Livre I
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Les mots qui désignent les parties et les surfaces des os sont variés[18]. L’abondance de mots et l’usage différent qui en est fait d’un auteur à l’autre, et souvent par le même auteur, rendent la description des choses difficile ; mais il n’existe aucune liste de vocables aussi variée et contradictoire que celle indiquant les parties et les surfaces des os, et cependant on en a continuellement besoin dans la description des os. Puisque je veux réserver pour le chapitre suivant les appellations variées qui désignent différentes figures de jointures osseuses, je ne vais donner ici que les termes suivants : kôlon, épiphusis, apophusis, korônè et korônis, kephalè et kephalaion, arthron, kondulos, trachélos, auchè, kotulè, kotulèdôn, oxubaphron, glenè, itues, ophrues, cheilè, ambôn, bathmis ; et il y a encore beaucoup d’autres mots de ce genre, qui sont des noms grecs. Mais les Latins, même s’ils disposent de quelques noms proprement latins, se trouvent devant tant de myriades de noms [grecs], à cause de la paresse des traducteurs, qu'il faudra prendre les noms grecs un par un et ajouter une explication sur le sens qu’il avait chez les Anciens qui enseignaient chez eux l’art de disséquer à leurs enfants, et décider enfin quel mot nous utiliserons nous-mêmes dans la suite de tout l’exposé.Kôlon, membre. C’est ainsi que le mot kôlon, que les traducteurs des Grecs emploient souvent en le rendant parfois par « articulation », quelquefois par « membre », ne convenait chez les Grecs que pour quatre membres, respectivement le bras, l’avant-bras, la cuisse, la jambe, et Galien ne semble nulle part avoir désigné une autre partie du corps par ce nom. Mais comme je n’utiliserai ce nom que rarement, sinon jamais, je considère qu’il est inutile de m’y attarder davantage.Épiphysis, appendice. L’épiphysis, que les Latins traduisent par « appendice », « ce qui est apposé à une jointure », « ce qui s’ajoute », « ajout », « ce qui prolonge » et par une quantité innombrable d’autres expressions, je l’appellerai toujours « appendice ». L’épiphyse ou appendice est un os prolongeant un autre os, avec un contour qui lui est propre, et ne fait pas vraiment partie de l’os auquel il est joint. On peut reconnaître la nature d’un appendice de ce genre toutes les fois qu’on apporte sur la table un morceau de veau, de chevreau, d’agneau ou de tout autre jeune animal. Après avoir détaché et nettoyé un fémur, un humérus, un tibia, un radius, un ulna ou tout autre os semblable aux précédents, nous constatons, après l’avoir assez vigoureusement secoué, qu’il en tombe pour ainsi dire un autre os : c’est ce qui a été appelé appendice. Nous ne pouvons le voir que chez de jeunes enfants ; avec l’âge, les appendices s’attachent si fermement à l’os qu’ils prolongent qu’ils ne peuvent en être détachés et qu’on discerne à peine la ligne de conjonction : aussi semblent-ils réellement faire partie de l’os. Mais chez les nouveau-nés, une grande portion de cartilage est visible entre l’appendice et l’os auquel il est attaché, et ce cartilage unit l’appendice et l’os comme une colle. Cette liaison ne se fait pas par des surfaces lissesaa Examinez les appendices du fémur dans la figure A. et planes : l’os auquel l’appendice est joint est plein de cavités et d’aspérités, auxquels s’adaptent les tubercules et les cavités de l’appendice, ce qui rend leur emboîtement mutuel plus solide. Cette jonctionbb entre G et A dans la figure insérée au chapitre 1. présente en outre un caractère particulier : on observe que l’os n’est dans aucune de ses parties plus mou, moins dur et moins solide que dans celle située près de la connexion. À cet endroit en effet, l’intérieur de l’os est toujours rempli de petites cavités comme celles d’une pierre ponce ou d’une éponge ; et même si l’os présente sur presque toute sa longueur une unique et grande cavité remplie de moelle, et même s’il est particulièrement dur et solide le long de cette unique cavité, celle-ci s’arrête néanmoins avant la jonction de l’os avec l’appendice, et l’os devient alors plus mou, et est rempli de petites cavités comme l’appendice lui- même.Les appendices ne sont pas les couvercles des cavités contenant la moelle. Galien, chapitre 22 de L’utilité des parties. Et cela est si bien fait que Galien a pu écrire que les appendices sont les couvercles des cavités contenant la moelle, comme si les petites cavités des appendices étaient dépourvues de moelle et comme si on ne trouvait pas d’appendices sur un grand nombre d’os dépourvus de cavités dans lesquelles la moelle est contenue sans se mêler aux fibres osseuses. En effet, les grands os articulés sur chaque côté du sacrum ne possèdent pas de cavité de ce genre, et il n’y a pas d’appendice joint à toute l’épinecc N.N. dans la figure D. de l’os iliaque, ni à toute la partie inférieure de l’os coxal. En revanche, les scapulae, presque entièrement dépourvues de moelled,d X, Y, E, K dans les fig. 1, 2 du chapitre 21. ont quatre appendices : deux à la base, un à la pointe du processus interne, et le quatrième au sommet de l’épaulee,e Q, R dans la fig. K. ce dernier ayant la particularité d’être formé de plusieurs petites parties. Enfin, même si les vertèbres du rachis sont dépourvues de cavités de ce genre, les corps vertébraux réclament cependant un appendice à leur partie supérieure et un à la partie inférieuref.f fig. 1, 2 du chap. 17 et figures A, B etc. [du chap. III] Et on trouve des appendices non seulement sur les corps vertébraux, mais aussi sur les extrémités pointues des épines et des processus transverses dans les vertèbres du thorax et des lombes. Et il y a encore un appendice placé à la racine des côtes à l’articulation avec les vertèbres, même si les côtes sont totalement dépourvues de grande cavité recevant la moelle.Il n’y a pas que les grands os qui aient des appendices. Les vertèbres et les dents des enfants, qui sont également pourvues d’appendices, montrent non seulement que les os dépourvus de cavité médullaire possèdent des appendices, mais sont aussi un argument pour prouver que la Nature n’a pas donné les appendices uniquement aux grands os, bien que d’éminents Anatomistes d’autrefois semblent avoir soutenu le contraire en écrivant que seuls les grands os avaient des appendices.Galien, Des os. En plus, parmi les os ayant une cavité de ce genre, le fémur est doté de quatre appendicesa :a les 4 L dans la fig. A et les 4 M dans la fig. B un à la tête par laquelle il s’articule avec l’os coxal, un autre à sa partie inférieure, là où il est joint au tibia, et un sur chacun des processus, que nous appelons trochanters. 

×La simplification volontaire de la terminologie et la revendication d’une nomenclature proprement latine sont des affirmations récurrentes de Vésale. Chacun des termes cités est méthodiquement repris dans la suite du texte, avec ses équivalents latins et les choix opérés par Vésale.