Livre I
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il est certain que nous avons, nous aussi, observé ce fait ; mais il faut comparer cette division à une symphyse plutôt qu’à une forme de suture, puisqu’elle se réalise chez les petits enfants grâce à un cartilage, mais que chez les adultes on ne voit plus aucune trace de cette séparation. Aussi, on ne trouvera pas l’explication de ce genre de division ici, dans l’exposé sur les sutures, mais elle sera nécessairement donnée dans la description de l’os occipital.Les têtes sans sutures[73]. Quant au fait qu’Hérodote et beaucoup d’autres écrivent qu’on trouve en Perse des crânes qui n’ont aucune suture, et qu’Aristote lui-même raconte qu’à son époque fut trouvé un crâne sans sutures, cela ne m’étonne absolument pas, puisque chez les vieillards nous voyons seulement l’emplacement des sutures, et encore d’une manière très peu nette, sans aucune trace visible des sutures elles-mêmes.Les os des enfants, des vieillards et des adultes diffèrent les uns des autres. Il n’est pas du tout étonnant que les sutures croissent jusqu’à se souder chez les vieillards, puisque nous voyons que leurs vertèbres s’unissent et se soudent, et que nous remarquons que les sourcils et les processus de leurs os croissent tellement en-dehors que leurs os ne peuvent plus se mouvoir comme ils en avaient l’habitude. Même si je n’avais jamais découvert que les os des vieillards diffèrent de ceux des jeunes gens, et que ceux des jeunes gens diffèrent de ceux des enfants, je l’aurais sans nul doute appris lors de ma dernière dissection à Bologne, où les étudiants en médecine se sont empressés d’amener dans les écoles, outre un très grand nombre d’autres os, des os d’un nouveau-né, ceux d’un nonagénaire et des os d’adultes, tandis que je commentais le livre de Galien sur Les os avant de disséquer les muscles. Comme beaucoup d’étudiants se procuraient des os provenant de tombes cassées ou de cadavres des hôpitaux pour les examiner, il leur arrivait fréquemment de trouver, l’un des os de vieillard, un autre des os d’enfant, un autre des os d’adultes plus ou moins âgés, et de les apporter dans les écoles[74]. C’est donc ainsi (pour revenir à mon sujet) que nous en avons déduit que dans les os des jeunes enfants tout était léger, désuni, mou, et en majeure partie, cartilagineux et que leurs processus étaient à peine proéminents, et que beaucoup d’os qui sont considérés chez les adultes comme étant d’une seule pièce sont constitués de plusieurs parties chez les enfants : je n’hésiterai pas à ajouter ces observations à mon exposé sur chaque os en particulier par rapport aux fractures, luxations, entorses et pliures. Que cette connaissance soit importante ne fait aucun doute pour ceux qui, étudiant la vraie médecine, ont ouvert les livres d’Hippocrate, ni pour ceux qui ont appris par leur expérience quotidienne que chez les enfants les appendices osseux se luxent plus souvent que les articulations, ni pour ceux qui ont quelquefois préparé pour la dissection des corps présentant depuis la naissance des luxations ou d’autres affections osseuses.Les sutures des configurations non naturelles de la tête[75] Nous avons déjà recensé les trois sutures telles qu’elles se présentent le plus souvent dans la configuration de la tête selon la nature : quand le crâne est couché sur le côté, elles dessinent la forme de la lettre H, ou plus exactement celle d’un eta majuscule grec. Mais dans les formes de tête qui divergent de la structure naturelle, les sutures se présentent de la manière suivante. Lorsque l’éminence antérieure de la tête est absentea,a fig. 2 du chap. 5 la suture coronale n’existe pas ; celles qui subsistent sont la lambdoïde et la sagittale, cette dernière se poursuivant alors jusqu’au milieu des deux sourcils. Lorsque l’éminence postérieure fait défautb,b fig. 3 du chap. 5 la suture lambdoïde est perdue, alors que la suture coronale subsiste et que la suture sagittale se prolonge quelquefois en passant par le milieu de l’occiput jusqu’à la base du crâne. Aussi, si vous vous représentez une telle configuration d’un crâne couché sur l’occiput, l’image formée par les deux sutures restantes sera semblable à un Tau majuscule, tout comme les sutures de la première configuration non naturelle forment également un Tau, quand le crâne est couché sur l’inciput. Lorsque l’éminence postérieure et l’éminence antérieure sont toutes les deux tombéesc,c fig. 4 du chap. 5 les deux sutures visibles se coupent à angle droit et forment l’image d’un X. En effet, l’une d’elles se dirige transversalement d’une oreille à l’autre, en passant par le milieu de la tête, l’autre, partant du foramen [foramen magnum]dd e dans la fig. 6 creusé dans l’os occipital pour la moelle spinale, s’étend sur toute la longueur de la tête jusqu’au sommet du nez, à la manière de celle que nous appelons communément « sagittale ». Cette dernière est toujours conservée dans les trois premières figures de têtes différant de la tête naturelle. Au contraire, la perte des deux autres est fonction de la configuration de toute la tête. La cinquième configuration de têtee,e fig. 5 du chap. 5 à l’opposé de celle selon la nature, présente des sutures qui sont en complet désaccord avec la nature même ; en effet, la suture transversale, c’est à dire la suture coronale, s’avance sur toute la longueur de la tête tout comme la suture lambdoïde, alors que la suture sagittale, celle qui s’avance tout droit, est ici déportée sur le côté.Les conglutinations écailleuses des tempes. Mais orientons maintenant notre exposé vers les autres commissures de la tête. Tout d’abord, il existe deux lignesff F dans les fig. 3 et 4, et ΛΛ dans la fig. 6 pour ainsi dire équidistantes de la suture sagittale, s’étendant longitudinalement de chaque côté de la tête, au-dessus des oreilles. Elles commencentgg De C à G dans les fig. 3 et 4 à la partie inférieure de la suture lambdoïde, située à la base de l’occiput, là où on peut difficilement la comparer avec une vraie suture. De là, elles s’avancent plus ou moins en ligne droite, et montant rapidement vers le hauth,h De G à A via F et H dans les fig. 3 et 4 elles s’étirent en faisant une espèce de demi-cercle, en direction de l’extrémité de la suture coronale. Elles constituent la plus grande partie de deux grands os qui s’appuient l’un sur l’autre et qui sont joints ensemble, mais pas par une suture : au fur et à mesure que l’osii I dans la fig. 3 et K dans la fig. 4 descend du vertex, il s’amincit à la façon d’une écaille, et entre sous l’oskk N dans les fig. 1, 4 ascendant depuis les oreilles et qui s’amincit également en forme d’écaille : là où ils se joignent mutuellement, les deux os présentent chacun une sorte de surface rugueuse. Il en résulte que ni Hippocrate ni aucun de ceux qui ont soigneusement étudié la fabrique du corps n’ont jugé ces lignes dignes du nom de sutures, mais en raison de leur ressemblance avec des écailles ceux qui avaient la pratique de la dissection les ont appelées « conglutinations écailleuses».Les sutures de la tête sont également visibles sur la face interne du crâne. Il ne faut pas croire, d’après les fausses leçons de certains, que ces conglutinations soient moins apparentes que les trois sutures précédemment décrites sur la face interne de la cavité crânienne qui contient le cerveau et que c’est la raison pour laquelle elles ne méritent pas d’être appelées sutures.

×Cf. Hérodote, Historiæ IX, 83. A. Benedetti, Anatomice sive historia corporis humani […] rapporte le cas d'un crâne compact, sans sutures, qu'il a observé pendant une dissection à Padoue (Vidim [sic] in anatomices spectaculos calvariam solidam sive compagibus). De tels crânes sont dits « canins » (Ea capita canina dicuntur). Éd. consultée : Paris, H. Estienne, 1514, p. 40v.
×Allusion aux dissections faites à Bologne en janvier 1540. Cf. C. D. O’Malley, Andreas Vesalius, op. cit., 1964, p. 100. L’anecdote a disparu dans l’édition de 1555 (p. 33).
×Cf. Fabrica I , chapitre V.