Livre I
59

a prévu beaucoup d’autres choses admirables en relation avec les vertèbres. En effet, du milieu de la face postérieure des vertèbresm,m P, P, P. il a produit une épine [processus épineux][252] en guise de barrière et de protection pour l’ensemble du rachis ; elle est placée en première ligne de sorte à être la première cassée et endommagée de toute façon avant que la vertèbre ne soit atteinte et la moelle spinale lésée.Le cartilage recouvrant les extrémités des vertèbres. Sur la plupart des vertèbres munies d’appendicesn,n F, G dans les figures 2, 3 du chapitre 17. un cartilage se développe sur les processus postérieurs, pour protéger la substance qui est sous lui ; il est tel qu’il ne peut pas être brisé ni rompu aussi facilement que ce qui est fragile, friable et dur, et qu’il ne peut pas être coupé ni endommagé comme ce qui est mou et charnu. En outre, on voit que la dimension de chaque processus épineux que nous avons décrit n’est pas la même dans toutes les vertèbres, révélant en cela encore la merveilleuse prévoyance de la Nature. En effet, aux endroits où se trouve en plus de la moelle spinale un organe important, il ne fallait pas négliger de prendre en compte cet organe[253], de même il n’était pas nécessaire de placer de très longs processus épineux aux endroits occupés seulement par la moelle. Il ne convenait pas non plus de produire un long processus épineux sur une petite vertèbre, ni un court sur une grande vertèbre. Pour l’excellente raison que le cœur est placé dans le thorax, et que la grande artère [aorte] repose sur le rachis*,* Les figures des livres V et VI montrent ces organes placés devant les vertèbres. c’est donc dans ces parties du rachis que la Nature a produit de longs processus épineux, et des courts ailleurs. Le corps des vertèbres lombales est grand, car il supporte la grande artère [aorte] et la veine cave ; la masse du sacrum est encore plus grande et plus considérable, mais aucun organe essentiel n’est situé devant lui ; les processus postérieurs des vertèbres situées en dessous des vertèbres thoraciques devaient donc être à juste titre plus longs dans les lombes et plus courts sur le sacrum. Mais comme les vertèbres cervicales sont les plus fines de toutes, il était impossible de les pourvoir de processus à la fois longs et résistants aux chocs, car ils se seraient rompus à la moindre occasion, étant donné leur finesse.Les processus transverses. Les processus en forme d’épine que nous venons de décrire servent donc de remparts ; mais les vertèbres sont aussi pourvues d’autres processus, des processus transverses, formant en partie une sorte d’assise pour les muscles moteurs du rachis, tout comme les processus épineux qui sont très utiles pour l’insertion et l’origine des muscles, comme d’une manière générale presque tous les processus osseux qui sont proéminents et qui s’élèvent à l’image de monts et de collines, comme cela a été dit plus d’une fois. En effet à tous ces processus vertébraux sont attachés des muscles, avec des artères, des veines, des nerfs, qui sont portés vers eux et par eux. Aux fonctions des processus transverses des vertèbres thoraciques déjà citées, s’en ajoute une troisième, qui est de former une surface appropriée pour l’articulation avec les côtesp.p Figures 1, 2, 3 du chapitre 19. L’articulation des vertèbres entre elles. Puisque le rachis composé de plusieurs vertèbres devait être formé comme un corps unique, à la fois résistant et solide, mais facile à mouvoir, la Nature mérite de grands éloges, elle qui a construit le rachis en le rendant apte à ces deux fonctions (cependant opposées). En effet, jusqu’au sacrum, toutes les vertèbres (sauf les deux premières) s’unissent entre elles de manière très sûre à l’avant sur leurs grands corpsq,q R, R.
r N, O.
mais sur leur face postérieurer elles sont unies par une double articulation, dont la solidité est encore renforcée par l’articulation antérieure. Ainsi donc, les vertèbres ne sont pas dans l’impossibilité de se mouvoir, puisqu’elles ne sont pas jointes intimement par leur corps et qu’elles sont séparées par des jointures très apparentes sur leur face postérieure ; voilà pourquoi nous pouvons nous incliner très loin en avant, mais jamais en arrière. En effet, si vous les forcez, vous romprez les ligaments membraneux qui relient les corps vertébraux avec l’aide d’un autre ligament cartilagineux [disque intervertébral]ss R, R. entre les corps vertébraux et qui les relie de telle sorte qu’il n’y a presque pas de différence entre les vertèbres et ces corps [disques intervertébraux] qui les unissent. Mais le livre suivant traitera abondamment de la nature et de la substance de ces ligaments, ainsi que de tous les autres.La flexion en avant était plus commode pour le rachis. Mais puisque la flexion du rachis ne pouvait se faire sans danger de la même façon en avant et en arrière (car si cela avait été possible, le rachis aurait été peu solide, instable et très lâche), la Nature a justement choisi ce qui convenait le mieux. La flexion en avant est, en effet, la plus commode pour toutes les activités dans la vie ; en outre, ce mouvement cause moins de désagrément aux vaisseaux, c’est-à-dire l’aorte et la veine cave, qui se trouvent devant le rachis, et qui, dans une flexion en arrière, auraient été trop étirés. Voilà pourquoi les vertèbres du rachis devaient s’emboîter exactement sur leur face antérieure, mais être articulées plus souplement sur leur face postérieure. Quant à la forme de ces articulations, nous l’ajouterons avec ce qui reste à dire sur chaque vertèbre en particulier. Les différences entre les vertèbres sont nombreuses, montrant partout l’incroyable savoir-faire de la Nature ; voilà pourquoi les quatre chapitres suivants seront consacrés à décrire ces différences, avec beaucoup de soin et de précision : le premier chapitre sera consacré aux vertèbres du cou, c’est à dire aux vertèbres cervicales, le deuxième à celles du thorax, le troisième aux vertèbres lombales, le quatrième au sacrum et au coccyx[254].

×Vésale se sépare ici de Celse, De Medicina VIII, 1, qui utilise le nom spina pourdésigner le rachis.
×Le texte est elliptique. Il faut comprendre que la longueur des processus épineux varie en fonction des organes à protéger.
×Quelques développements sur les insertions musculaires nécessaires au mouvement seront insérés dans ce chapitre en 1555.