Livre I
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il s'unit à son pair par une suture qui n'est commune qu’aux deux os palatins [un de chaque côté] ; elle constitue un segmentgg t, y, z dans la fig. 1 de la suture qui sépare les deux os maxillaires l’un de l’autre, et s’avance sur toute la longueur du palais [suture palatine médiane]. Le sixième os est donc contigu au sphénoïde, au maxillaire, à son pair et enfin au septum nasal, ce dernier étant également séparé du sixième os et du quatrième par la suturehh g dans la fig. 1 qui se dirige vers la partie inférieure du septum, comme cela a été rappelé auparavant.La mâchoire supérieure [face] a donc au total douze os. J’ai donc jusqu’à présent décrit les six os d’un côté de la mâchoire supérieure [face], si on les ajoute aux six os du côté opposé, le total des os de la mâchoire supérieure [face] s’élève à douze, auxquels je n’ai ajouté aucun des huit os de la tête [crâne].Tous les enseignements de ce chapitre ne répondent pas aux préceptes de Galien ; certains seront examinés en fin de chapitre. Par ailleurs, si vous avez attentivement suivi tout ce que j’ai exposé dans ce chapitre, et que vous ayez soigneusement lu ensuite la description du maxillaire par Galien, il y aura beaucoup de points sur lesquels je m’écarte de ses préceptes. Je ne vais pas les mentionner tous ici (me fiant à votre zèle), cependant j’en présenterai quelques-uns, à partir desquels vous pourrez vous faire une idée ou de mon sérieux ou de ma négligence (selon que vous allez considérer que mes propos s’accordent ou non avec la vérité). Donc, lorsque Galien entreprend de décrire les sutures propres au maxillaire dans son livre sur Les Os, il commence paraa a dans le crâne humain, k dans le crâne canin dans la fig. 1 la surface malaire externe inférieure[132], celle que j’ai décrite comme présentant des aspérités irrégulières, parce que, selon lui, c’est de là que le muscle masseter produit une partie très solide et très tendineuse. Galien décrit donc à cet endroit une suture séparant le premier os de la mâchoire supérieure [face] du quatrième, et nomme « première suture » le segment de cette suturebb f dans la fosse temporale dans la fig. 4 du chap. 6 apparent dans la fosse temporale. Ensuite, il compte comme « deuxième suture » le segmentcc de a à b dans le crâne humain, de k à l dans le crâne canin, dans la fig. 1 de cette suture qui se rencontre dans la partie antérieure du maxillaire et qui monte depuis les surfaces malaires irrégulières pour atteindre le milieu du rebord inférieur de la cavité orbitaire. Cette suture, dit-il, se divise en trois segments, dont le premierdd de l à m dans le crâne canin, fig. 1 s'avance en-dehors près du bord du grand angle, ou angle interne[133], de la cavité orbitaire, vers l’espace au milieu des sourcils et vers la suture commune à l’os frontal et au maxillaire. Les hommes n’ont pas ce segment de suture, mais les chiens et les singes caudés l’ont de toute évidence ; cependant ce segmentee dans la fig. 1, de l à X, et non pas de l à Z ne se dirige pas exactement vers le milieu des sourcils [glabelle], mais seulement vers la partie où le quatrième os de la face est séparé du deuxième, comme il a été dit. Donc, si vous voulez suivre Galien, vous rechercherez cette partie sur un crâne de chien. Il dit ensuiteff Représentez-vous dans la fig. 1 une suture continue qui se dirigerait de b à T via c et d, comme on peut le voir dans le crâne canin que le deuxième segment de la deuxième suture s’étend par la partie concave de l’orbite sous le grand angle vers la suture [suture fronto-maxillaire] commune à la tête [crâne] et à l’os maxillaire, et qu’elle inclut ce même angle. Ce segment serait la suture qui sépare le bord inférieur des deuxième et troisième os du quatrième os, comme nous l’avons enseigné. Mais chez l’homme, ce segment ne rejoint nulle part la deuxième suture de Galien, et encore moins le premier segment de cette deuxième suture, alors que cela se voit seulement chez les chiens et les singes, mais pas chez les hommes. En outre, le foramengg D dans la fig. 1 situé sous ce segment de la deuxième suture, comme l’écrit Galien, est, à mon avis, celui qui est oblong, largement ouvert dans la cavité orbitaire, et qu’on peut voir entre le maxillaire et le sphénoïde. Galien nomme « troisième segment de la deuxième suture » un petit segmenthh dans la fig. 1, de a à S, en suivant D, via Q de la suture qui sépare le premier os du quatrième [suture zygomatico-maxillaire], visible dans la cavité orbitaire, en même temps que la suture séparant le sphénoïde du premier os [suture sphéno-zygomatique], également visible dans l’orbite. Selon Galien, « Sous les deux sutures mentionnées (en fait les deux premiers segments de la seconde suture), un troisième segment de la même suture monte vers la paroi inférieure de l’orbite, progresse vers l’arrière et là se joint à la suture commune à la tête [crâne] et au maxillaire ». Galien ajoute que trois os de la face sont bornés par des sutures qui les unissent à la tête. Le premierii Γ dans la fig. 1 serait celui que j’ai désigné comme le premier os [os zygomatique]. Le deuxièmekk Δ et Θ dans la fig. 1 serait fait de ceux que j’ai comptés comme le deuxième [os lacrymal] et troisième [face orbitaire de l’ethmoïde] : ces deux os devraient donc être comptés pour un seul, selon les préceptes de Galien. Le troisièmell Λ placé dans la cavité orbitaire de la fig. 1. Cet os serait plus ou moins circonscrit par b, C, c, d, H, D serait une partie de notre quatrième os, c'est-à-dire toute la partie de cet os qui se trouve dans la cavité orbitaire [face orbitaire ou supérieure du maxillaire], partie dans laquelle commence le foramenmm Λ dans la cavité orbitaire de la fig. 1 qui va de l’orbite à la face antérieure du maxillaire. Mais examinez soigneusement ici si Galien a décrit les os de la mâchoire supérieure [face] chez l’homme, plus justement que moi et combien encore il en a oublié chez les singes et les chiens, et si moi, j’ai compris Galien plutôt d’après ma connaissance fondée sur les faits ou d’après la traduction qu’en donnent ses interprètes[134], et enfin quel genre de nageur délien[135] est demandé par l’étude que Galien a faite des os de la mâchoire supérieure, surtout lorsque certains, peu soucieux de l'intérêt commun, ou bien jaloux, gardent si bien la copie grecque pour eux qu'aucun motif pour que cette dernière me fût confiée quelque temps en consultation n'a pu convaincre ceux qui, outre Balamius et le cardinal Rodolphus, reconnaissaient cependant l'avoir en leur possession, mais avec la condition de ne pas me la communiquer[136]. Mais je mettrai tout en œuvre pour que l’on ne voie pas que j’ai été privé de ce livre, comme de certains autres traités de Galien sur l’Anatomie, [ces traités] que certains mettent intégralement en réserve avant même toute utilisation, qui préfèrent que les copies les plus correctes soient mangées des mites (puisqu’elles ne leur sont d’aucun usage). Le fait que Galien institue des os spécifiques dans lesquels les dents s’implantent vient de ce qu’il s’est trop intéressé à ses singes et qu’il a imaginé que les dents chez l’homme étaient tout à fait semblables. En fait chez les chiens, les singes, les porcs et d’autres animaux, qui ont des canines solides et saillantes (comme je l’ai déjà dit), on voit nettement les deux suturesn,n n dans le crâne canin ou plutôt les deux harmonies, dont l’homme est dépourvu. De la suture séparant le cinquième os [os nasal] de la face, qui est un os pair, et le quatrième os,

×Une des insertions d’origine du faisceau superficiel du muscle masséter se fait sur le bord postéro-inférieur de l’os zygomatique.
×Cette précision est apportée par Vésale dans cette dispute très pointilleuse du texte de Galien, cf. De ossibus (éd. Balamius, Paris, 1535, p. 18 ; éd. I. Garofalo et A. Debru, Paris, 2005, p. 54).
×Thème récurrent chez Vésale qui privilégie l’observation des faits à la tradition livresque et aux interprètes, c’est-à-dire aux traducteurs.
×W. F. Richardson, On the fabric of the human body, San Francisco, Norman Publishing, 1998, p. 105, attribue l’origine de l’expression à Diogène Laerce, Vies des philosophes II, 22 : Socrate, en réponse à Euripide qui le consultait sur un traité d’Héraclite, aurait répondu que l’obscurité de certains passages réclamait l’aide d'un spécialiste, habitué aux profondeurs de la philosophie, comme les bons nageurs explorent les profondeurs de la mer de Délos à la recherche d’éponges. Toutefois, au XVIe siècle, l’expression est devenue proverbiale, peut-être à la suite du succès des Adages (1, 6, 29) d’Érasme qui l’utilise de manière ironique pour désigner un interprète habile à résoudre les difficultés. Cf. E. Rummel, « The reception of Erasmus'Adages in Sixteenth-Century England », Renaissance and Reformation, XVIII, 2, 1994, p. 19-30.
×Le texte pose plusieurs problèmes : sur le plan linguistique, la préposition præter est ambiguë (« excepté » ou « en plus de »). Les traductions existantes en anglais sont contradictoires. Le sens que nous avons choisi est tributaire du contexte historique dans lequel se place l’anecdote racontée par Vésale. Ferdinando Balami ( ?-1552?) est un humaniste et médecin sicilien, au service de Clément VII, puis de Paul III, auteur de traductions de textes grecs antiques. O’ Malley, Andreas Vesalius of Brussels, Berkeley & Los Angeles, 1964, p. 439, note 80, avait identifié le cardinal Rodolphus comme Rodolfo Pio da Carpi (1499-1564), évêque sous Clément VII, nonce apostolique auprès de François Ier de 1535 à 1537, nommé cardinal en 1537 par Paul III, connu comme humaniste et collectionneur d’antiquités ; cette interprétation m’a semblé plausible en 2004 dans mon article « Vésale et le De ossibus de Galien » in Lire les médecins grecs à la Renaissance (V. Boudon-Millot et G. Cobolet éd.), BIUM-De Boccard, p. 271-282, dans la mesure où la traduction de F. Balami fut publiée à Paris pendant le séjour effectué par le cardinal, dans le milieu d’humanistes et d’hellénistes parisiens. C’est encore l’interprétation admise en 2013 par D.H. Harrison et M.H. Hast, The fabric of the human body, op. cit, I, p. 90, note 52. Toutefois, la thèse selon laquelle le cardinal Niccolò Ridolfi (1501-1550), autre collectionneur de manuscrits précieux, fut le possesseur d’une copie grecque du texte, probablement celle corrigée par Lascaris, à laquelle se réfère Balami dans sa préface, est aujourd’hui privilégiée (le De ossibus faisant partie du ms Laurentianus 74, 7 (cf. intro. à l’édition critique du De ossibus, I. Garofalo et A. Debru éd., Paris, 2005). Dans le livre II, p. 252, Vésale se plaindra également de ne pas avoir eu accès à certains livres du De anatomicis administrationibus.