Livre I
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de se dilater et de se contracter, contrairement à l’os.Fonction du cartilage dans les articulations[15]. Ajoutez encore une autre fonction des cartilages, et non des moindres : grâce à leur présence, les os risquent moins de s’abîmer par frottement lors de leurs mouvements continus et constants. En effet, les jointures osseuses faites pour le mouvement se briseraient au moindre effort si les os étaient directement mis en contact entre eux, parce qu’ils sont de nature sèche, et si chacun des deux os joints n’était revêtu, sur toute la surface de contact qui forme l’articulation, d’une croûte cartilagineuse qui les sépare, et si ce cartilage, grâce à l’équilibre entre dureté et mollesse, ne résistait pas au heurt des os, et n’absorbait pas avec douceur le choc de leur contact. Non seulement le cartilage aide à diminuer l’usure des os due à leur frottement pendant leur contact mutuel, mais il a une surface lisse et polie pour que la tête de l’os puisse tourner très facilement dans la cavité qui lui correspond, et pour qu’aucune rugosité n’entrave l’aisance du mouvement ; ce dernier est encore facilité par une humeur visqueuse et lubrifiante, semblable à la graisse dont nous enduisons de petites poulies pour faciliter le glissement en retour des cordes.Un troisième cartilage se rencontre dans certaines articulations. Le Créateur des choses a prévu, dans sa sagesse, que le cartilage aurait une fonction dans les articulations ; aussi n’a-t-il pas seulement revêtu l’endroit où les os se touchent mutuellement d’une croûte cartilagineuse lisse et lubrifiante, comme nous l’avons dit, mais, dans quelques articulations, il a disposé un troisième cartilage, en plus des précédents. Ce cartilage n'est joint à aucun autre cartilage, mais seulement aux ligaments membraneux de l’articulation, il les entoure et forme une espèce d’intermédiaire entre les cartilages qui recouvrent les os. De chaque côté [de l’articulation], à l’endroit où il se trouve au milieu des autres cartilages, il présente un aspect lisse, lubrifié à cause du liquide visqueux dont il est enduit, et est beaucoup plus mou que les cartilages qui sont attachés aux os. Un cartilage de ce genre se trouve dans l’articulation de la mandibule avec le maxillaire, comme je l’indiquerai dans le chapitre approprié, un autre sépare l’articulation de l’os de la poitrine [sternum] et de la clavicule, d’autres se trouvent à la jointure de la clavicule avec l’acromion, de l’ulna avec le carpe, du tibia avec le fémur ; dans cette dernière articulation, les cartilages de ce genre augmentent considérablement la profondeur des cavités qui reçoivent les têtes du fémur, ceci grâce à la grande prévoyance de la Nature.Livre 2 des Procédures anatomiques . Les seuls cartilages de ce genre que Galien semble avoir remarqués sont ceux que j’ai mentionnés comme étant propres à l’articulation du genou ; et encore, il ne les mentionne qu’une seule fois, sous le nom de ligaments, et seulement en passant. Les médecins arabes les connaissaient davantage ; on peut du moins le déduire du fait qu’en enseignant le squelette ils ont écrit que tous les os se touchent, sauf ceux séparés par un petit intervalle où interviennent des Laguahic ou (pour employer un mot plus juste) des Luhach, qui séparent quelquefois les jointures, comprenant par ce mot un cartilage de ce genre qui, par sa mollesse, se différencie peu de la nature d’un ligament. Mais je n’ai trouvé jusqu’à ce jour aucun Arabe qui ait enseigné dans quelles parties se trouvent ces cartilages. En voilà assez pour la fonction du cartilage de ce genre dans les articulations.Le cartilage agglutinant. À cela s’ajoute le fait que dans la plupart des jointures osseuses qui n’ont pas été instituées pour le mouvement, intervient un cartilage qui ressemble à de la glu : nous l’observons dans la jointure des os du pubis, et, dans des cadavres de jeunes enfants, dans l’union des appendices avec le reste de l’os. Mais nous reviendrons nécessairement sur la nature du cartilage agglutinant lorsque nous traiterons des différences entre les jointures des os et lorsque le moment viendra de les étudier à fond, pour expliquer les luxations.Le cartilage comme composant de la substance du ligament. De même, nous traiterons dans l’exposé consacré aux ligaments d’une espèce de cartilage qui, comme nous l’enseignerons, entre quelquefois dans la formation de ligaments cartilagineux. On trouve des cartilages de ce genre dans la jointure des vertèbres, dans l’articulation de la hanche, et dans le genou.Le cartilage « dresseur ». Pour le moment donc, il a suffi d’expliquer rapidement la nature du cartilage ; on rapporterait encore opportunément le fait que certains cartilages ont été fabriqués dans le but d’affermir ce qui doit continuellement être maintenu droit. Les cartilages des paupières [tarses palpébraux] appartiennent à cette espèce, ils ont été appelés tarsoi, parce que, grâce à eux, les cils ou poils des paupières se tiennent droit, sans tomber comme les autres poils, comme des arbres qui s’enracinent plus fermement dans un sol aride et dur ; de la même façon, nous voyons les rames des grands navires se dresser à leur emplacement et s’élever hors de l’eau lorsqu’elles ne servent pas[16].Les cartilages attachés à des parties saillantes. En outre, le Créateur a ajouté du cartilage à toutes les petites parties du corps nues et saillantes, ainsi qu’aux extrémités des os qui ne sont pas articulées avec un autre os, assurément pour que leur substance fût telle qu’elle ne pouvait être brisée, à cause de sa mollesse, ni déchirée, à cause de sa siccité. Quant au fait que ce cartilage soit formé de la même substance que les ongles, ce sont les enfants qui nous l’enseignent, quand ils découpent un gros morceau de cartilage de poisson ou d’un veau nouveau-né, en formant une boule et en y introduisant une pierre, pour le voir rebondir très haut et très souvent. En effet, cette faculté de rebondir caractérise la nature équilibrée [entre souplesse et dureté] du cartilage ; par exemple quand on essaie de couper la surface d’un cartilage ou d’y enfoncer la pointe d’un couteau, elle se dérobe. Au nombre des cartilages qui sont contigus aux parties nues du corps, vous observerez les cartilages du nez, celui, effilé comme une pointe de glaive, qui prolonge l’os de la poitrine, les cartilages des fausses côtes et celui qui prolonge la terminaison de l’os du coccyx ; le cartilage de l’oreille, qui est fin, mou et recouvert par la peau, soutient admirablement le corps de l’oreille, comme le ferait un os.Les variétés de cartilages. Par ailleurs, ces variétés de fonctions expliquent aussi les variétés de cartilages, mais il ne convient pas de les décrire plus longuement ici, pas davantage que leurs formes, d’autant plus qu’ils seront décrits individuellement, lorsque nous étudierons les cartilages et les os un par un. Toutefois, on pourrait encore ajouter ici que dans les corps de jeunes enfants,

×Sur la fonction du cartilage dans les articulations, cf. Galien, De usu partium I, 15 (à propos des articulations des doigts). Galien ne mentionne pas le 3e cartilage décrit ci-dessous par Vésale.
×Cf. Galien, De usu partium XI, 14. Vésale résume fortement un développement finaliste de Galien, en gardant l’image de l’arbre enraciné dans un terrain sec et en ajoutant celle des rames de navire.