quelqu’un qui ne l’aurait jamais vu puisse le comprendre. Je ne pourrais rien ajouter d’autre à mon exposé pour faciliter sa compréhension, parce qu’on ne pourrait pas expliquer plus clairement la forme et la position de cet osselet. Donc, comme je le disais, il apparaît placé à l’extérieur du cercle visible dans la cavité de l’os temporal, une fois que ce dernier a été brisé : il a deux jambes qui l’assurent fermement. L’une d’elles, celle qui est plus en-dehors[106] et plus proche de l’oreille, est plus courte, plus épaisse et plus large, et se termine en pointe acérée. La deuxième[107], située plus en-dedans et ancrée davantage que l’autre dans la membrane tapissant la surface circulaire de la cavité, paraît un peu plus longue et plus fine et se termine en forme de petit crochet qui pénètre dans la membrane tapissant la cavité de l’os temporal et qui maintient plus solidement la jambe. La partie de cet osselet faisant saillie en dehors de la membrane offre à la vue une surface en partie plane, en partie arrondie, selon le mode de construction habituel des petites enclumes dont la plus grande partie est plane et dont l’autre partie, qui se termine en une sorte de pointe, est arrondie comme un cône. Alors que les grandes enclumes sont complètement planes ou concaves et ont une forme quadrangulaire. Mais si la comparaison de cet osselet avec une enclume ne vous plaît pas, et puisqu’il a deux jambes, rien ne s’oppose à ce que vous le compariez à une dent molairehh Un K [C] dans la fig. du chap. 11 montre une telle dent
i C, L, M pourvue seulement de deux racines.L’osselet semblable à un petit marteau. Le second osseleti entrant dans la fabrique de l’organe de l’audition est très différent du premier et est attaché à une autre membrane. En effet, là où le foramen de la cavité ou cavum ciselé dans l’os temporal est proche de la cavité crânienne, il est recouvert par une membranekk B très fine et quasi transparente [membrane du tympan], de la même manière que nous disons qu’un récipient est recouvert ou fermé à sa base. Le second osselet s’ancre sur cette membrane et la pénètre en travers, comme nous voyons la membrane d’un tambour tendue avec deux cordes, dont l’une est plus grosse que l’autre. Pour être plus solidement attaché, cet osselet produit un processus oblong et fin par lequel il s’ancre à la membrane sur toute sa largeur.Comparaison entre le second osselet et le fémur. On pourrait comparer ce processus à la partie du fémurll... figures du chapitre 30 qui s’étend depuis ses processus que nous appelons trochanters jusqu’aux extrémités inférieures ; si vous dessinez le fémur après avoir coupé les extrémités, ce sera exactement ce à quoi ressemble l’osselet entier. De même que le fémur possède deux processus tout près de son col, cet osselet réclame plusieurs petits processus également près de son col, afin de s’ancrer plus solidement à la membrane du tympan. En outre, de même que le col fémoral est incliné vers le milieu du corps en direction de la cavité coxale et se termine par une tête parfaitement sphérique, cet osselet s’allonge hors de la membrane vers l’intérieur en se terminant par une tête sphérique, lisse et sans la moindre aspérité ; il s’unit par l’intermédiaire de membranes extrêmement finesmm P, Q à la partie supérieure [corps de l’enclume] de l’osselet que nous avons comparé à une enclume ou à une dent molaire, comme si l’articulation entre le marteau et l’enclume était lâche, tout comme si l’osselet décrit en dernier faisait office de petit marteau et le premier office d’enclume, mais d’une enclume très petite par rapport à la taille du marteau.Fonctions des osselets de l’organe de l’audition. Mais ces osselets remplissent-ils la fonction d’un marteau et d’une enclume, même s’ils en ont la forme, et même si le second, au cours d’une dissection, est mû par un souffle très léger en même temps que la membrane à laquelle il est attaché, alors que l’enclume reste en quelque sorte immobile, voilà ce que je ne saurais absolument pas assurer, puisque je ne parviens pas suffisamment à mon gré à expliquer la raison de l’audition. Il n’a certes pas échappé à mon esprit l’explication commune d’équilibre des parties dans laquelle se réfugient les médecins : en effet nous sommes persuadés par une comparaison banale avec un jet de petites pierres dans l’eau, que lorsqu’un son frappe l’air, il y produit des cercles qui viennent frapper l’organe de l’audition et heurtent une membrane, alors que nous ignorons complètement la construction de cet organe[108]. L’Artisan de toutes choses se montre ici un fabricant d’instruments merveilleux, dont certes je montre assez bien la fabrique dans les écoles, mais dont je ne saisis pas la fonction et dont je ne peux expliquer rationnellement l’action, au-delà de ce que voit mon œil[109]. Mais puisqu’il sera abondamment question de l’organe de l’audition plus tard, il aura suffi ici d’avoir mentionné les osselets ; au cas où vous n’auriez pas bien suivi mon exposé, prenez une tête de veau, d’agneau ou de tout autre jeune animal posé sur la table, et coupez l’os temporal ici et là, pour observer l’agencement de ces osselets ; bien qu’il soit plus facile de les examiner dans une tête crue que cuite, et chez un homme que chez tout autre animal. En faisant cela, vous découvrirez non seulement l’agencement des osselets, chose extrêmement plaisante à regarder, mais vous admirerez aussi comment la méthode de fabrication de presque tous les instruments de musique a été inspirée par l’assemblage de l’organe de l’audition.J’ai entrepris et terminé ce travail grâce essentiellement aux conseils de Marc Antoine de Gênes et de Wolfgang Herwort[110]. C’est pour cette raison en particulier que Marc Antoine de Gênes prend un très grand plaisir à contempler l’harmonie de l’organe de l’audition : ce musicien accompli, professeur de philosophie, homme tenu en grand honneur pour la diversité de sa culture auprès des Padouans, est aussi une figure illustre parmi les philosophes de notre temps ; c’est à lui que les étudiants des choses de la Nature devront tout le fruit qu’ils retireront de mes efforts, car il a été le premier à m’encourager à entreprendre ce travail et il s’est montré un conseiller non moins attentif que Wolfgang Herwort, patricien d’Augsburg, un rare exemple de vertu, qui mérite d’être immortalisé à cause de son incroyable amour des lettres et de ceux qui les pratiquent ; je l’honorerai aussi longtemps que je vivrai, parce qu’il n’a rien négligé de ses efforts pour l’achèvement de mon ouvrage.