Livre I
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Nous avons déjà amplement décrit plus haut les suturesaa O, P dans les fig. 3, 4, 5 et dans la fig. 8 en particulier qui délimitent l’os sphénoïde.Le sphénoïde. S’il y a un os extrêmement varié dans sa forme, c’est bien lui, aussi est-ce à juste titre que les Anciens l’ont appelé polymorphe[93], en raison de la multiplicité de ses formes. En effet, sur ses bords, dans les fosses temporales, il est fin et très compact, mais dans sa partie médiane et à la base de la tête [corps du sphénoïde], il apparaît comme le plus épais de tous les os du crâne, mais en grande partie creux à l’intérieur ; dans cette partie concaveb,b C, D, E, F, G dans la fig. 8 il présente deux grandes cavités [sinus sphénoïdaux], séparées par une cloison osseuse, dans la partie inférieure de laquelle on voit encore une petite fosse [fosse hypophysaire]. Ces sinus sont recouverts de tous côtés par une lame osseuse ; (pour employer une image) ils sont entièrement encerclés par de l’os, sans qu’on puisse y accéder sinon par les fosses nasales. En effet, les deux grands sinus communiquent chacun par un foramen avec les fosses nasales : au cours de la respiration, ce foramen recueille l’air de la cavité nasale en même temps qu’une espèce de moëlle molle. Je voudrais que vous prêtiez une attention d’autant plus grande à ces sinus dissimulés à l’intérieur de l’os sphénoïde, seulement visibles quand l’os a été cassé, qu’ils ont été réalisés avec un art admirable et qu’ils sont encore inconnus de ceux qui pratiquent l’anatomie. Et ils doivent être examinés avec d’autant plus de soin que Galien a laissé une description fausse de cet os, en affirmant qu’il est perforé à la façon d’un crible ou d’une éponge et qu’il laisse passer la pituite du cerveau.L’os sphénoïde n’est pas troué comme une éponge. Galien, Utilité des parties, livre 9. En effet, cet os n’est assurément pas percé de petits foramina de ce genre, mais il se présente à la vue comme un os continu et compact sur toute sa surface ; et puisqu’il n’a pas de petits trous de ce genre, il ne diffère en rien, ni en substance, ni en constitution, du talus, du calcaneum ou de n’importe quel autre os, recouvert sur la surface externe par une croûte, une lame osseuse continue, mais dont seule la surface interne présente un grand nombre de petites anfractuosités ressemblant à celles d’une pierre ponce très fine. Sur la face interne du crâne, là où l’os sphénoïde est épais, il est pourvu d’un sinus [fosse hypophysaire]cc M dans la fig. 6
d A dans la fig. 16 du livre VII
dans lequel la Nature a placé une glanded sur laquelle s’écoule la pituite. Depuis ce sinus, de fins conduits s’étendent latéralement et transportent la pituite. Il serait impossible, même si nous admettions que cet os était troué à la surface comme une éponge, que la pituite fût transportée à travers de tels petits trous. Mais il vaudra mieux poursuivre la description des conduits ou sinus taillés pour le passage de la pituite avec celle des foramina des os de la tête au douzième chapitre, et différer celle de la purgation de la pituite pour le septième Livre, qui sera consacré au cerveau ; dans ce chapitre-ci, il s’agit de transmettre surtout la connaissance nue des os. Bien plus, les processus du sphénoïde, que l’on voit sur la face interne du crâne de chaque côté du sinus susdit, seront plus intelligibles lorsque nous traiterons des sinus et des foramina de cet os.Les processus semblables à des ailes. Mais en plus des précédents, le sphénoïde a encore quatre processuseP, P dans les fig. 4, 5 et ensuite les chiffres 2, 3, 4, 5 sur la face exocrânienne, à la base du crâne ; il y en deux de chaque côté, proéminents comme des ailes de chauve-souris, d’où leur nom de ptérygoïdes en grec. Entre les deux ailes, on observe un sinus ou une cavité [incisure ptérygoïdienne], d’où naît un muscleff 6eplanche des muscles très fort qui, se dissimulant dans la bouche, tire la mandibule vers le haut [muscle ptérygoïdien médial]. Ces processus sont donc proéminents en vue de l’insertion de ce muscle, de telle sorte qu’ils lui fournissent une insertion commode et bien protégée par eux.Le huitième os de la tête [os ethmoïde]. Le huitième os de la têteg,g A, B, A dans la fig. 8 ; dans la fig. 6, en suivant η, Λ [L] et Ψ à la base de l’os frontal, est délimité par la suture qui le sépare de l’os frontal et du sphénoïde, et par cellehh g dans la fig. 1 du chap. 9 qui longe le bord inférieur du septum nasal et sépare cet os des os de la mâchoire supérieure [face], comme nous l’avons dit précédemment. Outre le fait qu’il se prolonge par un septum, cet os constitue le siège des organes olfactifsii C, D, E dans la fig. 12 du livre VII et est percé de nombreux foramina pour laisser passer les odeurs [lame cribrée], bien qu’il se présente à la vue comme étant d’une substance fine et compacte. Il développe dans la cavité crânienne un processus oblong [crista galli]kk η dans la fig. 6 qui joue le rôle d’une cloison entre les deux régions contenant les organes olfactifs, et sur lequel la partiell H dans la fig. 12 du livre VII de la dure membrane qui sépare la droite du cerveau de la gauche prend fermement appui [faux du cerveau]. Telle est la manière dont les os sont formés afin de constituer le domicile du cerveau[94].L’os superfétatoire dans la face interne du crâne chez le chien. Mais d’après le livre de Galien sur Les Os, on pourrait penser qu’on doit leur adjoindre un os supplémentaire, situé, croit-on, dans le cerveau. En effet, à la fin de ce livre, parmi d’autres os qui n’ont pas été décrits aux débutants en médecine, Galien semble compter aussi un os rencontré dans le cerveau[95] ; il s’agit peut-être d’un processus de l’os occipital que l’on peut observer chez les chiens, mais qui est beaucoup moins apparent chez l’homme. En effet, chez les chiens, un os, large mais fin, est situé entre l’encéphale et le cerebellum, làmm O, O dans la fig. 7 du livre VII où, chez l’homme, nous observons seulement la dure membrane du cerveau. Comme il n’y a aucune autre mention de cet os chez Galien, il nous laisse deviner si ce processus canin a bien été observé par lui-même ou si quelqu’un d’autre (à mon avis, c’est Marinus[96]) avant lui l’a mentionné, sans que Galien l’ait jamais observé par la suite dans ses bœufs, dont les cerveaux étaient l’objet principal de ses études ; il aurait ensuite voulu simplement mentionner cet os en passant, pour donner au moins l’impression qu’il n’avait rien omis dans son traité sur l’Anatomie de ce que d’autres qui avaient la pratique de la dissection avaient mentionné d’une manière ou de l’autre, comme cela s’est aussi produit à propos du sommet de l’épaule [acromion], c’est à dire du processus supérieur de la scapula (quand, à l’occasion de quelques mots d’Hippocrate, il écrit qu’on observe dans cette articulation osseuse un troisième os, en plus de la clavicule et de l’acromion)n,n De Q à λ dans les squelettes complets comme cela sera clairement montré dans les chapitres suivants[97].

×La description est plus complète dans l’édition de la Fabrica de 1555 (p. 39).
×Les huit os formant le crâne sont donc : les os pariétaux (pairs), les os temporaux (pairs), l’os frontal, l’os occipital, l’os sphénoïde et une partie de l’os ethmoïde (lame criblée).
×S’agit-il d’un simple défaut de mémoire qui fait attribuer à Galien des propos faux ? Le but polémique est évident. En effet, à la fin du De ossibus (éd. Balamius, Paris, 1535, p. 45 ; éd. I. Garofalo et A. Debru, Paris, 2005, p. 83), Galien ne parle nullement de cet os, mais il reconnaît ne pas avoir décrit d’os mineurs (os dans le cœur, dans le larynx, dans l’hallux) dont la connaissance, selon lui, n’est pas nécessaire pour des débutants en médecine. La correction apportée dans l’édition de 1555 de la Fabrica, p. 42, concerne la substance de cette structure (« osseuse » ou « cartilagineuse ») et le lieu (près de la glande pinéale), et rectifie la référence qui devient : De anatomicis administrationibus IV. De ossibus.
×Marinus d’Alexandrie (130) passe pour avoir écrit un traité d’anatomie en 20 livres, dont il ne reste que les citations faites par Galien. Voir Introduction aux textes liminaires (Lettre à Charles Quint).
×Cf. Fabrica I, chap. 21.