Livre I
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organe[8], sans oublier les os qui tirent leur nom de leur forme en charnière, comme les vertèbres du dos, ceux qui ressemblent à des clous, comme les dents que les Grecs appellent gomphoi[9]; ceux enfin qui ont une forme intermédiaire entre un gros pois et un pois chiche, comme les deux osselets du pied placés à l’avant de la première phalange du gros orteil ; les os de ce genre qui se différencient par leur forme sont très nombreux et celui à qui les os seraient encore inconnus, ne pourrait les reconnaître.Différenciation à partir des appendices, processus, têtes, Pour la même raison, les configurations de processus, d’appendices, d’extrémités, de « sourcils », de parties concaves et convexes ne doivent pas être recensées maintenant, et on ne peut en déduire aucune différenciation entre les os, puisque je n’ai pas encore expliqué ce que j’appelle processus, appendice et autres parties de cet ordre, et que je traiterai nécessairement cette question dans le troisième chapitre.à partir des jointures des os, De même, on ne peut pas établir de différenciation entre les os à partir des aspects de leurs commissures si celles-ci n’ont pas été expliquées à fond auparavant. Le quatrième chapitre témoignera de leur nombre très élevé et de la difficulté à les reconnaître.à partir du cartilage, On ne comprendrait pas davantage les différenciations établies à partir du cartilage tant que la nature du cartilage n’aura pas été exposée. C’est évident : tant que le cartilage est inconnu, il est difficile de comprendre quels sont les os dépourvus de cartilage, comme les os pariétaux, ceux qui sont recouverts de cartilage sur toute leur surface, comme certains os du carpe, ou seulement en partie, comme le fémur, et ceux qui se terminent en cartilage, comme les os du nez, les côtes, l’os de la poitrine.à partir de la substance et de la constitution des os. Nous reporterons donc ces différenciations aux chapitres où elles seront en situation, et nous ajouterons maintenant à notre exposé celles qui dépendent de la substance et de la constitution des os. Certains os sont en effet entièrement compacts[10], et même s’ils ont été brisés d’une façon ou d’une autre, ils apparaissent dépourvus de petites cavités ou sinus internes : par exemple, les deux os du nez, un tout petit os dans la région des yeux, qui sera compté comme le deuxième os du maxillaire, ceux comparables en dimension aux grains de sésame, et les deux petits os spécifiques à l’organe de l’audition. Aucun de ces os ne montre une quelconque cavité interne, sauf s’ils sont devenus secs par le temps[11]. D’autres paraissent compacts extérieurement, comme s’ils étaient recouverts par une croûte continue ou par une mince lame, mais quand on les brise, certains apparaissent à l’intérieur pleins de petites cavités et de sinus ressemblant tout à fait aux trous d’une éponge très compacte ou d’une pierre ponce très légère, ayant l’aspect d’un champignon : par exemple, parmi les petits os, on comptera les os du carpe et du tarse, et parmi les grands, le sacrum, les corps vertébraux, l’os de la poitrine, le calcaneum, le talus, et enfin les os pariétaux. Outre ces petites cavités disposées sans ordre et sans alignement, d’autres os présentent une grande et profonde cavité interne, entourée à chaque extrémité par de la matière osseuse très compacte et très solide, et parcourue comme par des lignes osseuses. Les os qui présentent cette cavité n’en ont généralement qu’une seule. Parmi les petits os de cette espèce, se trouvent les os du pied, du métacarpe et ceux des doigts, en particulier la première et la deuxième phalange,De l’utilité des parties, livre 1, et Commentaires sur les Fractures d’Hippocrate, livre 2. bien que Galien, le plus éminent des professeurs d’anatomie, ait cru que les os des doigts étaient compacts. Par ailleurs, de grands os sont également dotés d’une cavité de ce genre : le fémur, le tibia, l’humérus, la mandibule, le quatrième os du maxillaire, l’os frontal, les os temporaux et la plupart du temps l’os sphénoïde. Quant aux dents, qui sont de toute évidence les plus durs de tous les os, elles présentent également une cavité de ce genre, mais sont dépourvues de ces petites cavités dont j’ai parlé précédemment et qui ressemblent à celles de la pierre ponce. Ces grandes cavités internes comme la constitution de l’os qui ressemble à celle d’une pierre ponce ou d’un champignon desséché servent non seulement à alléger le poids de l’os

[Illustrations]

De même que les autres points traités dans ce chapitre, cette différenciation n'apparaît pas dans les figures mises au début de chacun des chapitres consacrés à la description d'un os en particulier ; aussi, avons-nous placé ici une figure d'une moitié de l’os du bras, ou de l'humérus (pour parler comme Celse) qui a été coupé longitudinalement, et qui est articulé par sa tête avec la scapula ; la figure montre les petites cavités qui ressemblent à celles dans la pierre ponce et qui sont indiquées par A ; l'écaille qui recouvre ces petites cavités est annotée par B. C est inscrit sur une portion de la surface externe de cet os, ici bien visible. D signale une grande cavité entourée de chaque côté par la partie le plus compacte et la plus dense de l’os, annotée par E sur un côté et F de l’autre côté ; cette cavité s’étend sur toute la longueur de l’humérus. À son sommet, là où un G est placé, et à sa base, là où on voit un H, on rencontre des lignes osseuses qui, en s’entrelaçant, maintiennent la moelle dans cette cavité. Sous l’humérus, nous avons dessiné l’os naviculaire, qui devra être représenté dans la onzième planche du trente-troisième chapitre, ici coupé par le milieu en deux parties respectivement marquées I et K, de sorte que la substance de l’os constituée comme une pierre ponce apparaisse nettement. Sur chacun des côtés, un L signale la substance caverneuse ou spongieuse de cet os. M désigne l'écaille qui constitue la surface externe de l’os et qui recouvre cette substance spongieuse. Outre l’humérus, nous avons dessiné un des petits os joints à l’articulation de la première phalange du pouce du pied [hallux], qui seront indiqués par ω et ψ dans la deuxième planche du trente-troisième chapitre. Nous l’avons divisé exactement par le milieu, ici marqué par N, de sorte qu’on puisse voir ainsi que l’os est absolument compact et dépourvu de petites cavités.

×Nous avons maintenu la très longue phrase avec la série d’interrogations dans le discours indirect libre en français, pour garder l’oralité du texte descriptif latin. Les distinctions à partir de la forme sont l’occasion de renouveler une nomenclature traditionnelle par le jeu de l'étymologie et des images visuelles. Cf. J. Vons et S. Velut, A. Vésale. Résumé de ses livres sur la Fabrique du corps humain, Paris, Les Belles Lettres, 2008, p. 118-119. Voir aussi les notes des chapitres décrivant les os individuellement.
×C'est-à-dire « clous » ou « chevilles » en grec.
×Développement de plusieurs passages de Galien portant sur la distinction entre os compacts et poreux, cf. De ossibus Ia 733 (éd. I. Garofalo et A. Debru, Paris, 2005, p. 39).
×Allusion possible à l’ostéoporose ?