Livre I
111

semblable à un angle obtus, très dur et solide. Le processus postérieur correspond approximativement à la forme du processus antérieur, qui entre dans la dépression [fosse olécranienne]gg O dans la figure 2 du chapitre 23. que l’on voit sur sa face postérieure près de la région supérieure de la trochlée ; mais comme cette dépression est beaucoup plus profonde et plus large que la dépression antérieure, le processus postérieur est avec raison plus épais et large, ressemblant davantage à la forme d’un angle obtus. Les Athéniens ont appelé ce processus olecranon, les Doriens kubiton, Hippocrate ankon, Galien tantôt olecranon, tantôt ankon. Ces mots sont un grand inconvénient pour ceux qui lisent les textes en latin, parce qu’ils ont été confondus par les traducteurs, qui non seulement ont souvent traduit tous ces mots par le mot de cubitus, mais qui ont aussi nommé ainsi l’ulna, toute la partie entre le bras et le poignet, l’articulation de l’humérus avec le radius et l’ulna [coude], la surface interne de l’articulation et sa courbure, alors qu’il est très utile de comprendre le sens de chacun des mots pris chez l’auteur que l’on traduit. C’est pourquoi, pour ne pas rendre une chose déjà suffisamment difficile encore plus obscure, je prierai de bonne grâce le lecteur de me permettre d’utiliser toujours le même mot dans tout l’exposé et de ne pas vouloir que tout soit confondu en raison de je ne sais quelle abondance[415] de mots ou de recherche d’obscurité. Nous appellerons donc ces processus de l’ulna le processus antérieur et le processus postérieur, ce dernier ayant été appelé convexe et bombé par beaucoup qui n’ont pas réfléchi qu’ils avaient aussi nommé naïvement convexes les tubercules de l’humérushh P, S dans les figures 1, 2 du chapitre 23. qui se trouvent sur les côtés de la trochlée, les extrémités inférieuresii E, F dans les figures 1, 2 du chapitre 30.
k C, D, E dans les figures 1, 2, 5.
du fémur et nombre d’autres processus osseux. Entrek ces processus de l’ulna, là où ils se font face, une grande dépression [incisure trochléenne] est creusée qui reçoit la trochlée, à laquelle elle correspond parfaitement. En effet d’abord elle est creusée en forme de demi-sphère, un peu plus profondde que circulaire, ressemblant à notre C ou au Ϛ des Grecs ; c’est d’après la forme de cette lettre que les anciens Grecs ont appelé cette dépression une cavité sigmoïde. Elle n’est pas seulement creusée en forme de Ϛ, mais pour pouvoir parfaitement s’ajuster à la trochlée de l’humérus, elle forme une saillie en son milieu au moyen d’un tuberculell F, F dans la figure 11. obtus et large, qui longe la cavité sur toute sa longueur ; sur chaque bordmm G, G dans la même figure ; également H, H. Comparez K, L, M dans les figures 1, 2 du chapitre 23. il est comprimé et déprimé et pourrait être comparé à une corde ou à un filin qui s’enroule autour d’une poulie. Comme la corde est cylindrique, elle s’enroule autour de la gorge de la poulie, qui est légèrement arrondie, en s’ajustant (pour ainsi dire) le long de la partie concave ; de la même manière le tubercule dans la dépression de l’ulna s’ajuste à la dépression de la trochlée. À leur tour les bords déprimés et comprimés du tubercule s’ajustent également aux bords saillants de la dépression de la trochlée. Pour que cela se fasse plus précisément, le bord interne de la dépression de l’ulna est creusé plus profondément que le bord externe, à l’évidence parce que le bord interne de la trochlée de l’humérus est beaucoup plus proéminent et saillant que le bord externe. Toute cette dépression de l’ulna est lisse et encroûtée de cartilage, et, avec ses processus, si bien ajustée à la trochlée que si vous imaginiez qu’elle puisse être, un tant soit peu, plus saillante, plus profondément concave, plus large, plus étroite, vous abîmeriez sur le champ toute l’articulation, construite avec habileté dans le seul but d’aider à la flexion et à l’extension de l’avant-bras, sans risque de luxation. En outre, cette articulation qui est réalisée par l’engrenage mutuel d’os est non seulement toujours très plaisante à voir, mais elle donne aussi de la force aux ligaments qui enserrent l’articulation. Et pour que ces ligaments enveloppent l’articulation avec plus de force, la surface des processusnn C, D dans la figure 11. qui n’est pas en regard de la dépression est rugueuse et irrégulière. Ces processus sont rugueux non seulement en vue de ligaments mais aussi en vue de muscles. En effet la surface postérieure du processus postérieur [olécranon] a un relief très irrégulier et est quelque peu concave pour recevoir une insertion plus solide des muscles extenseurs de l’avant-bras.o b, c, d dans la 13eplanche des muscles[416]. Et la partie antérieure du processus antérieur [processus coronoïde] de l’avant-bras est rugueuse de manière que l’insertion du muscle fléchisseur postérieur [muscle brachial]pp Γdans la 8eplanche des muscles. de l’avant bras se fasse avec plus de force, et pour faciliter l’insertion des muscles fléchisseurs de la deuxièmeqq Θ dans la 4eplanche des muscles.
r Ξ dans la 6eplanche des muscles.
et de la troisième phalangesr. Ce n’est pas seulement la surface antérieure de ce processus antérieur qui est rugueuse, mais près de la racine de ce processus la Nature a muni l’ulna de certains tubercules rugueuxss L dans les figures 5 et 11. en vue de ces muscles. En plus, pour que cette articulation soit enveloppée de ligaments plus robustes, sur la partie inférieure de la dépression ulnaire marquée Ϛt,t I, K dans la figure 11. on voit de chaque côté une petite dépression en forme d’angle, et la dépression indiquée par Ϛ interrompt là sa circonférence et devient rugueuse, à l’évidence sans autre but que de permettre à de robustes ligaments d’avoir leur origine sur cette partie de l’ulna couverte de petits foramina qu’on ne peut pas traverser. Telle est la manière dont l’ulna est articulé avec l’humérus, mais le radius est égaement joint à l’humérus.Articulation du radius à l’humérus Le radius est plus fin, et son coluu M dans les figures 3, 4, 9.
x N dans les mêmes figures.
oblong et fin se prolonge en une têtex large et sphérique, qui présente sur la surface de cette partie en regard de l’humérus, une dépressionyy O dans la figure 9. ronde, qui n’est pas très profonde, dans laquelle entre la tête huméralez.z P dans la figure 1 du chapitre 23. Le radius a des mouvements de pronation et de supination sur cette tête, et il ne s’oppose nullement à la flexion de l’avant-bras ni à l’extension de la jointure sur l’humérus ; en effet, la dépression du radius fléchit et s’étend également sur la tête de l’humérus. Ce mouvement est aidé par la longueur de la tête de l’humérus et par sa large surface encroûtée de cartilage, aussi cette tête ne quitte jamais la dépression du radius pendant les mouvements de l’avant-bras ; et on ne doit pas mépriser ni oublier ici le talent de la Nature qui a ajusté l’articulation de l’humérus avec le radius de telle manière que le radius puisse être en flexion et en extension en même temps que l’ulna et cependant être porté élégamment en pronation et en supination alors que l’ulna n’a aucun mouvement.

×L’abondance d’idées et de mots (copia) avait été répertoriée et définie comme un procédé au service de l’art oratoire dans l’antiquité par Quintilien au livre X du traité De institutione oratoria et, à ce titre, faisait partie de l’enseignement du trivium. Érasme avait traité du sujet en 1512, De duplici copia verborum ac rerum libri duo (Catalogus omnium Erasmi Lucubrationum, publié par Froben à Bâle en 1525), que Vésale a pu connaître au Pedagogium trilingue de Louvain. Cf. G. Valese, De duplici copia verborum ac rerum, in Colloquia Erasmiana Turonensia (dir. J. Cl. Margolin), Paris, Vrin, 1972, p. 233-239. La recherche d’un consensus sur une nomenclature anatomique unique montre comment le livre de sciences à la Renaissance s’inscrit dans une perception et une répartition des savoirs et des champs disciplinaires différente de la nôtre, à la fois ouvrage littéraire, qui n’exclut pas la variété et l’abondance de la rhétorique humaniste (si souvent reprochées à Vésale), tout en se cherchant une spécificité d’écriture propre à la discipline, cf. V. Giacomotto-Charra et J. Vons, «  Les textes scientifiques à la Renaissance », Seizième siècle, 8, 2012, p. 7-16.
×L’appel de note n’est pas visible dans le texte.