Livre I
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afin de faciliter le mouvement, mais aussi à maintenir la moelle qui est leur nourriture spécifique, ou à contenir l’air qui leur est propre ou tout autre substance particulière en plus de la moelle, par exemple dans l’os frontal ou les os pariétaux.Différenciation à partir des cavités médullaires, La moelle ne se trouve pas seulement dans les grandes cavités des os, comme on pourrait le penser ; les petites cavités spongieuses ne sont pas moins « farcies »[12] de moelle que les grandes. Je montrerai clairement dans la description de chaque os en particulier que les cavités et la densité osseuse sont très justement réparties entre tous les os, en rapport avec leur degré de légèreté, de force ou de dureté, ou en fonction de leur utilité pour tel ou tel organe des sens.à partir des foramina des os, En plus des très nombreux sinus et petites cavités internes, certains os sont aussi percés de grands foramina, comme l’os occipital et les vertèbres, par où passe la moelle spinale ; les os du pubis ont un foramen plus grand que tous les autres, pour être plus légers. D’autres, comme la plupart des os de la tête et du maxillaire, sont percés de petits foramina qui donnent passage aux veines, aux nerfs et aux artères ; l’os qui sera compté comme le huitième os de la tête est perforé de tout petits foramina, comme un crible, sans doute pour laisser passer les odeurs. Il y a des os pour lesquels aucun foramen ne peut être discerné par les sens sur leur surface externe, par exemple, les os du carpe, les dents et beaucoup de phalanges. Mais beaucoup d’os ont de tout petits foramina visibles sur leur surface externe : ils ne pénètrent pas totalement dans l’os, mais ils permettent le passage des veines et des artères qui entrent dans les os épais. On rencontre des foramina de ce genre dans le calcaneum, le talus, le sacrum, les corps des grandes vertèbres : vu leur épaisseur, ces os peuvent ainsi se nourrir plus facilement que par des vaisseaux qui ne feraient que parcourir leur surface.à partir de la sensibilité, La différenciation à partir de la sensibilité est peu importante. Nous pensons en effet que les dents sont dotées de sensibilité mais que tous les autres os en sont dépourvus. Cependant, priver les os de sensibilité demande une certaine audace, car des médecins très éminents disent que les os sont affectés par la douleur au cours de traitements chirurgicaux ; ils n’ignorent cependant pas que presque tous les os sont recouverts d’une membrane, que les Grecs ont appelée périoste [qui recouvre l’os] : c’est à cause de cette membrane que certains ont cru que les os ont la faculté de ressentir (du moins s'ils ressentent quelque chose).à partir de leur « couverture », En outre, sauf les dents qui seules sont découvertes sur toute la surface dépassant de la gencive, tous les autres os sont entièrement recouverts et demeurent cachés tant qu’on n’a pas ouvert le corps.à partir de la membrane recouvrant les os [périoste]. La partie des dents qui dépasse de la gencive est dépourvue de la membrane qui recouvre les os, de même que la surface interne de la boîte crânienne, qui contient le cerveau, et qui est tapissée d’une dure membrane protégeant le cerveau, alors que la membrane dont nous avons parlé [périoste] recouvre tous les autres os, à l’exception des surfaces par lesquels les os s’articulent ou se joignent entre eux de différentes façons.

Chapitre II. La nature du cartilage. Sa fonction et sa caractéristique

Nature du cartilage. Le cartilage est moins dur que l’os ; toutefois, il est de la nature de la terre[13] et, après l’os, il est l’élément le plus dur ; en outre, il est compact et ne contient aucun des foramina et petites cavités qui caractérisent l’os ; il est dépourvu de sensibilité et de moelle.Fonction du cartilage commune avec celle des os. Les fonctions des cartilages sont très variées. Tout d’abord, ils ont la même fonction que les os, puisqu’ils sont en quelque sorte le support des parties adjacentes qui y prennent appui et qu’ils rendent plus fermes. Par exemple, les cartilages qui forment le larynx ont une fonction parfaitement identique à celle des os : certains muscles s’y insèrent, quelques-uns en sont originaires. Ces cartilages façonnent le larynx de la manière dont nous voyons des chaumières de paysans réalisées à l’aide de grands troncs d’arbres, avant qu’elles ne soient recouvertes de chaume, de brique et d’argile. Vraiment, l’assemblage d’os et de cartilages dans le corps humain, sans la chair, ne pourrait être mieux comparé qu’à la construction de huttes, déjà dressées, mais pas encore garnies de branchages ou de terre. Les cartilages remplissent encore la fonction des os, quand ils sont placés à des endroits dépourvus d’os, là où des muscles tentent de s’insérer ; c’est ce qui se passe pour les paupières et pour le nez. En effet, à l’extrémité des paupières se trouvent des cartilages ovales où s’insèrent les muscles moteurs des paupières ; les ailes du nez sont également formées de cartilages qui reçoivent l’insertion de muscles, au même titre que les os ; en outre, les cartilages des ailes, unis à d’autres cartilages issus des os du nez, soutiennent parfaitement la pointe du nez et la maintiennent droit, aussi bien que le feraient des os.Le cartilage se dilate et se contracte plus facilement que l’os. Les os des côtes se prolongent en cartilages dont la fonction est dans l’ensemble identique à celle des os, mais qui ont ici une fonction particulière supplémentaire : ils permettent à la cavité thoracique (qu’ils forment avec les os des côtes) de se dilater et de se contracter plus facilement que s’ils étaient aussi rigides et aussi durs que les os. La fonction des cartilages de la trachée[14], qui ont l’aspect de notre C majuscule, ne diffère de celle des os que sur un point : outre le fait qu’ils servent parfaitement de support, et qu’ils remplissent les offices de l’os, leur composition équilibrée leur permet aussi

×Image peu anatomique mais expressive (le verbe scateo s’utilise habituellement dans un contexte culinaire).
×Voir Fabrica, chapitre 1.
×Τραχεῖα ἀρτηρία (dura arteria ou aspera arteria en latin), cf. Galien, De usu partium VII, 3 et 4. Jean Riolan parlera encore de « l’aspre artère », Œuvres anatomiques, Paris, D. Moreau, 1628-1629, p. 559.