Livre I
51
Nous verrons dans le septième Livre si ces petits foramina sont également formés pour purger le cerveau de la pituite. Toutefois, j’ai pensé qu’il fallait ajouter à ce chapitre-ci le fait que la pituite n’est filtrée par ces foramina qu’en cas de pléthore du cerveau, et qu’il suffit d’une très petite quantité de pituite s’écoulant par cette voie pour boucher ces foramina et produire d’autres signes de catarrhe[194]. Enfin, vous devez savoir que ces foramina n’existent pas avec la même fréquence dans tous les crânes, de même que les partiescc E dans la figure 12 du livre VII. dans lesquelles sont situés les organes olfactifs [tractus et bulbe olfactifs]dd D dans la même figure. n’ont pas une grandeur identique dans tous les crânes. Par ailleurs, le chien est un animal qui a très peu de pituite, mais un odorat très développé, donc cette surface est très étendue chez lui, de sorte qu’on y voit des foramina très nombreux et ouverts vers l’avant et non vers le bas comme chez l’homme.
K 3, 4Sinus [sinus frontal] situé entre les deux lames constituant l’os frontal ; certains affirment qu’il s’agit de l’organe olfactif, parce qu’il contient de l’air, et qu’il ne fait aucun doute pour nous que ce dernier est absolument nécessaire à l’odorat. Vous observerez sans peine l’ampleur de ce sinus en brisant l’os frontal dans la région des sourcils ; il est en effet très vaste et entoure un petit corps assez mou[195] recouvert d’une petite membrane, qui correspond plus ou moins à de la moelle : il est fait tout entier d’une façon telle que vous n’en trouverez aucun autre exemple dans le corps, sauf dans les nombreux sinusaa C, D dans la figure 8 du chapitre 6. ou cavités visibles dans l’os sphénoïde [sinus sphénoidaux]. En outre à part chez ceux dont la lame antérieure de l’os frontal est rongée par la syphilis, ou brisée à la suite d’un coup, nous voyons que pendant l’expiration, l’air est chassé de ce sinus [sinus frontal] avec une telle violence qu’il peut sur le champ éteindre la flamme d’une chandelle. En effet, ce sinus s’étend non seulement jusqu’à la région des sourcils et, par des foramina indistincts, jusqu’à la cavité nasale, mais il se prolonge aussi dans la partie de l’os frontal constituant la région supérieure de la cavité orbitaire, comme cela a été dit.
L 3Foramen ou plutôt fissure en forme de trait, semblable au trait qu’un ongle aurait imprimé dans de la cire ; cette fissureaa Sous le D dans la figure 13 du livre VII. a pour fonction de rendre la dure-membrane du cerveau plus solide à cet endroit. Il était nécessaire que le cerveau fût attaché à la voûte crânienne, non seulement à l’endroit où cette membrane est percée de nombreux foramina, mais aussi à de nombreux autres endroits, et pour cela la dure-membrane doit faire passer des fibres et des liens à travers la voûte crânienne. Vous pourrez également observer que ces fissures sont des auxiliaires servant à amener de l’air dans le cerveau, puisque, en y introduisant une soie de porc, vous constaterez qu’elles se terminent dans le sinus frontal mentionné ci-dessus et dans la fosse nasale, et qu’elles atteignent ensuite les sinus de l’os sphénoïde.Canaux préparés pour purger le cerveau de la pituite. Livre 9 de l’Utilité des parties.
M 3
Sinus [fosse hypophysaire] taillé dans le sphénoïde et contenant une petite glande [glande pituitaire ou hypophyse] sur laquelle s’écoule la pituite en provenance du cerveau ; la pituite se répand alors à travers l’os formant ce sinus dans le palais, écrit Galien, affirmant que la pituite est purgée par ce passage troué de foramina comme un crible ou une éponge. Si une certaine forme de respect envers Galien ne me retenait, je montrerais que cette opinion est complètement étrangère à la vérité. Car cette surface osseuse, qui constitue le milieu de l’os sphénoïde, n’est en aucun endroit perforé comme une éponge, encore moins comme un crible, au contraire elle est constituée à cet endroit d’une lame solide et continue, contenant à l’intérieur un grand nombre de ces vastes sinus [sinus sphénoïdaux] que nous avons représentés dans la huitième figure du sixième chapitre, et qu’on ne peut pas voir sans briser l’os auparavant. Voilà pourquoi en aucune façon, la pituite ne descend à travers de tels foramina dans l’os sphénoïde (puisque ces foramina n’existent pas)[196]. À partir du sinus indiqué par M, deux canaux, creusés à la manière de sinus, s’écartent de chaque côté ; le canal antérieur s’étend vers le second foramen que nous avons décrit à la racine de la cavité orbitaire et qui est indiqué par G [fissure orbitaire supérieure], il transporte la pituite dans la cavité orbitaire et de là, à travers les foramina que nous avons indiqués par C et Φ. Le canal postérieur s’étend vers le bas en direction d’un foramen aux aspérités irrégulières, ou plus exactement, vers une fissure par laquelle la pituite s’écoule dans la bouche, ou mieux, dans le palais, et par où l’air pénètre dans le crâne dans la respiration[198].Cette figure concerne plus particulièrement le septième livre, mais, bien qu’elle ne soit qu’un schéma, elle n’est pas inutile pour une meilleure compréhension du passage actuel, aussi l’ai-je ajoutée ici : A indique la petite glande [hypophyse] sur laquelle s’écoule la pituite, B le bassin [infundibulum] formé par la fine membrane du cerveau, C, D, E et F les quatre canaux conduisant la pituite hors de la glande[197].

[Illustration]

NNous avons noté par N cette fissure [foramen lacerum autrefois nommé trou déchiré antérieur, par opposition au trou déchiré postérieur actuellement nommé foramen jugulaire] commune à l’os temporal et à l’os occipital[199], sur le côté gauche dans la deuxième figure[200] et sur le côté droit dans la troisième figure, mais il est vrai que ces sinus et ces canaux sont moins visibles dans la troisième figure (parce qu’ils ne sont pas très profonds),
O. Pbien que nous ayons indiqué le premier sinus [sinus antérieur] par un O et le second par un P, pour vous aider à retrouver plus rapidement l’emplacement de ces sinus dans de vrais crânes. La dure-membrane du cerveau est solidement attachée aux processusaa Figure 15 du livre VII. apparents autour du sinus indiqué par M[201], comme s’ils lui servaient d’appuis à l’endroit où elle s’éloigne de la base du crâne, et là où se trouvent en-dessous d’elle les grands rameaux des artères soporales [carotides] et les canaux mentionnés ci-dessus qui transportent la pituite vers le bas[202].
Q 2, 3Sur le côté de la fissure ou du foramen aux aspérités irrégulières [foramen lacerum], indiqué par N, plus vers l’avant, on rencontre un autre foramen [foramen ovale] dans l’os sphénoïde[203] ; il est spacieux, n’est pas parfaitement rond, mais ressemble à un cercle qui a été légèrement comprimé sur les deux côtés pour lui donner une forme allongée. La forme de ce foramen devait être telle, parce qu’il devait donner passage à deux corps ronds et joints entre eux par des membranes. Il est en effet traversé par la plus grande et la plus épaisse racine [nerf mandibulaire] de la troisième paire [V]a de nerfs crâniens[204] ainsi que par la quatrième paireb.a b I, K dans la figure 14 du livre VII, et M, Z dans la figure 2 du chapitre 2 du livre IV.
×Gravedo. Terme médical, synonyme de destillatio, fluxus, coryzza, désignant une inflammation des muqueuses des voies respiratoires, utilisé notamment par Celse, De Medicina IV, 5, 2, The Loeb classical Library, 1971, t. 1, p. 370. Pour un historique du nom catarrhe dans la littérature médicale, d’Hippocrate à Littré, cf. L. de la Berge et É. Monneret, Compendium de médecine pratique, t. II, Paris, 1837, p. 106-112.
×Chez le cadavre, la muqueuse des sinus (aériens) frontaux peut se décoller de leur paroi osseuse par phénomène de déshydratation, comme c’est le cas dans tous les autres sinus de la face (éthmoïdaux, sphénoïdaux, maxillaire).
×Ce passage fit l’objet d’une des critiques les plus acerbes de Jacques Dubois (Sylvius), Væsani cujusdam calumniarum in Hippocratis Galenique rem anatomicam depulsio per Iacobum Sylvium [1ère éd : Paris, Catherine Barbé, 1551], reprise dans Galeni de ossibus, græce et latine. Accedunt Vesali, Sylvij, Heneri, Eustachi ad Galeni doctrinam exercitationes, ex bibliotheca I. van Horne, Lugduni Batavorum [Leiden], Daniel van der Boxe, 1665, p. 144-145, avec la défense de Vésale par Hener, ibid., p. 164.
×Ostium de chaque sinus sphénoïdal ouvert dans les fosses.
×Voir schéma inclus dans le texte. Selon P. Huard et M.-J. Imbault-Huart, André Vésale. Iconographie anatomique, Paris, Éd. Roger Dacosta, 1980, p. 60, Vésale dessine ces quatre canaux imaginaires disposés en croix pour expliquer l’évacuation dans le pharynx d’un excès de pituite ou mucus cérébral.
×Erreur pour os sphénoïde.
×Comprendre « côté gauche du crâne », à droite sur l’image.
×Il s’agit en fait de la selle turcique ou fosse hypophysaire où se loge la glande du même nom.
×Les replis duraux formant les bords supéro-latéral et postéro-supérieur du sinus caverneux sont en effet insérés respectivement sur les processus clinoïdes antérieur et postérieur du sphénoïde qui « encadrent » la selle turcique. En parlant de zones « d’appui » et « d’éloignement » de la dure-mère de la base du crâne, Vésale décrit de façon très avant-gardiste le concept qui veut que, lorsqu’un feuillet de dure-mère se décolle de l’os (tapissé de périoste), un espace veineux nommé alors « sinus » se forme. Au sein du sinus ici « caverneux », Vésale décrit le trajet sinueux (siphon) de l’artère carotide interne en dehors de la loge hypophysaire, avant d’en émerger pour devenir intra-crânienne proprement dite.
×Description des foramina sur la face endocrânienne du sphénoïde.
×Le nerf trijumeau, aujourd’hui V, se subdivise en trois branches : le nerf ophtalmique (V1) passe par la fissure orbitaire supérieure, puis par le foramen supra-orbitaire, le nerf maxillaire (V2) traverse le foramen rond puis le foramen infra-orbitaire, le nerf mandibulaire (V3), terminale la plus volumineuse du V, traverse le foramen ovale, puis le foramen mandibulaire.