Livre I
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de ces deux vaisseaux dans le cœur ; elles sont beaucoup plus dures que le reste de la substance de ces vaisseaux, au point qu’elles paraissent participer quelque peu de la nature du cartilage. Chez les bovins, cette substance devient quelquefois dure de la même manière que les cartilages des côtes des quadrupèdes dégénèrent en un os blanc et friable recouvert à l’extérieur d’un cartilage comme d’une membrane, comme nous l’avons écrit précédemment. Donc les racinescc C. de ces vaisseaux se touchent mutuellement comme si vous joigniez et réunissiez l’un à l’autre deux cerclesdd A, B. en un point de telle sorte que le cercle droit serait la racine de la veine artérieuse [artère pulmonaire] et le gauche (qui est plus grand) la racine de la grande artère [aorte]. Le point de contact de ces deux cercles serait le lieu où ces deux vaisseaux de forme circulaire se rencontreraient et seraient réunis, et c’est là que se trouverait la meilleure partie de cartilage qui serait ovale et presque circulaire, s’étendant sur toute la surface où les racines se rejoignent, si on coupait le reste des cercles. Mais pour moi, on pourra bien appeler ces racines ou bien cartilage ou bien os du cœur, pourvu qu’on examine attentivement leur nature et qu’on ne soit pas stupide au point de se persuader que l’os du coeur a la forme d’un Λ [lambda majuscule] ou d’un υ [hupsilon], comme le font des sectateurs de Galien qui expliquent ses opinions de manière peu rigoureuse[366].Erreurs des anatomistes. En effet ceux qui ont entrepris de décrire le corps humain après Galien, comptent à la base du cœur un os qu’ils comparent à celui placé au sommetee Figures 1, 2 du chapitre 13. du larynx et qui est appelé hyoïde d’après la forme de l’hupsilon. Et il n’a pas suffi à ces hommes d’imaginer à la base du cœur humain un os d’après ce modèle : bien plus, ils ont ajouté que cet os maintient en place la base du cœur, et donc aussi le cœur tout entier, de la même manière que l’os placé au début du larynx maintient la racine de la langue. Ils pensent en effet que le cœur bouge, même soutenu par cet os, sans réfléchir que si le cœur était pourvu d’un os de ce genre, il ne pourrait pas plus être soutenu par lui qu’un lit ne pourrait être soutenu dans l’air par un cadre en fer, puisque, étant lié au lit, le cadre en fer serait projeté en bas en même temps que le lit. Cependant nous ne pouvons pas nier le fait que les connexions des quatre vaisseaux du cœur sur des surfaces limitrophes constituent quelque support pour le cœur.Imposture des médecins et des pharmacopoles. Mais laissons là les divagations humaines de ce genre, et passons sur l’incurie de ces gens qui, dans les affections du cœur (d’après leur diagnostic) prescrivent avec superbe un os de cœur de cerf broyé avec je ne sais quelles pierres précieuses ou de l’or[367], alors qu’il n’y a pas d’autre os dans le cœur d’un cerf, d’un veau, d’un chien ou d’un cochon, que ces racines cartilagineuses de la grande artère [aorte] et de la veine artérieuse [artère pulmonaire]. Et l’osselet que l’on m’a montré jusqu’à présent dans des officines de pharmacopoles, en disant mensongèrement qu’il provenait d’un cœur de cerf, n’est rien d’autre, à mon avis, que le plus grand osselet [corps] de l’os hyoïde d’un agneau : c’est un os d’une seule pièce et qui ressemble à un λ [lambda minuscule], si ce n’est que sa jambe droite couperait transversalement sa jambe gauche suivant le dessin en X, et que la jambe gauche serait plus courte, ce qu’une langue de mouton, chaque fois qu’elle est servie à table, vous enseignera de manière plus claire que le jour. La procédure à appliquer pour rechercher les racines cartilagineuses de ces vaisseaux sera décrite dans le sixième livre, lorsque nous traiterons de la dissection du cœur.

Chapitre XXI. Les scapulæ.
Première figure du chapitre XXI.
Deuxième figure.
Troisième figure.

[Illustration]

La page suivante montre l’index des caractères de ces trois figures.

×En fait, c’est l’appendice xiphoïde qui a été souvent confondu avec l’épiglotte. Voir le commentaire très fourni de Ch. J. Singer et C. Rabin, A prelude to Modern Science. Being a discussion of the history, sources and circumstances of the "Tabulae anatomicae sex" of Vesalius, Cambridge, Cambridge University Press, 1946, p. 23, note 129, à propos de la IVe planche, sur la confusion verbale entre epiglottis et epiglottalis dont il faut chercher l’origine dans une traduction du Canon d’Avicenne par Gérard de Crémone.
×Exemple de médecine par sympathie : « l’os du cœur » de cerf, en forme de croix, était réputé comme cordial. On le trouve encore au XVIIIe siècle, toujours broyé avec des pierres précieuses, dans la recette de la hyacinthe, voir par exemple P. Pomet, Histoire générale des drogues simples et composées, tome II, Paris, E. Ganeau et L.E. Ganeau fils, 1735, p. 370-371.