Livre I
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D 1, 2 Ce foramen [fissure orbitaire inférieure] est de loin le plus grand de tous ceux que l’on voit dans la cavité orbitaire ; il fournit un passageaa Q dans la 2efigure précédant le chapitre 2 du livre IV à un rameau de la plus petite racine de la troisième paire [V] de nerfs crâniens qui s’avance depuis la cavité orbitaire vers le muscle temporal et vers le muscle masséter[179]. Ce n’est pas uniquement au profit de ce petit nerf que le foramen est aussi large et aussi long, mais parce qu’il fournit une insertion d’origine plus robuste au muscle temporal. En outre, il offre un passage à la pituite qui s’écoule vers un plus grand foramen s’étendant vers la cavité nasale (foramen que nous représenté par Φ). Il semble aussi avoir été préparé pour un petit nerfb,b d dans la 2efigure du chapitre 2 du livre IV. que nous sommes le premier à avoir observé et qui a son origine près de la racine de la cinquième paire des nerfs crâniens. Ce petit nerf s’avance ensuite par un foramen qui lui est propre, noté H, en direction du muscle temporal, du muscle masséter et du muscle dissimulé dans la bouche et qui sert à élever la mandibule. Par ailleurs, cette fissure, c'est-à-dire ce foramen oblong noté D, s’étend vers le sphénoïde et vers le maxillaire.
E 1, 3 Le E placé dans la troisième figure et le E placé dans les deux cavités orbitaires de la première figure, indiquent le foramen [canal optique] visible à la partie la plus élevée ou au sommet de la cavité orbitaire creusée dans l’os sphénoïde ; à son extrémité, là où il fait face à la cavité orbitairea,a N, O dans la figure 13 du livre VII. il est bien rond et correspond au calibre du nerf optique (pour lequel il a été taillé). Mais à l’autre extrémité, plus proche du cerveau, il présente sur le côté externe un petit angle aigu préparé pour une petite veine qui en sort avec le nerf optique. Un γ indique cet angle [processus clinoïde antérieur]. Il se trouve entre E et γ sur la troisième figure de ce chapitre.
F 3 L’union des nerfs optiquesaa M dans la figure 13 du livre VII. se fait dans ce sillon [sulcus du chiasma optique] creusé dans l’os sphénoïde.
G 1, 3

[Illustration]

Puisque ce foramen n’est pas bien visible dans les figures de ce chapitre, j’ai tracé ici un schéma de ce foramen sur le côté droit ; j’ai indiqué sa partie inférieure par un δ, sa partie supérieure, c’est à dire l’angle de ce foramen, par un ε[191]. Cependant, ce foramen est parfaitement visible sur les deux côtés dans la huitième figure du sixième chapitre
Le G est placé dans la cavité orbitaire gauche dans la première figure, mais il occupe la cavité droite dans la troisième figure ; en effet on ne peut absolument pas voir dans cette [troisième] figure ce foramen indiqué par G sur le côté gauche, puisque nous avons incliné le crâne sur ce côté, pour essayer de le montrer[180]. Il est taillé dans l’os sphénoïde, et il est presque parfaitement rond à sa partie inférieure, mais à son extrémité supérieure il se termine en un angle aigu, allongé et étroit [fissure orbitaire supérieure][181]. Bien que Galien ait été d’un avis différent[182], ce foramen est plus spacieux que celui [canal optique] préposé au nerf optique ; s’il était aussi parfaitement rond que celui préposé au nerf optique, il ferait facilement le triple ou le quadruple de sa circonférence. Même sa partie inférieure, qui comme nous l’avons dit, n’est pas parfaitement ronde, dépasse de loin les dimensions du foramen du nerf optique. Il est taillé en vue du passageaa G dans la figure 14 du livre VII. de la seconde paire de nerfs crâniens [nerf occulomoteur, III] qui s’avance dans la cavité orbitaire pour mouvoir les muscles de l’œil[183], et aussi en vue du passage de la plus petite racinebb H dans la même figure. de la troisième [V1] paire de nerfs crâniens, qui se distribue à la peau du front [nerf frontal issu du V1][184], dans les muscles faciaux de la mâchoire supérieure [maxillaire], dans les fosses nasales et dans les muscles élévateurs de la mandibule[185]. Ces ramifications s’avancent à travers la partie inférieure de ce foramen, en même temps qu’un grand rameaucc X dans le figure du chapitre 14 du livre III. de l’artère soporale [carotide interne][186], que certains imaginent former le plexus réticulaire chez l’homme[187]. Mais en fait, par la partie supérieure de ce foramen, qui se termine en un angle aigu et allongéd,d G dans la même figure et H dans la figure 13 du livre VII. une veine qui provient de la cavité orbitaire et qui est un rameau de celles en direction du muscle temporal, se porte à cet endroit vers la dure-membrane[188]; pour cette distribution, des sinus ont été sculptés à la base du crâne, proportionnés à la grosseur de ces veinules, et visibles dans la partie du crâne indiquée par un ζ dans la troisième figure[189]. Et ce n’est pas seulement pour les nerfs, la veine et la grande artère mentionnée plus haut que ce foramen est si large, mais c’est aussi pour donner passage à la pituite qui s’écoule du cerveau dans la cavité orbitaire et de là dans la cavité nasale[190], comme sa dissection le montre d’une manière très claire et très satisfaisante, parce qu’il n’y a pas de raison que le calibre de ce foramen n’apparaisse pas égal à celui de ces nerfs, de cette veine et de cette artère.
H 1, 3 Foramen rond, s’avançant plus loin dans l’os que les deux précédents, et plus étroit. Il est taillé dans le sphénoïde avec tous les autres pour livrer passageaa L dans la figure 14 du livre VII. à un petit nerf dont l’origine se situe non loin de la principale racine de la cinquième paire[192], comme vous l’apprendrez. Ce foramen est situé sous G sur le côté droit dans la troisième figure ; il paraît un peu plus grand que le foramen sur le côté gauche, parce que, parfois, en plus du petit nerf précédent, il laisse aussi passer une petite racinebb H dans la figure 14 du livre VII. de la troisième paire, qui passe via le foramen indiqué par G, comme cela a été rappelé un peu plus haut.
I 3 Dans cette aire, on voit les foramina du huitième os de la tête [lame criblée de l’os ethmoïde]: ils sont nombreuxa,a E dans la figure 12 du livre VII. mais étroits, et ont été faits pour permettre aux odeurs et à l’air de pénétrer dans le cerveau au cours de la respiration. À la différence des précédents, ils ne sont pas rectilignes, ni ouverts aux deux extrémités, mais ils sont obliques, irréguliers, et pleins de petites cavités ressemblant aux cavités des éponges. Parmi eux, il y en a un de chaque côté, rectiligne et assez grand, qui est d’une certaine façon le premier et le plus proche de la partie antérieure[193] de l’os frontal ; il donne passagebb G dans la figure 13 du livre VII et H dans la figure 14 du livre III. à une veine qui s’étend de la cavité nasale à la dure-membrane du cerveau. Cependant, les autres foramina pourraient paraître rectilignes et ouverts à chaque extrémité, à condition d’enlever les osselets [labyrinthe ethmoïdal] placés à l’intérieur et au sommet des fosses nasales ; ces osselets varient en nombre, ils sont pleins de petites cavités [cellules ethmoïdales], quelquefois membraneux et cartilagineux.
×Ces différents rameaux du V2 (nerfs alvéolaires et palatins) seront décrits au livre VII de la Fabrica.
×Voir le schéma rudimentaire tracé dans la marge.
×En effet, la moitié droite du crâne a été surélevée, ce qui permet de mieux voir les foramina du côté gauche sur la face endocrânienne.
×Tel qu'il est décrit ce foramen répond à la fissure orbitaire supérieure interposée entre la petite aile du sphénoïde en haut (creusée par le canal optique) et la face orbitaire de la grande aile du sphénoïde. Cette fissure orientée en haut et en dehors explique que Vésale parle de son « extrémité inférieure » (en fait médiale), arrondie et large, et de son « extrémité supérieure » (en fait latérale), effilée.
×Cf. Galien, De usu partium IX, chap. 8.
×Cf. J.Vons et S. Velut, A. Vésale. Résumé de ses livres sur la fabrique du corps humain, Paris, 2008, p. 134, note 197 et p. 135, note 200.
×Vésale semble négliger ici les autres rameaux du nerf ophtalmique (V1) que sont les nerfs naso-ciliaire et lacrymal, de calibre inférieur au nerf frontal.
×La distribution des nerfs crâniens, naissant du tronc cérébral et sortant du crâne par les orifices de la base, sera décrite au livre VII de la Fabrica. Toutefois on notera d’importantes confusions faites par Vésale. En effet, les nerfs sensitifs destinés à la région maxillaire et à la fosse nasale dépendent du nerf maxillaire (V2) qui traverse le foramen rond, les nerfs moteurs allant aux muscles de la face dépendent tous du nerf facial (VII) qui traverse le rocher et les nerfs destinés aux muscles masticateurs dépendent de la branche motrice du V (Vm), qui accompagne le V3 (nerf mandibulaire). Pour l’anatomiste moderne, cette confusion paraît difficilement explicable mais une hypothèse permettant de la comprendre serait de considérer que Vésale ne disposant certainement pas de technique de fraisage osseux n’a pu suivre chacun de ces nerfs depuis son origine au tronc cérébral jusqu’à sa terminaison (cutanée ou musculaire) et a procédé probablement par observations successives (endocrâniennes, exocrâniennes, nerfs en place puis sur crâne « sec », etc.), le mettant in fine en situation de reconstruire un puzzle, qui plus est, particulièrement complexe, d’autant que le trajet intra-dural de certains de ces nerfs (III, IV, V1) au niveau du sinus caverneux en fait des structures de dissection très difficile.
×Il s’agit ici d’un « rameau » artériel, en l’occurence l’artère ophtalmique, même si cette dernière ne traverse pas la fissure orbitaire supérieure mais le canal optique ou, plus rarement, un orifice propre alors nommé ophtalmique situé contre la partie médiale de cette fissure, en haut et en dedans d’elle. Le même remarque que celle faite en note 185 peut être faite à propos de cette imprécision de la part de Vésale.
×Sur la question du plexus reticularis ou rete mirabile chez Vésale, voir Introduction au livre I.
×La veine orbitaire supérieure traverse en effet la partie latérale, effilée, de la fissure orbitaire supérieure et, via un trajet intra-dural, rejoint le sinus caverneux. Les relations que Vésale fait entre cette veine orbitaire et le muscle temporal sont obscures.
×Cet index G se situe en regard de la partie médiale de la fissure orbitaire supérieure qui en effet s’ouvre dans le sinus caverneux, la totalité des nerfs qui la traversent (III, IV, V1, VI) venant soit de ce sinus (VI) soit de sa paroi latérale, inclus dans sa dure-mère.
×À l’évidence cette extrapolation de Vésale fait des larmes une production de la cavité crânienne, alors que les glandes lacrymales sont strictement intra-orbitaires. Extrapolation qui va donc, en amont, des espaces méningés crâniens à l’espace intra-orbitaire, même si, en cela, Vésale touche du doigt le fait que dure-mère intra-crânienne et péri-orbite (membrane tapissant la paroi interne de la cavité orbitaire) sont de même nature et si la gaine arachnoïdienne des nerfs optique, oculomoteur, trijumeau se prolonge en extra-crânien (cf. J. Vons et S. Velut, Résumé, Paris, 2008, p. 132 n. 169 et 170).
×Probablement le nerf facial (VII).
×La toponymie est ici précisée par l’adjectif antiquus dont le sens premier est bien local (« qui est en avant »).