Livre I
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des Procédures anatomiques où il se cite non sans emphase[45], il énumère les agencements des os et enseigne que la suture, l’harmonie et la gomphose sont des formes de synarthrose, mais je n’ai pas suivi ses leçons. En effet, pour ma part, j’ai attribué à la synarthrose un mouvement obscur et peu apparent, et j’ai rappelé que la synarthrose et la diarthrose sont réalisées par les mêmes variétés et formes d’articulation[46]. Ensuite, je n’ai pas donné un mouvement obscur ou difficile à voir à la suture, à l’harmonie et à la gomphose, mais je ne leur ai attribué aucun mouvement, et je n’ai pas compris ces formes de connexion sous le nom d’articulation [mobile] comme Galien. Ce que lui-même n’aurait assurément pas dû faire, si en décrivant la structure du carpe, du métacarpe, du tarse, du métatarse et des cartilages des côtes unis au sternum dans les chapitres suivants, il n’avait pas voulu affirmer que ces os sont joints par synarthrose. En effet, en disant qu’ils sont unis par synarthrose, n’aurait-il pas dû remarquer alors qu’ils ne sont unis ni par suture ni par harmonie ni par gomphose ? Ce qui assurément aurait pu être, si sa définition de l’harmonie, de la suture et de la gomphose en tant que formes de synarthrose eût été correcte. Mais, en ce qui me concerne, n’importe qui sera libre de définir la synarthrose comme il l’entend, à condition de ne pas ignorer que la définition que Galien en donne dans presque tous ses autres livres diffère de celle qui figure au début du livre Des os, et que dans les chapitres XIII, XIX, XXI, XXIV de ce même livre, il exprime un avis en contradiction avec le début[47]. De plus, l’auteur de L’introduction ou du Médecin n’admet pas les leçons de Galien, et établit sa propre distinction dans les jointures osseuses : « Les jointures sont agencées soit pour le mouvement – et on appelle cet assemblage arthron ou articulation –, soit pour aucun mouvement –, et on les appelle alors synarthroses »[48]. Il compte dans cette dernière catégorie la suture, la gomphose et la symphyse. Mais avec ce raisonnement, le nom de synarthrose ne pourrait convenir à l’agencement des os du carpe et du métacarpe, du tarse et du métatarse, puisque ces os ne sont joints ni par suture, ni par gomphose, encore moins par symphyse. Je me suis encore plus écarté de la leçon de Galien, dans le passage où j’ai dit que toutes les jointures osseuses sont réalisées soit par le moyen d’un autre corps, soit sans rien, puisque Galien, dans le livre Des os, a attribué cette caractéristique à la seule symphyse et qu’il a compté la synneurose, la synsarcose et la synchondrose comme autant de formes de symphyses. La première raison pour laquelle je ne l’ai pas suivi m’a été donnée par son propos où il enseigne que les os spongieux et mous sont unis entre eux par symphyse, sans rien entre eux, mais que les os plus secs et plus denses sont reliés entre eux par plusieurs espèces d’intermédiaires. Or, je découvre que dans les os encore mous et tendres, les appendices sont unis à leurs os par l’intermédiaire d’un cartilage, mais que dans les os devenus durs et secs, et chez les vieillards, absolument rien n’intervient dans la symphyse. Ensuite, je n’ai pas encore rencontré de symphyse ou d’union telle qu’on puisse dire qu’elle a été formée avec l’aide d’un ligament, donc on ne peut inclure la synneurose dans la symphyse ; alors qu’aucune symphyse n’est formée avec l’aide d’un ligament, toutes les articulations [mobiles] sont rapprochées l’une de l’autre par un ligament qui tantôt les entoure sur leur circonférence (comme j’ai dit précédemment), tantôt est un intermédiaire dans le contact mutuel des os. En outre, quand je considère attentivement chaque cas individuellement, il s’en faut de beaucoup que j’aie rencontré une seule symphyse dont on puisse correctement dire qu’elle est formée à l’aide de chair. En effet, la chair n’intervient dans aucune jointure osseuse, sauf peut-être dans la connexion des dents avec les os maxillaires, mais cette dernière connexion est comptée pour une gomphose, non pour une symphyse, ceci en dépit du fait que les dents ne montrent aucun mouvement, en tout cas pas davantage que l’harmonie ou la suture. Mais c’est à l’aide de chair, c'est-à-dire de muscles, que presque toutes les articulations [mobiles] sont assemblées ; nous avons dit que cette jointure avait été appelée synsarcosis par les Anciens, mais personne ne pourrait la décrire comme une forme de symphyse.Chapitre 9. Et (pour enfin terminer ce chapitre), c’est un passage du second livre Des parties des animaux d’Aristote qui m’a engagé à me séparer plus nettement de Galien : Aristote affirme que les os sont réunis par des nerfs, de la chair et du cartilage, en généralisant très doctement cet assemblage à toutes les articulations osseuses. Pourtant, Galien passe outre délibérément sur cette opinion d’Aristote, quand, à la fin du second livre des Procédures anatomiques, oubliant ce qu’il avait enseigné dans le livre Des os, il résume les assemblages des os de manière brève mais assez correcte, et qu’il reprend en quelque sorte les mots d’Aristote.

Chapitre V. Explication de la structure de la tête. Toutes ses figures.
Index des cinq figures[49]

La première figure du cinquième chapitre représente une tête ou crâne à l’état naturel, en forme de sphère oblongue, avec de légères dépressions de chaque côté, et proéminente à l’avant et à l’arrière. La seconde figure représente une première tête qui n’est pas naturelle, dans laquelle a disparu l’éminence à l’avant. La troisième figure montre une deuxième tête non naturelle, dans laquelle l’éminence antérieure[50] est enlevée. La quatrième figure est celle d’une troisième tête non naturelle, sans éminence, ni à l’avant, ni à l’arrière. Dans la cinquième figure, nous avons représenté une quatrième tête non naturelle, dans laquelle les deux éminences se trouvent sur les côtés, mais ne sont ni à l’avant, ni à l’arrière de la tête.

×Galien, De anatomicis administrationibus I, 2 (il s’agit de la liste de ses ouvrages).
×Vésale distingue ici la structure (diarthrose ou synarthrose) liée au mouvement (évident ou peu apparent) et celle sans mouvement, les formes des différentes articulations et enfin leurs composants essentiels. Il se sépare de Galien en considérant que la symphyse est une forme d’articulation et non une variété de structure.
×Référence précise à l’édition préparée par Balamius, Galeni De ossibus, Romæ, in ædibus Antonii Bladi, 1535 [43 pages] et De ossibus ad tyrones, Ferdinando Balamio interprete, Parisiis, ex officina Christiani Wecheli sub scute Basiliensi, 1535 [46 pages], dont il sera question au chapitre 9 du livre I. Cf. J. Vons, « André Vésale et le traité de Galien De ossibus traduit par F. Balamius », in Lire les médecins grecs à la Renaissance, V. Boudon et G. Cobolet éd., Paris, BIUM-De Boccard, 2004, p. 272-282.
×Cf. Guinter d’Andernach, Claudii Galeni Pergameni Introductio seu Medicus. De sectis ad Medicinæ candidatos opusculum, Guinterio Ioanne Andernaco interprete, Parisiis, apud Simonem Colinæum, 1528, p. 19r.
×Cf. P. Huard et M. J. Imbault-Huart, André Vésale : iconographie anatomique (Fabrica, Epitome, Tabulae sex), Paris, 1980, p. 52. Selon Huard, ces cinq figures sont la première tentative de crâniologie anthropologique et ethnique. Mais il n’est pas exclu que Vésale ait inventé ici le dessin correspondant à la description des formes pathologiques (cf. ibid. p. 19).
×Erreur pour « éminence postérieure » par rapport au dessin. L’erreur subsiste dans l’édition de 1555. Il y a beaucoup d’erreurs typographiques dans ces quelques lignes.