vous avez posé des questions sur chacune d'elles, lorsque mon père, André, premier pharmacien de Votre Majesté, et très dévoué à Elle, vous les a un jour présentées pour que vous les voyiez. Pour ne rien dire de l’intérêt incroyable que vous portez à toutes les disciplines, surtout aux mathématiques, et en particulier à la science qui traite de l’univers et des astres, dont l'expérience, chez un si grand héros, est admirable. À tel point qu’il est impossible

×Suppression du texte de la parenthèse dans la Préface de 1555.
×Cf. note 17 supra.
×Suppression du passage * * en 1555.
×Modification du passage en 1555, avec une attaque à peine déguisée contre J. Dubois : qui, *perinde ac nos in Italicis scholis, Anatomen sedulo non sunt aggressi, quosque iam senes inuidia ob iuuenum recte inuenta tabescentes, pudebit cum cæteris Galenum subsecutis, hactenus cæcutiuisse, eaque quæ modo proponimus, etsi magnum sibi in arte nomen arrogent, non animaduertisse*, nisi (« ceux qui ne se sont pas appliqués sérieusement à l'anatomie, comme nous l'avons fait dans les écoles en Italie, et qui déjà vieux sont rongés par l'envie devant les bonnes découvertes des jeunes gens, et qui rougiront avec tous les autres disciples de Galien d'avoir vu trouble jusqu'à présent, et de n'avoir pas remarqué, en dépit du grand nom qu'ils s'arrogent dans l'art, ce que nous mettons devant leurs yeux »).
×Formules allégées en 1555. L'empereur envisageait déjà d'abdiquer en faveur de son fils.
×Summus et optimus sont les épithètes traditionnelles de Jupiter.
×Voir introduction.