Livre I
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ce mouvement de rotation est facile. De même si le cou est en extension, ou porté latéralement vers les épaules, vous faites facilement bouger la tête dans un cercle. Par ailleurs, de même que la tête a ce mouvement circulaire qui lui est propre et dont le cou est dépourvu, le cou a également un autre mouvement, qui lui est propre, par lequel il s’incline latéralement. En effet, la tête ne peut absolument pas s’incliner sur les côtés, par elle-même, mais elle le fait grâce au cou, dans un mouvement secondaire. En conséquence nous dénions le fait que la tête puisse se mouvoir, même très peu, vers une scapula ou l’autre, sans y être conduite par un mouvement du cou[267].Des articulations ont été préparées pour les mouvements de la tête. Donc la tête a deux mouvements en propre ; le premier, qui est la flexion et l’extension, se fait par le moyen de l’articulation de la tête avec la première vertèbre cervicale : en effet la tête fléchit en avant et en arrière sur la première vertèbre. Le second mouvement, qui est la rotation, se réalise sur la deuxième vertèbre cervicale. En effet la tête tourne en même temps que la première vertèbre sur la deuxième, comme autour d’un axe. Telle est mon opinion au sujet des mouvements et des articulations de la tête ; vous comprenez immédiatement combien elle s’écarte des leçons de Galien. Mais est-elle plus proche de la vérité? C’est ce que vous apprendrez d’après l’assemblage des os, d’après les ligaments qui les joignent et des muscles qui les meuvent. Par ailleurs, j’exposerai les ligaments et les muscles dans le deuxième livre[268], pour le moment, je vais décrire seulement les os, mais dans cette description, il y aura peut-être aussi quelque mention de ligament.Description de l’os occipital, là où il s’articule avec la première vertèbre. Sur les côtés du foramen [foramen magnum] offrant un passage à la moelle spinalef,f A dans la figure 1. l’os occipital présente de chaque côté une petite tête [condyle]g,g B indique la petite tête sur le côté droit sur la figure 1. s’étendant davantage vers la région antérieure du foramen que vers la région postérieure[269]. Si vous regardez leur surface antérieurehh C dans la figure1.
i D dans la figure 1.
et postérieurei, ces condyles sont oblongs et arqués, ils sont construits à l’image d’une tête sphérique d’un os quelconque, par exemple celle du fémurkk A dans les figures 1, 2 du chapitre 30. dans l’articulation avec l’os coxal : leur tête se divise en deux parties, chaque moitié étant située de part et d’autre du foramen taillé dans l’os occipital. En effet, si vous imaginez les deux condyles occipitaux joints par leur côté interne, vous verrez qu’une tête sphérique est ainsi formée (bien que chez l’homme elle soit assez déprimée). Cela étant, on voit facilement que les deux condyles sont oblongs comme nous l’avons dit, et qu’ils sont plus en saillie sur le côté internell E dans la figure 1.
m F dans la figure 1.
que sur le côté externem, de la même manière que dans la tête sphérique d’un os la partie centrale et la plus proéminente de toute sa superficie est plus en relief que les parties situées à sa circonférence. Ces condyles seront ceux qui s’articulent avec la première vertèbre cervicale, comme je le décrirai un peu plus tard[270]. Maintenant, il faut encore considérer la partie rugueuse et épaisse de l’os occipitalnn G dans la figure 1. entre les deux condyles qui viennent d’être mentionnés, et qui a été préparée en vue de rendre plus solide l’insertion du ligament rond [ligament occipito-odontoïdien]oo I dans la figure placée dans la marge un peu plus loin.
p H dans le même figure.
qui réunit la dent de la deuxième vertèbrepà l’os occipital. Cette surface rugueuse [partie basilaire] est quelquefois si prononcée qu’elle mériterait d’être appelée tubercule : elle est saillante grâce au ligament susdit, et aussi pour permettre l’insertion des muscles fléchisseurs du couq.q A, B dans la 8eplanche des muscles. La partie à l’arrière du foramen transmettant la moelle spinale est également rugueuse [crête occipitale] mais moins épaisse que la partie à l’avant ; dans la région à l’arrière de l’un et l’autre condyle, on voit une cavité superficiellement taillée [fossette rétro-condylienner],r H dans la figure1. préparée dans le but de former avec la cavité de la première vertèbre un foramen [canal de conjugaison ou intervertébral] d’où s’échappe sur chacun des côtés la première pairess F dans la figure 3 du chapitre 11 du livre IV. de nerfs spinaux[271]. La première vertèbre cervicale est plus solide que tous les autres osDescription de la première vertèbre cervicale. du dos [rachis], elle est plus compacte, mais plus fine dans le sens de la longueur, et elle diffère beaucoup de toutes les autres par sa forme. Elle a en effet le plus grand foramen [canal vertébral]tt I dans les figures 2, 3, 4. taillé pour la moelle spinale, car c’est là que la moelle est la plus épaisse. Son corps [arc antérieur] est taillé en relief en avant [tubercule antérieur]uu K dans les figures 2, 3.
x L dans les figures 3, 4.
et montre en arrière une cavité superficiellex, encroûtée de cartilage [fovea dentis], qui reçoit la dentyy g, n dans les figure 5, 6, 11. de la deuxième vertèbre. C’est la raison pour laquelle le corps de la première vertèbre est creusé, pour que la dent de la deuxième vertèbre puisse s’y adapter. Par ailleurs, pour éviter que la première vertèbre, dont le corps est si creux, et qui en réalité n’a quasiment pas de corps[272], ne soit plus faible et plus fragile qu’il ne convient, elle est augmentée sur sa face antérieure par un processus ou tuberculez,z M dans les figures 2, 10. qui la rend plus épaisse et plus robuste ; en outre, ce tubercule est apte à recevoir l’insertion de la première paire de muscles moteurs du dos. Telle est donc la fonction de ce tubercule ; il n’est pas produit pour empêcher une excessive flexion de la tête ni pour supporter la tête en flexion, ni pour faciliter l’extension vers le haut et vers l’arrière de la tête une fois fléchie, comme Galien l’a prétendu à tort dans le quatrième livre des Procédures anatomiques. En effet (pour ne rien dire ici du mouvement de la tête, ni sur quelle vertèbre il a lieu), il n’y a pas de raison que la tête puisse s’incliner au point que l’os occipital touche ce tubercule et il s’en faut d’autant que la masse de la tête puisse être supportée par ce même tubercule. Par ailleurs, la première vertèbre est plus solide et plus épaisse sur les côtés[273] de la cavitéaa K dans la figure 3. qui reçoit la dent de la deuxième vertèbre, et sur chaque masse latérale elle présente une fossette [cavité glénoïde, fovea articulaire supérieure]bb Les N désignent la cavité à droite sur les figures 2, 3, 10. dans laquelle le condyle occipital correspondant est reçu. Ces fossettes, paires, sont oblongues de telle sorte que les condyles leur correspondent parfaitement (si vous les regardez en vue antérieurec et postérieured) ;c O dans les figures 2, 3.
d P dans les figures 2, 3.
e R dans les figures 2, 3.
f Q dans les figures 2, 3.
elles sont moins profondes sur le côté externee que sur le côté internef, tout à fait comme si les deux fossettes avaient été formées à partir d’une seule cavité de forme sphérique et profonde. Si vous divisiez en deux la cavité de l’os occipital, ou de tout autre os doté d’une cavité de forme sphérique, et que vous placiez une des moitiés sur chaque masse latérale de la première vertèbre cervicale, là où se trouvent à présent ses fossettes, chaque moitié correspondrait à une des fossettes de cette première vertèbre[274]. Ou

×Jacques Dubois (Sylvius) reprochera à Vésale d’avoir mal interprété les passages cités de Galien sur la question des mouvements de la tête, Væsani cujusdam calumniarum in Hippocratis Galenique rem anatomicam depulsio per Iacobum Sylvium [1ère éd : Paris, Catherine Barbé, 1551], reprise dans Galeni de ossibus, græce et latine. Accedunt Vesali, Sylvij, Heneri, Eustachi ad Galeni doctrinam exercitationes, ex bibliotheca I. van Horne, Lugduni Batavorum [Leiden], Daniel van der Boxe, 1665, p. 147.
×Cf. Fabrica livre II, chap. 28-30.
×Pour la définition du condyle, cf. Fabrica I, chap. 3, p. 10.
×La morphologie du condyle correspond à celle de la cavité glénoide ou fossette articulaire de la première vertèbre.
×Les nerfs spinaux (autrefois appelés nerfs rachidiens) sont les nerfs qui émergent de la moelle spinale. Ils sont responsables de la motricité et de la sensibilité des membres et des sphincters.
×L’observation est pertinente. On considère aujourd’hui que l’atlas est dépourvu de corps vertébral, mais qu’il est composé de deux masses latérales unies par un arc ventral (que Vésale nomme « partie antérieure ») et un arc dorsal (« partie postérieure »). La description est faite en vue supérieure, ce qui permet de voir chaque arc pourvu d’une face avant et d’une face arrière.
×Il s’agit des deux masses latérales.
×Exemple représentatif de la méthode de Vésale qui associe l’oeil (qui voit l’objet ou son image), l’esprit (qui reconstitue mentalement l’objet en trois dimensions), la main qui peut le manipuler.