Livre I
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Le troisième os avec son cartilage pourrait être comparé au reste de l’épée, au point que certains ont appelé tout l’assemblage xiphoide [en forme de glaive] à cause de sa ressemblance avec une épée. D’autres, qui ont examiné des singes plutôt que des hommes, ont donné ce nom seulement à la pointe cartilagineuse, parce qu’elle ressemble plus ou moins à la pointe d’une épée et que la totalité de l’os de la poitrine d’un chien supporte moins bien la comparaison avec une épée que l’os humain. Cette confrontation d’images montre que les anciens ont disséqué des cadavres humains, mais Galien seulement des cadavres de singes ;L’os de la poitrine [sternum] est cintré sur les deux bords. cette opinion est confirmée par Celse qui a écrit que l’os de la poitrine [sternum] est en forme de croissant de lune sur les deux bords[362]; cela aurait été faux pour les singes et les chiens, chez qui rien de tel n’est visible, alors que chez l’homme le haut du premier os [manubrium] du sternum et le bas de l’os sousjacent [corps] sont effectivement beaucoup plus larges qu’à l’endroit où ces os se joignent [articulation médio-sternale].Substance de l’os de la poitrine [sternum]. La substance de l’os de la poitrine [sternum] est entièrement spongieuse et mousse et recouverte à l’avant d’une écaille plus continue qu’à l’arrière. En effet à l’arrière, cette écaille présente des foramina en grand nombre et de taille inégale, qui ne traversent pas l’écaille mais offrent seulement une voie aux vaisseauxll Le long de A, A dans la figure 2 du livre VI. qui nourrissent l’os. Ces foramina sont d’autant plus visibles dans le premier os [manubrium] que l’épaisseur de celui-ci dépasse celle du deuxième [corps].Fonctions de l’os de la poitrine [sternum]. Donc que cet os ait été créé pour soutenir les côtes qui comme une enceinte enferment la cavité thoracique, n’échappe à personne, je pense, pas davantage que le rôle de rempart qu’il joue en second lieu ni les fonctions habituelles que les os du thorax remplissent pour l’homme, comme nous l’avons rapporté au début de ce chapitre.Fonctions du cartilage en forme de pointe [processus xiphoïde]. Le cartilage [processus xiphoïde] dans lequel l’os de la poitrine [sternum] se termine est également un rempart pour les organes placés derrière lui ; il est vulgairement appelé grenade, parce qu’il ressemble (selon moi) à la pointe d’une fleur de grenadier. De cette forme vient aussi le nom d’épiglotte qu’on donne vulgairement à ce cartilage, certainement par analogie avec l’ouverture du larynxm,m Figures 12, 13 du chapitre 28. dont l’aspect n’est pas différent du cartilage du sternum. Mais nous reporterons l’abondance des noms de ce genre à la fin de ce livre en même temps que les noms de tous les autres os. Pour le moment, il n’y a rien à ajouter, si ce n’est que l’orientation des parties osseuses des côtes est très différente de celle des parties cartilagineuses.L’orientation des côtes. En effet dès que les parties osseusesnn De a à f via c dans la figure 3. des côtes s’éloignent des vertèbres, elles s’orientent obliquement en bas et en arrière, et de làoo De f à A dans la figure 3. obliquement vers l’avant, vers les côtés du thorax, toujours orientées en bas jusqu’à ce qu’elles se terminentpp De B à F dans la même figure. en cartilage en s’incurvant comme un arc, obliquement et vers le haut. Cette orientationqq [Voyez] ceci dans les planches intégrales et surtout dans la deuxième. est visible non seulement dans les côtes qui sont unies à l’os de la poitrine [sternum], mais aussi dans toutes les autres, sauf peut-être dans la douzième, dont le cartilage est tourné plus ou moins vers le haut ; cependant cette courbure est surtout visible dans les côtes du milieu, dans la cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième côtes, et est moins prononcée dans les côtes supérieures et inférieures.

Chapitre XX. La substance cartilagineuse qui est affectée à la base du cœur, ou l’os du cœur.

[Illustration]

Cette figure représente parfaitement les racines de la grande artère [aorte] et de la veine artérieuse [artère pulmonaire][363], séparées des corps ou des parties qui leur sont habituellement joints, et semblables à deux cercles. A indique la racine de la grande artère [aorte] et B la racine de la veine artérieuse [artère pulmonaire]. C indique la connexion entre ces vaisseaux au point d’origine. Cette connexion, qui est surtout cartilagineuse, ne doit pas être recherchée d’après cette figure grossière, mais d’après les figures du livre VI et surtout d’après la huitième et la dixième figures, que l’on ne doit pas se contenter de considérer superficiellement avec leurs indices ; mais il n’aurait pas été utile de proposer plusieurs fois les mêmes planches à différents endroits.

Pour ne pas donner l’impression que nous avons oublié un quelconque os dans ce livre, nous avons pensé qu’il fallait mentionner ici une substance osseuse du cœur[364]. En effet Galien a rapportéLivre 8 des Procédures anatomiques. qu’un de ses assistants avait enlevé un os d’une grandeur extraordinaire du cœur d’un éléphant et il écrit** A, B, C dans la figure 10 du livre VI. qu’il y a un os dans le cœur des grands animaux, et un cartilage dans le cœur des petits animaux.Il n’y a pas d’os dans le cœur humain. Pour ma part, je n’ai pas encore trouvé de véritable os dans le cœur humain ou dans tout autre cœur, mais à l’endroit où Galien place cet os dans le cœur, j’observe une substance cartilagineuse qui, à mon avis, n’est rien d’autre que l’endroitaa B, C, D dans la figure 10 du livre VI. où les racines de la grande artère et de la veine artérieuse [artère pulmonaire]bb E, F, g dans la figure 8 du livre VI ; ces lettres indiquent les membranes. sortent du cœur.La substance cartilagineuse du cœur. Ces racines forment les bases des membranes[365] qui empêchent le reflux du contenu [sang]

×Celse, De medicina VIII, 1, 15, éd. J. Henderson, The Loeb Classical Library, t. III, Londres (réed. 2002), p. 482.
×Cf. Fabrica III, 15, p. 311 et VI, 12, p. 590. Nommée veine artérieuse depuis Hérophile et Galien, l’artère pulmonaire charrie en effet du sang veineux mais a la morphologie d’une artère. Cf. le commentaire de Guinter d’Andernach, Institutionum Anatomicarum secundum Galeni sententiam ad candidatos Medicinæ Libri quatuor, per Ioannem Guinterium Andernacum medicum, Basileæ, 1536, p. 78 ([dextræ auriculæ venæ cavæ] ramus insignis qui tunicam arteriæ similem in corde nactus (unde arteriosa vena dicitur) inde in pulmonem dispergitur). Pour la réception et la critique des notions de veine artérieuse et d’artère veineuse au début des temps modernes, voir par exemple A. Bitbol-Hespériès, Le principe de vie chez Descartes, Paris, Vrin, 1990, p. 59-60.
×Cf. Fabrica VI, 12, p. 590. La question de la présence d’un os dans le cœur humain n’est pas un sujet de controverse chez Vésale, qui en nie tout simplement l’existence et ne mentionne même pas ce point dans l’Epitome, mais qui critique, une fois encore, le transfert du modèle animal à l’homme, tout en admettant qu’un cartilage dans le cœur des animaux fissipèdes a pu tromper Aristote et Galien.
×Vésale décrit ici les trois valvules sigmoïdes de l’orifice artériel pulmonaire.