Livre I
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R 2, 3Sur le côté externe du foramen indiqué par Q [foramen ovale], on voit dans le sphénoïde un autre foramen, beaucoup plus petit, et parfaitement rond [foramen épineux], par lequel une portioncc F dans la figure du chapitre 14 du livre III. de la veine jugulaire interne passe en s’écartant de l’artère carotide[205] et entre dans le crâne. On observe quelquefois un étroit foramen [foramen vesalium] près du côté interne du foramen [ovale] par où passent les deux paires de nerfs que nous venons de mentionner, il sert au passage d’une petite ramification de cette veine. On le voit rarement sur un côté du crâne, et encore beaucoup plus rarement sur les deux côtés. Nous l’avons cependant représenté sur le côté gauche (parce qu’il s’est trouvé que parmi tous les crânes [que nous avons examinés], il y en avait un qui avait ce foramen à gauche, et qu’il a paru plus beau que tous les autres)[206],
Set nous l’avons indiqué aussi par un S dans les deuxième et troisième figures. À partir de ce foramen [foramen vesalium], des sinus dirigés vers le haut traversent la face interne du crâne, adaptés à la forme convexe d’une demi veine, et creusés de telle sorte que l’os du crâne ne presse ni ne comprime les sinus veineuxdd D, D dans la figure 1 du livre VII. dans la dure-membrane du cerveau[207].
T TNous avons marqué ces sinus avec quelques T, T dans la troisième et la quatrième figures.
V 2Ce foramen, qui se rencontre sur la face externe à la base du crâne n’est pas facile à voir ; en effet, à partir de cet endroit il s’étend obliquement vers l’avant, et se termine dans la cavité de l’organe de l’auditionaa Surtout dans les figures du chapitre 8. sculptée dans l’os temporal. C’est pourquoi j’en parlerai à nouveau tout à l’heure, en le dessinant avec quelques foramina de l’organe de l’audition. Il est formé pour donner passagebb b dans la figure 2 du chapitre 2 du livre IV. à un rameau de la cinquième paire de nerfs crâniens[208], qui sort par cet endroit de la cavité de l’organe de l’audition vers les muscles élévateurs de la mandibule. En outre, un rameaucc n dans la figure du chapitre 14 du livre III. de la jugulaire interne[209] passe par ce foramen et gagne l’organe de l’audition ; de l’air est également transporté par ce foramen[210] dans la cavité [cavum tympanique] de l’os temporal propre à l’organe de l’audition. Vous vous en rendrez facilement compte, si, en attirant de l’air dans votre bouche, vous essayez pour ainsi dire de le chasser par vos oreilles[211] : vous entendrez alors dans les oreilles le son du vent ou un son semblable à celui de tourbillons d’eau.
X 2, 3
Ce grand foramen [canal carotidien], creusé pour le plus grand rameau de l’artère carotideaa L dans la figure du chapitre 14 du livre III. entrant dans le crâne, ne perfore pas le crâne tout droit, mais comme un canal oblong, il s’étire obliquement de l’arrière vers l’avant. L’extrémité inférieure de de l’os temporal percé par ce foramen, face à la gorge, et indiquée par œ dans la deuxième figure, se présente à la vue avec des aspérités irrégulières comme celles d’une pierre ponce. Par ailleurs, le trajet de ce foramen [canal carotidien] est montré par un X placé dans les deuxième et troisième figures et dans le schéma ajouté ici, dans lequel X et Y ne se font pas aussi exactement face que dans les grandes figures. Ce long canal [carotidien] qui s’avance obliquement dans l’os a été formé par la Nature en vue de la longue progression oblique de l’artère carotide, afin sans doute que l’esprit vital, en étant ainsi conduit sur ce long chemin, soit préparé pour le cerveau d’une manière plus raffinée. C’est pourquoi je suis particulièrement étonné que Galien ait oublié, parmi beaucoup d’autres, ce grand foramen [canal carotidien] qui ne doit cependant pas être traité à la légère, et qu’il ait laissé ce qu’il avait écrit dans son livre sur la dissection des veines et des artères des singes[212], à savoir que les artères carotides pénètrent dans le crâne par le foramen indiqué ici par Q [foramen ovale] qui donne passage à la troisième et à la quatrième paires de nerfs crâniens. Et comme il a transmis à la postérité des choses fausses au sujet de ce foramen, ne l’ayant observé ni sur des chiens ni sur des singes, il n’y a pas lieu non plus de s’étonner qu’il ait forgé dans son imagination cet étonnant plexus réticulaire[213] chez les hommes, ni qu’il ait légué à la postérité un enchaînement de vaisseaux crâniens qui en aucun point n'est vrai.

[Illustration]

Ce schéma sert à mieux montrer les foramina indiqués par X et Y ; en effet, il comprend de chaque côté les trajets de ces foramina, alignés comme on peut les voir dans le crâne quand on les suit en y introduisant des soies de porc ou des fils de plomb. Deux X indiquent le foramen gauche préparé pour le plus grand rameau de l’artère carotide gauche, et deux Y indiquent le foramen creusé pour le petit rameau de l’artère carotide pénétrant dans la cavité nasale.
Y 3De la région où se termine le foramen précédent [canal carotidien], indiqué par X, face à la cavité crânienne, part un autre foramen[214], s’étendant en ligne droite jusque dans la cavité nasale, comme un long canal, et fournissant un passage à un rameauaa s, t dans la figure du chapitre 14 du livre III. de l’artère qui s’étire vers la cavité nasale depuis le plus grand rameau de l’artère carotide qui entre dans le crâne ; là, avec d’autres ramifications de cette artère qui s’avancent jusqu’à cet endroit, il produit un pouls perceptible. Vous compterez ce foramen comme propre à l’os sphénoïde.
a 2, 3
Canal de la cinquième paire de nerfs crâniens[215], ou conduit auditifa,a a dans la figure 2 du chapitre 2 du livre IV. dont l’orifice à l’intérieur de la cavité crânienne est désigné par a dans la troisième figure. La partie externe [conduit auditif externe] qui commence à l’oreille et qui ressemble plus ou moins à une auricule apparaît rugueuse ; elle est désignée par a dans la deuxième figure. Même s’il est très large et spacieux à l’intérieur, ce conduit est si tortueux, si contourné et si irrégulier qu’il est impossible de le traverser en y poussant une soie de porc, sinon très rarement. La soie ne peut le traverser, non pas à cause des méandres ou des détours du conduit lui-même, mais parce que ce conduit est plus étroit près de l’oreille et là où il fait face au cerveau qu’au milieu du trajetb,b figure du chapitre 8 du livre I. où il est particulièrement vaste et spacieux. Il ne faut cependant pas suivre Aristote, lorsqu’il

[Illustration]

J’ai ajouté ici un schéma rudimentaire pour faire voir le trajet des foramina que nous avons marqués par V, a et b. Donc sur cette grossière Minerve[216] le a indiquera un des deux bouts du conduit auditif, V le foramen marqué V ci-dessus ; quant au b il indique ce qui sera expliqué bientôt sous la lettre b. Cette figure se réfère au côté gauche.
×Il s’agit en fait de l’artère méningée moyenne issue de l’artère carotide externe et non de la carotide interne.
×Foramen vesalium ou trou de Vésale, inconstant, en dedans et en avant du foramen ovale. Le foramen vesalium est l’une des trois structures auxquelles le nom de Vésale est resté attaché, avec l’os situé à la base du 5e métacarpien et les glandes lymphatiques thoraciques (glandulæ vesalianæ).
×Sinus veineux de la dure-mère.
×Vésale fait là encore (cf. note 185) une confusion entre le territoire moteur du Vm annexé au V3 et celui du VII, le nerf qu’il numérote « cinquième » étant le nerf facial (VII). En effet, le seul rameau qu’il ait pu identifier proche du tube auditif qu’il décrit là (allant du cavum tympanique au pharynx) est celui innervant le muscle tenseur du voile (ancien péristaphylin externe) issu du Vm et innervant aussi le muscle ptérygoïdien latéral.
×Structure non identifiée.
×Orifice antérieur de la partie osseuse du tube auditif.
×Note de Vésale témoignant d’une astucieuse corrélation anato-physiologique.
×Vésale avait corrigé le traité De venarum arteriarumque dissectione, publié dans les Galeni opera omnia nunc primum in unum corpus redacta, Venetiis, Apud hæredes Lucæantonii Iuntæ Florentini, 1541-1542.
×Voir Introduction au livre I.
×La seule interprétation de cette description est qu’il s’agisse du canal ptérygoïdien (vidien) traversé par le nerf vidien et l’artère vidienne mais qui, elle, est issue non pas de la carotide interne mais de l’artère maxillaire interne, branche de la carotide externe. Mais curieusement ce canal n’est pas visible sur une vue supérieure de la base du crâne telle que montrée sur la figure 3. En tout cas, Vésale décrit plusieurs fois des structures auxquelles des anatomistes postérieurs donneront leur nom, par ex. Fallope, Eustache et Vidius, ce dernier plus connu sous son nom italien, Guido Guidi (1509-1569).
×En réalité, le conduit auditif interne laisse passage en effet au nerf facial (VII) que Vésale numérote « cinquième » mais aussi aux nerfs vestibulaires et cochléaire constituant le VIII.
×Le sens figuré de Minerva (talent, esprit) est attesté chez plusieurs auteurs latins de l’Antiquité. Nous remercions Antoine Drizenko d’avoir attiré notre attention sur la valeur proverbiale de l’expression commentée par Erasme dans les adages 37 et 39 (crassa, pinguis, rudis Minerva) et illustrée de citations de Columelle, d’Aulu-Gelle et d’Horace, Erasmi Roterodami Germaniæ Decoris Adagiorum Chiliades Tres, ac Centuriæ fere totidem, Basileæ, Froben, 1513, f° 13r : Dicitur pinguiore Minerva fieri, quod inconditius simpliciusque quasique indoctius fit, non autem exquisita arte, nec exactissima cura (« On dit qu’une chose est faite avec une grossière Minerve, quand elle est faite de manière assez fruste, simpliste, pour ainsi dire assez maladroitement, mais sans recherche artistique ni souci d’exactitude »).